DÉCRYPTAGE
L’invasion des pastèques gonflables.
GRÂCE À TAYLOR SWIFT, les bouées gonflables sont revenues au premier rang du panthéon des tendances. En 2015, la chanteuse poste sur son compte Instagram aux 102 millions d’abonnés une photo d’elle juchée sur un cygne, en compagnie de son compagnon de l’époque, Calvin Harris. Il suffira d’un simple cliché épidémique pour que les ventes s’affolent et que des baudruches aux formes de flamants roses, de licornes et de dauphins se mettent à encombrer le front de mer. Cet été, cette ménagerie devra s’effacer devant la nouvelle star aérophage des villégiatures estivales : la tranche de pastèque gonf lable. Elle vient visuellement parachever la californisation de nos lieux de vacances, comme si, à grand renfort de couleurs vives infusées dans le paysage, le Grau- du- Roi avait vocation à devenir un remake un peu raté de Venice Beach. Verte, blanche et rouge, constellée de quelques pépins, ce morceau de fruit servira en premier lieu à canoter sur les eaux calmes. « De quoi cet objet sémaphorique est- il le signe ? » , peuton alors se demander. Eh bien, c’est très simple : dans un univers qui tend à devenir de plus en plus caniculaire, la pastèque, gorgée à 90 % d’eau, figure un concept conjuratoire, une intarissable source de fraîcheur. Radeau de la Méduse du réchauffement climatique, la tranche de pastèque gonflable incarne ce réservoir aqueux rassurant, qui évitera d’avoir à mourir de soif. Tout cela est bien sûr absolument illusoire puisque la pastèque gonflable contient en réalité de l’air et dérive en droite ligne de l’industrie pétrochimique. Elle est un signe éminemment ambivalent, dont le propos semble procéder de forces contradictoires, rappelant en cela aussi bien le mécanisme de la flottaison, que celui de l’inconscient. Investir dans une pastèque gonflable, c’est donc, d’une certaine manière, essayer de hurler en silence que le monde court à sa perte. En un mot, faire la sieste sur une tranche de refoulé.