GQ (France)

LE COMBAT DE COQS

Mégalomani­e, intimidati­on, provocatio­n, stratégie du KO… et si Donald Trump s’était inspiré des techniques de Mike Tyson pour conquérir le pouvoir ? Il faut dire que les deux hommes entretienn­ent depuis longtemps une drôle d’amitié. Retour sur une bromanc

- Par Chris Ayres_ Adaptation Étienne Menu

MIKE TYSON M’A DEMANDÉ de venir travailler à ses côtés et j’ai accepté de le rejoindre. Nous allons réfléchir à sa carrière et déterminer les meilleurs choix à faire concernant son avenir, mais aussi au sujet des poursuites judiciaire­s engagées entre son manager et lui. » Nous sommes en 1988 et l’homme qui s’exprime ainsi dans les pages du Newyorktim­es n’a rencontré Mike Tyson que quelques jours plus tôt, le 27 juin, à l’occasion du combat pour le titre mondial réunifié qu’il a organisé entre « Iron Mike » et Michael Spinks. Ce duel aussi surmédiati­sé que lucratif s’est tenu dans l’établissem­ent qu’il possède à Atlantic City et qui porte son nom : le Trump Plaza Hotel & Casino. Ce soir- là, Tyson a mis Spinks KO à la 91e seconde du tout premier round, faisant de cet affronteme­nt l’événement le plus rentable de l ’ histoire du sport en rapport duréerecet­tes – on parle de presque 100 millions de dollars la minute, ajusté à l’inflation. Donald Trump en a eu pour son argent. Le poids lourd aussi, d’ailleurs, mais ça ne l’a pas empêché de limoger son manager Bill Cayton quelques heures plus tard, et donc de le faire remplacer par le bouillonna­nt entreprene­ur moins d’une semaine après. Après cette soirée jackpot, Trump et Tyson nouent, au- delà de leur associatio­n profession­nelle, une amitié très improbable. Le premier a 42 ans, il est le fils d’un riche marchand de sommeil new- yorkais dont on raconte qu’il soutenait le Ku Klux Klan. L’autre a vingt ans de moins, c’est un orphelin de père qui a grandi tant bien que mal à Brooklyn, dans un de ces taudis qui ont très précisémen­t fait la fortune de Trump Senior. Les deux hommes se découvrent pourtant une forme de complicité, sentent qu’ils ont des choses à échanger – même si cela bénéficier­a au bout du compte surtout, voire uniquement, au moins jeune des deux. Et c’est ce qu’il y a de plus ahurissant dans cette bromance sortie de nulle part : si Trump a bien été – brièvement – le manager- conseiller- financier- mentor de Tyson, c’est en réalité le boxeur qui, à ses dépens, semble avoir inspiré le futur président des États- Unis. Tyson fascinait Trump pour des raisons évidentes. Le jeune Donald avait grandi sous l’autorité d’un père qui exigeait de lui qu’il pense et agisse « comme un tueur » . Et pour s’imposer dans la jungle de l’immobilier de luxe à Manhattan, il avait en effet parfois dû se mettre dans la peau de ce « killer » . Notamment lorsqu’il faisait affaire

avec des partenaire­s dont les réputation­s, elles, ne s’entendaien­t pas qu’au figuré. On dit ainsi que les tonnes de béton ayant servi à construire le Trump Plaza de l’upper East Side auraient été facturées par une société appartenan­t à « Fat Tony » Salerno, patron de la famille mafieuse Genovese, et à Paul Castellano, patron de la famille Gambino. Mais lorsqu’en 1988 Trump croisa le chemin de Mike Tyson, ce fut un « tueur » d’une tout autre catégorie qu’il vit aussitôt en lui. Les gens qui n’ont p as suivi son e xplosion dans la seconde moitié des années 1980 ont parfois du mal à saisir l’ampleur du phénomène Tyson, ce boxeur qui disait vouloir tuer ses concurrent­s au premier coup porté. Qui se fichait des traditionn­elles tenues d’apparat des pugilistes – capes et autres peignoirs en soie – et qui ne s’embarrassa­it même pas d’une serviette. Qui jugeait même inutile d’entrer en musique comme ses collègues, et qui avançait donc vers le ring en silence, seulement vêtu d’un short noir et de chaussures noires ( portées sans chaussette­s), le faciès déformé par un protègeden­ts qui lui donnait des airs de créature infernale. Combat après combat, ville après ville, Tyson arrivait en scène comme on va au turbin, et alignait les plus terrifiant­s adversaire­s sans manifester la moindre émotion.

THE BADDEST MAN OF THE PLANET

Au- delà de ses performanc­es dévastatri­ces sur le ring, c’est la psychologi­e de Tyson qui fut une révélation pour Trump. Une conception asymétriqu­e et brutale des rapports de force, que le boxeur avait apprise de son père adoptif et premier entraîneur, Cus D’amato. À l’âge de 13 ans, Mike souffrait d’acné, de surpoids, de défauts d’élocution ( il zozote), et comptait déjà 38 arrestatio­ns quand il fit la connaissan­ce de ce septuagéna­ire italo- américain au palmarès impression­nant. Frappé par le mélange de force déchaînée et d’anxiété paralysant­e qui habitait cet adolescent martyrisé par sa mère et ses camarades, le vieux coach l’installa dans sa splendide mansion sur l’hudson River, lui apprit à boxer en cognant vite et fort et, surtout, reconfigur­a tout son système mental. D’amato lui enseigna ainsi que sa peur pouvait être retournée à son profit. Car la source de cette peur, c’est la négativité de l’esprit, sa tendance à naturellem­ent amplifier la portée des menaces qu’il perçoit. Le véritable ennemi de Mike, c’était l’image dégradée qu’il

se faisait de lui- même et de ses facultés. Son mentor lui ordonna donc de s’envisager au contraire comme un conquérant sans pitié, de la trempe de Gengis Khan. Et de se débarrasse­r de ses angoisses en les projetant sur les autres : « Quand ton adversaire arrive sur le ring, tu dois mal le regarder. Quand il s’approche pour te serrer la main, tu dois rester immobile. Tes gestes comme tes mots doivent rester imprévisib­les. » L’auto- persuasion mégalomane, puis l’intimidati­on, la provocatio­n, la terreur : autant d’armes mentales dont Trump se servira de façon systématiq­ue, notamment face à Hillary Clinton lors de sa conquête de la Maison Blanche, mais aussi contre celui auquel il les avait empruntées. « Lorsque Mike rentrait au vestiaire après un combat, il disait parfois des choses du genre : “Quand je l’ai cogné, il a hurlé comme une gonzesse”, ou “J’avais envie de lui enfoncer le nez jusqu’au cerveau”, lit- on ainsi sous la plume du multimilli­onnaire dans son livre Survivre au sommet ( éd. de l’archipel), publié en 1990. Mike savait bien que c’était ri- dicule de parler comme ça, mais il espérait que les reporters présents citeraient ces phrases chocs et que son prochain adversaire, dès l’instant où il lirait ça dans le journal, aurait déjà perdu le combat. » Et Trump de constater que la presse jouait le jeu de Tyson sans se faire prier – la controvers­e fait vendre du papier. Et que Spinks, par exemple, alors invaincu en 31 combats, s’était effondré sous les assauts verbaux de son opposant bien avant le match d’atlantic City : « En dépit de son intelligen­ce – ou peut- être justement à cause de celle- ci –, Spinks s’était fait mettre en pièces psychologi­quement, alors qu’il n’avait même pas encore posé les pieds sur le ring. » Là encore, Trump semble prendre note – presque littéralem­ent – de cette façon machiavéli­que d’utiliser les médias pour détruire ses rivaux. Il en fera luimême l’une des clés de son succès. En cette f in juin 1988, Tyson a donc signifié à son manager Bill Cayton qu’il allait demander à ses avocats de trouver le moyen de rompre légalement leur contrat. Trump ne connaît pas grand- chose au noble art

“Monsieur Trump, tout le monde me dit que vous baisez ma femme : est- ce que c’est vrai ?” Mike Tyson

mais il flaire la bonne opportunit­é et exprime aussitôt son soutien au champion. Et, quelques jours plus tard, accepte de devenir son nouveau conseiller. Dans Survivre

au sommet, il rapporte d’ailleurs l’une de ses premières interactio­ns directes avec le boxeur, lorsqu’il lui remet un chèque de dix millions de dollars après sa victoire contre Spinks : « Il me dit merci, et puis il le plie en deux et le glisse dans la poche de sa veste, sans même y jeter un oeil. La semaine suivante, un de mes comptables m’appelle pour me dire que le chèque n’a pas encore été encaissé et que ce serait pas mal de voir ce qu’il en est du côté de Mike. Je lui passe donc un coup de fil, et il me répond juste que le chèque s’est égaré. » Car si sur le ring Tyson est un incontesta­ble vainqueur à l’efficacité et la précision glaçantes, sa vie privée, en revanche, s’enfonce dans le chaos depuis trois ans. Son père adoptif Cus D’amato est décédé en 1985 alors qu’il n’avait pas encore remporté son premier titre mondial poids lourds. Puis c’est le remplaçant et ami de D’amato, Jim Jacobs, deuxième figure paternelle pour lui, qui meurt d’une leucémie le 23 mars 1988. C’est un Tyson en deuil et en vrac qui, à la même époque, épouse l’actrice Robin Givens sans comprendre à quel point il manque de talent pour la vie conjugale. « Ma principale compétence relationne­lle consistait jusqu’alors à mettre un mec dans le coma » , résumera- t- il des années plus tard. Coups et blessures en tous genres ( sur sa femme, mais aussi sur la joueuse de tennis Lori Mcneil), litrons de gnôle avalés cul sec et cigarettes bourrées de coke pure, coucheries compulsive­s, bolides crashés, policiers corrompus, non- reconnaiss­ance de paternité, dettes gigantesqu­es : « Thebaddest­manon theplanet » mérite tristement son surnom.

UNE COMM’ À 2 MILLIONS

Alors quand à l’automne 1988 gonfle la rumeur d’une liaison entre Donald Trump et Robin Givens à la suite d’un reportage de Vanity Fair, on se fait du souci pour le magnat. Un jour, Tyson f init par débarquer dans les bureaux de la Cinquième Avenue. Mais il commence par échanger des banalités avec son conseiller pendant quinze longues minutes. Puis il se lance : « Monsieur Trump, je voulais vous poser une question. Tout le monde me dit que vous baisez ma femme : est- ce que c’est vrai ? » Tyson sort même un exemplaire du numéro de Vanityfair afin d’étayer son propos. Mais Trump va garder son sang- froid : « Mike, laisse- moi te dire une bonne chose : j’ai eu vent de ces ragots épouvantab­les et ils me mettent hors de moi car je te donne ma parole, je n’ai jamais, ô grand jamais, ne serait- ce que songé un seul instant à faire ça. C’est ta femme, elle est avec toi, fidèle, et tout le reste, c’est que des conneries. » Et que va donc faire Tyson à cet instant ? Contre toute attente, il ne va pas s’énerver. Il ne va même pas mettre en doute l’explicatio­n de Trump, ni lui poser plus de questions ou lui réclamer des preuves. Rien de tout ça. Il va simplement lui demander s’il peut… s’allonger quelque part – il se sent un peu fatigué. Une secrétaire le retrouvera plus tard, dormant comme un bébé, en train de baver sur le canapé en cuir du patron. Mais peu après cet épisode surréalist­e, Robin Givens quitte son mari, qui tente alors vraisembla­blement de se suicider en fonçant dans un arbre au volant de sa BMW. Un arbre qui bordait l’allée menant à la demeure de feu D’amato. Iron Mike reçoit, en plus des soins pour ses blessures, un traitement psychiatri­que. Givens ne se laisse pas émouvoir pour autant et demande le divorce tout en l’attaquant pour diffamatio­n : elle exige des dommages et intérêts à hauteur de 125 millions de dollars. Et pour simplifier

les choses, les futurs divorcés continuent à coucher ensemble pendant la procédure. On raconte d’ailleurs qu’un jour où il s’apprête à sonner à la porte de son ex, Tyson tombe nez à nez avec un jeune homme plutôt bien fait de sa personne : c’est un acteur débutant encore inconnu, du nom de… Brad Pitt. « Mec, me cogne pas » , réussit tout juste à articuler le blondin avant de détaler. De son côté, Trump ne semble pas juger les tourments personnels de Tyson. Après tout, il connaît lui- même à l’époque son lot de problèmes : son projet de faire d’atlantic City un nouveau Las Vegas est en train de s’effondrer, et sa femme Ivana a elle aussi demandé le divorce. Il croule sous les dettes et demande d’ailleurs à Tyson, dans une lettre ouverte, de bien vouloir lui régler ses honoraires de conseiller financier : deux millions de dollars, soit une commission raisonnabl­e, selon lui, comparée aux cinquante millions qu’il lui aurait fait économiser. On n’a jamais su si son client s’était acquitté de la facture, mais en tout cas, les deux hommes restent amis.

20 CONTRE 1 SUR LA DÉFAITE DE TYSON

En février 1990, Trump décide d’emmener Tyson à Tokyo pour qu’il y fasse son retour sur les rings après cette période agitée. En réalité, le promoteur s’y rend surtout pour essayer de fourguer ses récents projets immobilier­s sur Manhattan à de riches investisse­urs nippons, qu’il amadoue en leur promettant Michael Jackson au combat. Mais le soir venu, nulle trace du chanteur dans le stade : les prospects se désintéres­sent aussitôt de l’insistant NewYorkais et de ses brochures en papier glacé. Du côté de Tyson, c’est encore pire : psychologi­quement fragile, physiqueme­nt mal préparé, il perd pour la première fois de sa carrière profession­nelle face à Buster Douglas, un adversaire qu’il a eu bien tort de sous- estimer. Après la défaite, le champion déchu ne reçoit pas la visite de son conseiller et ami dans sa loge : « Je ne préfère pas m’approcher de lui, ça pourrait me donner la poisse » , se serait alors justifié celui- ci. Une précaution trop tardive, puisque Trump va vivre au cours des années 1990 une longue débâcle financière et conjugale : il accumule les dettes à hauteur d’un milliard de dollars et voit son deuxième mariage écourté lorsque Marla Maples, sa nouvelle épouse et mère de sa fille Tiffany, est surprise une nuit en train de fricoter avec un garde du corps sur la plage de Mar- a- Lago, la résidence balnéaire du magnat. Tyson, lui, achève sa descente aux enfers en 1992 par une condamnati­on à six ans de prison pour le viol d’une candidate au concours Miss Black America. Trump prend alors sa défense, arguant qu’on devrait le laisser libre et le condamner à reverser la totalité de ses futurs gains sur le ring à des associatio­ns d’aide aux victimes de viols. « Une petite fortune » , estime le manager, qui oublie au passage de dire qu’il y prélèverai­t très probableme­nt une rondelette commission. De toute façon, Tyson ne va pas échapper à la prison – même s’il n’y purgera que la moitié de sa peine. À sa sortie, en 1995, le boxeur devrait donc se montrer reconnaiss­ant envers le

seul à l ’ avoir soutenu dans la pr esse à l’époque de sa condamnati­on. C’est du moins ce que pense Trump, qui se dit que le premier combat du repris de justice va sans nul doute être le spectacle le plus juteux et le plus regardé de tous les temps, et que c’est forcément lui, son seul véritable ami, qui va l’organiser. Sauf que Tyson annonce à la surprise générale le choix du promoteur Don King, pas le dernier pour la magouille et les coups fumeux, pour produire son retour sur le ring. Au MGM Grand Las Vegas, il terrasse Peter Mcneeley en 89 secondes, battant de peu le record de rentabilit­é par minute qu’il avait établi sept ans plus tôt au Trump Plaza d’atlantic City. Il enchaîne avec deux autres succès fulgurants et non moins lucratifs, face à Frank Bruno puis Bruce Seldon. Sur ces énormes bénéfices, Donald Trump ne touche évidemment pas un centime. Mais il observe. Et attend sa vengeance, patiemment. Le 9 novembre 1996, Tyson croise les gants avec Evander Holyfield, un gaillard qui n’a pas l’air plus impression­né que ça par sa réputation et qui se trouve également être plus grand et plus expériment­é que lui. Il réussit à agresser et à user Tyson qui, au bout de onze rounds, a le visage en sang et le souff le court. Ses coups de vice ne marchent plus comme avant. Le combat est arrêté face à la gravité de ses blessures : il a perdu. Vexé comme un pou, il demande que la revanche se joue dans les plus brefs délais. Et c’est là que Trump revient en scène. Par instinct ou par calcul, il va asséner le coup fatal à son ancien client, le poignarder mentalemen­t alors qu’il se trouve déjà à terre. Appliquant la stratégie de déstabilis­ation que Tyson lui- même a apprise de D’amato, le magnat se vante dans les pages du Newyorkdai­lynews d’avoir parié un million de dollars sur une défaite de Tyson, donnée à 20 contre 1, et donc empoché 20 millions de dollars en retour. « J’avoue que j’ai été surpris du résultat » , ajoute- t- il, narquois. Que cette histoire de pari soit une légende est une quasi- certitude. Mais forcément, elle va rester dans les mémoires. Tyson serait bien malavisé de se plaindre du coup pendable porté par Trump : cet art de la provocatio­n délirante et du récit invérifiab­le, c’est lui qui l’a inventé, à ses débuts. Reste à savoir pourquoi l’ex- manager a agi ainsi. Peut- être par simple jalousie à l’égard de Don King. Mais peut- être aussi parce qu’il a vu Tyson descendre peu à peu du piédestal où il l’avait élevé et ainsi commettre la pire offense à ses yeux : ne plus donner l’image d’un tueur, ne plus avoir l’air d’un winner.

QUAND DONALD MET KO HILLARY

En arrivant sur le ring quelques mois plus tard, le 27 juin 1997, pour sa revanche face à Holyf ield, Iron Mike n’a pas l’air serein. Le troisième round est peut- être le moment le plus célèbre de l’histoire de la boxe : Tyson, dominé mais enragé, mord l’oreille droite de son adversaire et en recrache un bout de cartilage. L’arbitre laisse le combat se poursuivre – on se demande encore aujourd’hui pourquoi – mais Mike récidive et plante ses dents cette fois- ci dans l’oreille gauche d’holyfield. Disqualifi­é, il sort du ring sous la bronca, traîné par les agents de sécurité, les poings qui s’agitent encore dans le vide. Cette fois-

ci, c’en est vraiment f ini de Tyson : les autorités le bannissent des rings à vie. Trump avait- il imaginé issue si pathétique à sa vengeance ? Lui seul pourrait le dire. Quinze ans plus tard, en 2012, Mike Tyson joue son one- man- show Undisputed Truth à Broadway. Une vocation comique qui lui est venue en tournant dans Very Bad Trip quelques années auparavant. Un soir, dans sa loge après le spectacle, il reçoit une visite : Donald ! Les deux s’étaient déjà recroisés, mais ce soir, celui qui depuis plusieurs années s’est « réinventé » en animateur et producteur de téléréalit­é lui dit qu’il l’a trouvé superbe sur scène. En 2015, quand Trump annoncera sa candidatur­e à l’investitur­e républicai­ne, l’ex- boxeur devenu comédien lui affichera son soutien. Un geste assez piégeux de prime abord : quel profit peut bien tirer un politicien souvent accusé de racisme et d’islamophob­ie d’un sympathisa­nt noir, musulman et jadis condamné pour viol ? Mais c’est exactement sur ce genre de contradict­ions que repose la campagne du candidat Trump, qu’il envisage comme une véritable guérilla psychologi­que. Et alors on se dit que Mik e Tyson a bien dû esqui sser un sourire, voire éprouver une certaine fierté en voyant son ami, le futur président des États- Unis, user et abuser de ces méthodes autrefois si familières pour lui. Il n’a pu que constater comme son élève avait bien retenu ses leçons en matière d’autocélébr­ation affirmativ­e ( « Je suis vraiment intelli- gent » , « Personne ne sait mieux construire les murs que moi » . ..), d’outrage pur et simple ( « Je préfère les gens qui n’ont pas été capturés » , au sujet de son rival John Mccain, ancien prisonnier de guerre au Vietnam) ou de projection de ses travers sur les autres ( « Comment Ted Cruz peut- il se dire chrétien évangélist­e et mentir autant ? » ) . On a presque imaginé Iron Mike verser une larme en le voyant perpétuer l’art de l’intimidati­on et de la déstabilis­ation du vieux D’amato lors du débat face à Hillary Clinton : Trump y avait d’abord refusé de serrer la main de sa concurrent­e, puis avait fait venir dans l’assistance des femmes ayant porté plainte pour harcèlemen­t sexuel contre Bill Clinton pour leur demander de regarder la candidate droit dans les yeux. Et lorsque dans la nuit du 8 novembre 2016, les derniers bulletins ont été comptabili­sés dans les bureaux de vote américains, et que la défaite d’hillary n’a plus fait de doute, Mike Tyson s’est aussi peut- être dit que ce n’était désormais plus lui, mais bel et bien Donald Trump qui méritait le titre de Baddest Man on the Planet.

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 ??  ?? Mike Tyson ( à droite) qui balance un direct du gauche à Larry Holmes le 22 janvier 1988, à Atlantic City. Page de gauche : deux ans plus tôt, le 17 août 1986, José Ribalta y subissait déjà les coups du champion.
Mike Tyson ( à droite) qui balance un direct du gauche à Larry Holmes le 22 janvier 1988, à Atlantic City. Page de gauche : deux ans plus tôt, le 17 août 1986, José Ribalta y subissait déjà les coups du champion.
 ??  ?? L’entraîneur de boxe Cus D’amato, qui prit Mike Tyson encore jeune adolescent sous son aile et lui apprit à vaincre ses peurs. Il mourut un an avant que son poulain devienne le plus jeune champion du monde poids lourds.
L’entraîneur de boxe Cus D’amato, qui prit Mike Tyson encore jeune adolescent sous son aile et lui apprit à vaincre ses peurs. Il mourut un an avant que son poulain devienne le plus jeune champion du monde poids lourds.
 ??  ?? Mike Tyson et son avocat au tribunal pour rompre le contrat qui le liait à son manager Bill Cayton. Au second rang, sa femme Robin Givens ( aussi sur la photo de droite), sa belle- mère Ruth Roper et Donald Trump.
Mike Tyson et son avocat au tribunal pour rompre le contrat qui le liait à son manager Bill Cayton. Au second rang, sa femme Robin Givens ( aussi sur la photo de droite), sa belle- mère Ruth Roper et Donald Trump.
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 ??  ?? Mike Tyson et son petit chaton, chez lui, en 1989.
Mike Tyson et son petit chaton, chez lui, en 1989.
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Donald Trump et Mike Tyson le 25 juillet 1990.
 ??  ?? Ci- dessus : Donald Trump et Don King le jour du combat opposant Mike Tyson à Michael Spinks, le 27 juin 1988, à Atlantic City.
Ci- dessus : Donald Trump et Don King le jour du combat opposant Mike Tyson à Michael Spinks, le 27 juin 1988, à Atlantic City.
 ??  ?? En haut : Donald et Mike lors d’un dîner de gala à New York, le 21 novembre 1989.
En haut : Donald et Mike lors d’un dîner de gala à New York, le 21 novembre 1989.
 ??  ?? Menottes aux poignets, Mike Tyson arrive au centre médical de la prison après avoir été reconnu coupable de viol sur une candidate de Miss Black America et condamné à six ans de prison et 30 000 dollars d’amende.
Menottes aux poignets, Mike Tyson arrive au centre médical de la prison après avoir été reconnu coupable de viol sur une candidate de Miss Black America et condamné à six ans de prison et 30 000 dollars d’amende.

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