UN BEAU PETIT NID D’AMOUR
Pour attirer les femelles, l’oiseau jardinier joue les Stéphane Plaza de luxe en aménageant un intérieur le plus cosy possible. Socute.
LES MÂLES DE LA FAMILLE des oiseaux jardiniers – en latin, Ptilonorhynchi-dae – reçoivent les femelles dans un espace clos et potentiellement voué à l’amour. Architectes et esthètes aux rites de séduction très galants, ils vivent en Australie et Nouvelle- Guinée. Leurs garçonnières, que les éthologues appellent « tonnelles » , sont composées en fagots de brindilles plus ou moins denses. En matière de design, on a deux écoles : certains jardiniers édifient une petite hutte reposant sur un arbuste, quand d’autres préfèrent planter deux rangées parallèles de brindilles qui souvent se recourbent vers le haut pour se rejoindre et ainsi former un tunnel.
UNE FOIS LE GROS OEUVRE ACHEVÉ démarre la phase décoration, et alors là, ça se lâche : coquillages, fleurs, plumes, mais aussi capsules en plastique, douilles ou pièces de monnaie. Des éléments glanés çà et là, et souvent dérobés à des rivaux au succès avéré. La tâche, en tout cas, prend un temps fou au mâle, qui va parfois jusqu’à disposer les bibelots par ordre croissant de taille. Vu des yeux de sa potentielle partenaire, cet agencement créera une illusion d’optique qui transformera la tonnelle en véritable palais vénitien. Peut- être que la demoiselle craquera, mais peut- être que non, et l’éconduit n’en fera pas une histoire. Il semblerait en effet que les tonnelles soient des safe spaces voulus par l’évolution : le coït y serait consenti et dénué de brutalité, contrairement à l’accouplement « à l’air libre » que certaines espèces minoritaires de jardiniers s’abaissent encore parfois à pratiquer.
LES DAMES vont donc faire le tour des popotes pendant un certain temps, évaluant la solidité des installations, la rareté des matériaux et la beauté du rendu général. Pendant leur visite, le mâle chantera et paradera, mais sans jamais être lourdingue. Puis enfin, au terme d’une longue délibération, les dames arrêteront leur choix. Sauf que bien souvent, elles voudront toutes le même apollon, ou du moins celui dont la robuste construction témoigne d’un beau patrimoine génétique… ah, les femmes sont si prévisibles, que voulez- vous ! Inévitablement, nous disent les scientifiques, l’heureux élu engrossera donc de multiples soupirantes, qu’il laissera ensuite s’occuper toutes seules des gamins. Comme quoi, c’est pas parce qu’on s’intéresse à la déco d’intérieur qu’on n’est pas un gros goujat chibro- centré.