Ce que je sais... par Alexandre Mattiussi
À 38 ans, le styliste français et fondateur D’AMI écrit le nouveau chapitre d’un style masculin spontané, ni tendance ni classique.
APRÈS L E STREETWEAR, LE RAFFINEMENT
« On parle beaucoup de streetwear, ces derniers temps. Mais c’est devenu un mot- valise, un moule dans lequel je n’ai pas envie d’entrer. Quand je demande à mes équipes d’ utiliser du nylon, ce n’est pas parce que ça fait streetwear ou sportswear, mais bien à cause d’un toucher que je recherche à ce moment- là. Cette mode va perdurer parce qu’elle correspond à l’ assouplissement du monde du travail et à la modification de certains codes d’élégance : on porte volontiers une paire de baskets avec un pantalon de ville, par exemple, et moins souvent une cr avate. J’ai également la sensation d’un mouvement contraire, une envie de se r approcher du corps, de restructurer le vêtement. L’opposition au streetwear passera à mon sens par une forme de raffinement et de sophistication. Pour ma dernière collection, j’ai d’ailleurs choisi d’être un peu tradi. »
JUERGEN TELLER PARLE DE SEXE COMME PERSONNE
« Je me suis toujours intéressé à la photographie. Étudiant à Paris, je traînais dans les rayons de la librairie Gibert. J’aime que l’on puisse raconter quelque chose de pur, de beau, de puissant en une image. Un film a deux heures pour exprimer le sentiment amou - reux, alors que parfois, un cliché suff it – Le Bai
ser de l’hôtel de ville de Doisneau, par exemple. Cela m’a beaucoup inspiré pour concevoir les images de mes collections. Juergen Teller est un photographe que j’apprécie énormément. Il est libre, parfois trash. Il n’hésite pas à produire des images dérangeantes, sexe. Plus personne ne parle de sexe aujourd’hui. J’ai acheté une de ses photos, d’ailleurs. Un homme nu, assis dans un fauteuil. »
LA COMPÉTITION, C’EST BIDON
« J’ai fait de la danse pen - dant dix ans. Inscrit au conservatoire, j’ai immédiatement aimé l’idée du travail en équipe, je n’ai jamais eu envie d’être le danseur solo. À 14 ans, j’ai passé le concours de l’opéra de Paris. Sur place, il y avait 500 garçons prêts à vous jeter dans l’escalier. J’ai compris que la compé - tition ne m’intéressait pas : il y a de la place pour chacun à partir du moment où l’on exprime franchement sa singularité. »
IN ST A GRAM, SERVICE APRÈS- VENTE GÉANT
« Tout est très lisse, les gens font des self ies pour se rassurer. On sature lorsque la vie se met au service de cette représentation. Je pense aux gamins d’aujourd’hui : ça ne doit pas être évident de devoir sans cesse r ecréer sa vie derrière un téléphone. J’envisage donc Instagram comme un outil précieux qui me permet de maintenir le lien avec mes clients. »