CE QUE JE SAIS
Créateur de souliers, de maroquinerie, de bijoux, pour Hermès et pour sa propre maison, Pierre Hardy détaille ici sa vision de l’élégance et du design.
Par Pierre Hardy.
1 . LA DANSE M’A APPRIS COMMENT APPARAÎTRE AUX
AUTRES J’ai commencé à danser quand j’avais 13 ans, j’habitais à Colombes, en banlieue parisienne. J’ai continué jusqu’à mes 27 ans. J’aime ce que la danse enseigne, non pas sur la douleur et la discipline mais sur le mouvement. Elle oblige à réfléchir sur comment on se sert de notre corps, sur la façon dont on apparaît aux autres, au sens propre du terme. Cela m’a beaucoup servi dans mon approche de la mode.
2. DESSINER DES SNEAKERS C’EST COMME DESSINER DES
VOITURES Je détestais les baskets de créateurs. Je n’ai porté que des New Balance ou des Nike pendant des années. Mais quand j’ai commencé à réfléchir sur l’homme, j’ai eu l’impression que ma basket telle que je la fantasmais n’existait pas. Elle était un peu nostalgique, inspirée par celles que l’on portait pour faire du roller à la Main jaune dans les années 1980, colorée. Dessiner des baskets et dessiner des souliers sont deux jobs très différents. La sneaker relève davantage du design. La question, comme pour une voiture, c’est finalement de parvenir à créer des nouveaux visuels, volumes, sur une forme préexistante. Technologiquement, c’est également un autre monde : on procède à des injections, on utilise des matériaux thermocollés. Cela ouvre un autre champ des possibles.
3. LA VITESSE ET LA LÉGÈRETÉ
FAVORISENT LA CRÉATION J’ai longtemps rêvé de devenir architecte. Mais je n’aurais pas pu, les projets s’étalent sur trop d’années. J’aime la mode parce que ça va vite, il faut enchaîner les idées, zapper et passer aux suivantes. J’adore ce que dit Calvino sur la légèreté et la vitesse... Ce sont des qualités souvent dépréciées dans nos sociétés, où l’on a tendance à davantage valoriser l’obsession.
4. L’ÉLÉGANCE EST À RÉIN-
VENTER EN PERMANENCE. À 18 ans, l’élégance n’a pas d’importance. On enfile un jean, un T-shirt et on est beau. Le besoin d’élégance vient plus tard, pour rattraper le corps d’une certaine façon. C’est aussi un truc de caste, historique, qui nous reste de Louis XIV. Le roi dit qu’il faut s’habiller comme ça. Aujourd’hui, être élégant c’est savoir jouer avec ça. Alessandro Michele, chez Gucci, y parvient parce qu’il a cette culture historique et qu’il sait la pervertir, lui faire sa fête. Aujourd’hui, ça n’a plus de sens de simplement appliquer des principes ancestraux. L’élégance est à réinventer en permanence et elle demande un travail de déconstruction sur la norme.