CHRONIQUE
Pourquoi les hommes se voient de plus en plus comme des guerriers, mais sans guerre ?
Pourquoi les hommes se voient de plus en plus comme des guerriers, mais sans guerre ?
SORTI EN FRANCE EN , LE FILM de Ruben Östlund, Snow Therapy, a fossoyé le mythe de l’homme protecteur à l’héroïsme instinctif. On y suit les vacances dans les Alpes françaises d’une famille suédoise qui se retrouve frappée par une avalanche : alors que la neige s’abat dangereusement sur elle, le père fuit se réfugier sans égard pour les siens tandis que la mère tente, seule, de protéger ses deux enfants. Avec un humour grinçant, le réalisateur, palmé à Cannes en 2017 pour The Square, dévoile les contradictions des nouveaux hommes, certes plus doux et psychologiques, mais à l’individualisme forcené et à la bravoure parfois modérée. Aujourd’hui, ce mouvement de post-héroïsme touche également les super-héros, devenus destructeurs et nuisibles dans la série The Boys ou déserteur dans Batwoman, contraignant l’héroïne lesbienne de DC à prendre le relais de Batman pour assurer la sécurité à Gotham. Et l’héroïsme va continuer à se conjuguer au féminin, comme dans Black Widow (avec Scarlett Johansson) ou dans le prochain Thor, où le dieu du tonnerre sera interprété par... Natalie Portman (sortie prévue in 2021). Le sous-texte : dans un air du temps égalitaire et de tentative de réinvention de la masculinité, l’imaginaire du chevalier héroïque prêt à lutter pour le bien de la Cité a lui aussi fait son temps, ne correspondant plus à aucune réalité vécue, ni même voulue. En parallèle, cette évolution logique paraît aussi générer cet étrange syndrome « d’enromancement » (la volonté d’enjoliver le réel) du monde propre aux guerriers sans guerre. Ce qui nous permet, dans une certaine mesure, de comprendre l’essor de l’esprit survivaliste ou le nouveau culte de la musculation, mais surtout le retour d’un étonnant esprit martial. D’après la récente étude « La France des valeurs » du CNRS, la proportion d’hommes à af irmer être disposés à prendre les armes pour défendre leur pays serait en nette augmentation ces quarante dernières années, passant de 42 % en 1981 à 69 % aujourd’hui. Si l’on peut y voir une intensi ication de l’esprit civique, il n’est pas interdit d’envisager cet élan de combattants ictifs, mais volontaires, à l’aune de la psychologie évolutionniste. Elle nous explique que si la guerre est depuis si longtemps à dominante masculine, c’est possiblement car les traits comportementaux associés aux guerriers auraient, à un moment donné de l’histoire de notre évolution, été jugés attirants par les femmes dans une perspective de reproduction. Autrement dit, ces candidats au combat af irment un peu inconsciemment leur disposition à en découdre dans une dynamique archaïque de valorisation sexuelle. Ceci, a in de gagner la seule guerre qu’ils mènent vraiment depuis qu’ils sont enfants, celle de l’attention.