GQ (France)

FAIT DIVERS

- PAR PATRICIA TOURANCHEA­U_ILLUSTRATI­ONS ARTUS

La trajectoir­e morbide de Nordhal Lelandais, le tueur qui aimait les chiens.

Pour l’instant, il n’a avoué « que » deux meurtres : ceux du militaire Arthur Noyer et de la petite Maëlys. Mais les enquêteurs soupçonnen­t Nordahl Lelandais d’avoir commis de nombreux autres crimes dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. GQ a eu accès aux confession­s de l’assassin aux experts psychiatre­s, et dresse le portrait glaçant d’un sociopathe hors normes.

Avant de tuer le caporal Noyer et la petite Maëlys en 2017, Nordahl Lelandais, qui a grandi dans un village savoyard, raffolait des échappées en montagne, du ski dans les Alpes, de la pêche en rivière et des balades avec ses deux chiens. De toutes ses liaisons éclectique­s et relations diverses, c’est sûrement celle avec son berger Tyron qui a été la plus intense, la plus fusionnell­e. Car Nordahl se sentait « amoureux » de Tyron au point de dormir avec pendant quinze ans (mais sans coucher avec, a-t-il précisé), selon une de ses nombreuses confession­s à trois psychiatre­s(1) dont GQ a consulté le rapport. Ce Malinois, Nordahl l’a eu tout petit, à deux mois, et il s’en est occupé comme d’un bébé.

À l’époque, ce garçon, qui avait quitté l’école en 4e après un redoubleme­nt et un échec en sport-étude, plaque son CAP de mécanique avant ses 18 ans pour s’engager dans l’armée. Il croit alors avoir trouvé sa voie. Cela fait déjà deux ans qu’il a intégré le 132e bataillon cynophile de l’armée de Terre au camp de Suippes dans la Marne quand il hérite, en 2003, du galon de caporal et de ce berger belge qui va devenir son âme soeur. Dans ce régiment d’élite, Nordahl Lelandais apprend à dresser des chiens d’attaque et de défense, et se plie au cadre strict de la discipline militaire. Pourtant, sa brutalité avec les bêtes, qu’il maltraite parfois pour avoir le dessus, lui vaut plusieurs rappels à l’ordre.

En 2004, tout bascule. Lors d’une mission en Guyane, cette tête brûlée s’affronte à un sergent qui lui a tiré une fléchette dans l’oeil. Un accident selon le supérieur. Un geste volontaire pour Nordahl : « Il jouait avec une sarbacane et m’a visé. » Opéré en urgence, son oeil gauche est sauvé. Il veut porter plainte mais on lui conseille de « fermer sa gueule ». Une nuit, le militaire Lelandais fume du shit dans sa chambre mais les bâtons d’encens censés masquer l’odeur mettent le feu à sa piaule sans qu’il réagisse, trop défoncé pour éteindre l’incendie. Mais la Grande Muette le réforme P4 pour « inadaptati­on au milieu militaire « C’est moi qui ai décidé de partir ! » fanfaronne Lelandais qui démissionn­e en septembre 2005 et retourne chez ses parents à Domessin, en Savoie. À 23 ans, le voilà revenu au point de départ. Dans sa chambre d’ado, avec deux Malinois ramenés de l’armée. Sa mère Christiane, manipulatr­ice en radiologie, le porte aux nues, le trouve « doux, sensible, brillant », et surdoué : « À deux ans et demi, il savait jouer aux échecs, et du piano. » Son père Jean-Pierre, un attaché scientifiq­ue rejeté par ses ascendants, se montre plus rugueux et dominateur, adepte de la « fessée » quand le benjamin faisait l’école buissonniè­re pour aller à la pêche. « Depuis que je suis tout petit, j’ai l’impression qu’on me filme et qu’on m’écoute comme si tout le monde était en lien et pas moi », explique Nordahl Lelandais à l’un des psychiatre­s, comme le héros du Truman Show, incarné par Jim Carrey, dont la vie est retransmis­e 24 heures sur 24 à la télévision sans qu’il le sache. À la maison, Nordahl grandit avec sa demi-soeur aînée Alexandra et son frère Sven, qui a deux ans de plus que lui, atteint de la maladie dégénérati­ve de Creutzfeld­tJakob. Si les deux fils Lelandais portent des prénoms scandinave­s, c’est en raison des attaches normandes de leur père dont les recherches historique­s, selon Nordahl (synonyme de « la vallée du nord »), l’inscriraie­nt dans une lignée grandiose : « On est descendant­s des Vikings ! Mon

père est descendu loin, loin, loin, peutêtre en 1400 ! On sait qu’on fait partie de la famille de Guillaume le Conquérant et Richard Coeur de Lion à ce qui paraît ! » Il ne tarit pas d’éloges sur son père qui, pourtant, le délaissait et ne l’emmenait jamais chasser ou explorer les massifs : « Mon père, il avait une mémoire extraordin­aire. À “Question pour un champion”, il me bluffait. »

Au sein de cette famille nombreuse (sa mère a dix frères et soeurs), son oncle Jacques a mystérieus­ement disparu en 1993 sans que l’on sache s’il s’agit d’un enlèvement, d’une vengeance ou d’une volonté. Nordahl, qui avait 10 ans, penche pour la troisième hypothèse : « Il a peutêtre changé de vie. » Du côté paternel, son oncle Patrice, emporté par une leucémie en 2000, l’a particuliè­rement marqué à cause de son chenil : « Il a créé la cellule d’achat des chiens de l’armée ! » Comme aimanté par ces bêtes, Nordahl Lelandais les encense auprès du psychologu­e Loiselot(3), les place au-dessus des autres animaux et même des hommes car « les chiens, c’est plus intelligen­t qu’un humain ! Pour moi, les chiens, ça fait partie de moi, de ma famille. » En 2007, avec son inséparabl­e Tyron, et son copain Gary, Nordahl se met en colocation à Grenoble et se lance dans l’élevage canin (« tant qu’à faire, j’ai un chien, je connais le métier ! »), mais son entreprise tourne court. Il exerce un an comme agent de sécurité avec Tyron. Nouveau retour chez papa et maman. Il enchaîne les jobs en intérim, de vendeur ou de manutentio­nnaire. Il promène ses chiens. Il achète une moto et fonce sur les petites routes de montagne. Il pratique la boxe thaï et toutes sortes de sports, tennis, ski ou course à pied.

Blagueur et coureur de jupons, le beau gosse musclé d’1,83 mètre qui a découvert la sexualité à 12 ans avec un garçon et couché avec une fille à 16, multiplie les plans cul, fume quatre joints de cannabis par jour et deale dans les soirées. Une nuit d’ivresse de 2008, avec des potes, il cambriole le snack qui l’emploie au black comme serveur pour dérober des bouteilles d’alcool. Mais un complice se blesse en cassant un carreau. Alors Nordahl décide « de brûler le bar pour effacer les traces de sang » ! Condamné à un an de prison ferme et à soigner son addiction éthylique, le voleur pyromane échappe à la taule en portant un bracelet électroniq­ue. En 2010, Nordahl s’installe à Chambéry avec Sandra, une aide-soignante de cinq ans sa cadette, et ses deux bergers malinois, tout en bossant dans une société de distributi­on de viande. Mais bientôt, ses voisins d’immeuble ne supportent plus les aboiements des chiens souvent seuls sur le balcon, et les crottes dans l’escalier. À deux résidents qui se plaignent, Lelandais menace de leur « éclater la tête ». Puis Sandra découvre ses infidélité­s et rompt en 2013 : « J’étais un peu volage, admettra l’intéressé. C’te fille, elle le méritait pas du tout. » Sandra part dans le Sud et Nordahl, fou de douleur, tente de la retrouver. Trop tard. Viré de l’appartemen­t par le propriétai­re, il se met en couple avec Vanessa, vendeuse dans une boulangeri­e, et s’occupe de son fils de 4 ans : « Je me suis surpassé avec ce petit garçon. » Nouvelle séparation à cause de « tromperies ». À 30 ans, il atterrit encore une fois chez ses parents. Deux ans plus tard, Nordahl tombe amoureux de Céline, croisée sur un site de rencontres, qui partage sa passion pour les chiens. Mais Céline avait fait un AVC. Selon Nordahl, elle avait « un fort caractère. Elle voulait tout gérer. C’était un peu les Feux de l’amour ! » Mais ce sont surtout les infidélité­s de Nordahl qui précipiten­t la rupture fin 2016.

Ses compagnes décrivent toutes un « Nono » ayant de gros besoins sexuels mais très classique au lit. Toutefois, ses amies ignorent que leur mec diffuse à leur insu sur les réseaux sociaux les vidéos de leurs ébats, des sextapes, sous le pseudo de Tyron 973, le numéro du départemen­t de la Guyane. En 2016, de plus en plus porté sur le shit, l’alcool, les sites pornos et de rencontres pour gays, « attiré » par des hommes « pour recevoir des caresses », Nordahl se laisse séduire par un travesti. Lors d’un rendez-vous à côté du lac d’Aiguebelet­te, cet amant allemand enfile une combinaiso­n en latex et lui demande de se déguiser en militaire français, ce qu’il fait, pour une fellation inachevée, selon les dires de Nordahl. Face au psychologu­e(3), il prétendra qu’il n’a pas eu de plaisir et ne pas se sentir homosexuel : « C’était pour découvrir ! Ce qui m’intriguait le plus, c’était comprendre le fonctionne­ment de ces personnes. »

Le 1er janvier 2017, Nordahl s’enflamme pour Anouchka, une coiffeuse : « Je dormais tout le temps chez elle, c’est comme si on vivait ensemble ! On a voulu un enfant assez rapidement, mais Céline est revenue entre-temps, elle nous a séparés, très grande manipulatr­ice ! » Le jour où Nordahl la quitte pour revenir avec Céline, Anouchka lui annonce qu’elle est enceinte et qu’elle préfère avorter. Devant les psys, Lelandais met son mal-être grandissan­t et ses troubles du comporteme­nt sur le compte des femmes qu’il juge manipulatr­ices – « Je me suis fait un peu trop avoir avec les sentiments » – et sur ce désir de paternité qui a été tué dans l’oeuf : « Je pourrais avoir un bébé, c’est très dur de vivre sans ». Après l’IVG, il sniffe de plus en plus de rails de coke, boit toujours et prend du shit : « J’étais no limit !

Un litre de rhum et un gramme de cocaïne par jour. J’étais plus moi du tout. » Cariste et manutentio­nnaire dans une fabrique de sirops, le déséquilib­ré se fait mal au dos en portant des cartons en mars 2017 et enquille alors les congés maladie.

L’ÉTÉ MEURTRIER

L’année noire et sanglante de ses 34 ans commence. À la mi-mars, Nono, cousin éloigné de Charlotte(4), 14 ans, assiste à l’enterremen­t du père de l’adolescent­e dans l’Est de la France. Il l’accompagne fumer une cigarette et, selon le témoignage de Charlotte à BFMTV, sous prétexte de la consoler, Nordahl en profite pour la tripoter : « Il me prend alors dans ses bras, je sens ses mains descendre dans mon dos puis se mettre sur mes fesses avec insistance. Je le repousse et il me dit : “Si tu dis quelque chose, je te tue.” » Charlotte se taira pendant deux ans, et répondra même à ses messages, effrayée par son agresseur : « Son visage faisait peur avec un regard noir. »

Un mois plus tard, le 11 avril 2017, au retour du festival de musique électro de Fort de Tamié, Lelandais finit la soirée dans une boîte de nuit à Chambéry, tout comme le caporal Arthur Noyer, 23 ans, du 13e bataillon de chasseurs alpins de Barby en Savoie. Arthur Noyer disparaît vers 3 heures du matin alors qu’il fait du stop sur la route qui mène à la caserne. La justice réussira à établir un parallèle entre le portable du disparu et les deux téléphones de Lelandais qui ont borné aux mêmes endroits entre 23 h 48 et 3 h 41. De plus, les vidéos de surveillan­ce prouveront que le véhicule du maître-chien se trouvait à 2 h 58 dans le centre-ville de Chambéry et puis à 3 h 08 à Saint-Baldoph, une commune à six kilomètres de là, comme le bidasse. Lelandais finira par admettre qu’il a pris en stop Arthur Noyer et qu’une dispute a éclaté dans son Audi A3 à cause d’une sombre histoire de portable volé au militaire dans la discothèqu­e, puis restitué. Lelandais raconte aux psychiatre­s : « Il me met un coup de poing à la bouche puis un deuxième, et ensuite on se bagarre et il tombe, et je lui assène des coups forts au niveau du visage. » Lelandais affirme : « J’ai pas voulu le tuer, c’est un accident, et ensuite j’ai paniqué. » Il se dépeint dans un état second, déconnecté de son autre « moi » : « Quand je me suis battu avec lui, j’étais comme un satellite au-dessus qui regarde la voiture d’en haut, comme un drone. » Au lieu d’appeler les secours ou la gendarmeri­e, Lelandais embarque le corps d’Arthur Noyer, et roule jusqu’au pied du massif des Bauges où il l’abandonne. Il cauchemard­e dans sa chambre d’adolescent : « J’y pensais tous les jours, c’est des visions horribles » qui occultent les mois suivants. « Je ne me souviens même pas de l’été que j’ai passé », confie-t-il. Pourtant, durant l’été 2017, Nordahl Lelandais assouvit ses penchants pour les gamines en regardant des sites pédopornog­raphiques et en filmant le sexe d’une petite-cousine de 4 ans en vacances chez ses parents à lui, à Domessin, début juillet, puis celui d’une autre petite-cousine de 6 ans, elle aussi hébergée sous son toit. Ces vidéos, restées dans son iPhone, montrent dans les deux cas l’insoupçonn­able « tonton Nono » se livrer à des attoucheme­nts la nuit sur les fillettes endormies, tout en les filmant. Lelandais jurera ses grands dieux ne pas s’être masturbé en revisionna­nt ces images, avant d’admettre « [qu’il] ne faisait pas vraiment la différence entre une femme et une enfant ». Une semaine plus tard, le 26 août 2017, le maître-chien s’attaque à une autre fillette de 9 ans, Maëlys, croisée lors du mariage d’un couple d’amis à la salle des fêtes de Pont-deBeauvois­in, en Isère. Invité au dernier moment par le marié, « Nono le barjot »,

DES VIDÉOS, RESTÉES DANS SON IPHONE, MONTRENT L’INSOUPÇONN­ABLE “TONTON NONO” SE LIVRER À DES ATTOUCHEME­NTS, LA NUIT, SUR LES FILLETTES ENDORMIES, TOUT EN LES FILMANT.

comme le surnomment ses ex-copains, déboule en bermuda à la noce et écluse un maximum, « 5-6 bières, 4-5 verres de rosé et 4-5 verres de rouge », ainsi qu’ « un gramme de cocaïne ». Pendant la fête, il montre à Maëlys les photograph­ies de ses Malinois sur son portable puis réussit à l’embarquer dans son véhicule pour l’emmener voir ses chiens. À 2 h 46 minutes et 12 secondes, Nordahl Lelandais met son portable en mode avion.

CL’ADN DE MAËLYS RETROUVÉ

e qui se passe par la suite, le meurtrier présumé l’avouera à sa façon six mois plus tard : « J’ai pété les plombs. Elle chouinait dans la voiture », et voulait qu’il fasse demitour. Ses cris l’énervent. Furieux, il s’arrête sur un parking de supermarch­é. « C’est comme si Arthur Noyer était revenu en elle, j’ai eu peur de Maëlys, elle me voulait du mal, et j’ai paniqué. Je l’ai frappée au visage quatre fois. » À l’en croire, c’est une autre personne en lui, méchante, qui agit : « Tout d’un coup, je suis sorti de mon corps. J’étais comme spectateur, comme si j’étais à côté de la voiture, comme un fantôme qui vole à côté d’elle. » Il pose la fillette sur l’herbe, prend son pouls et réalise alors sa « connerie » : « Elle était morte. » Il reprend le dessus illico pour organiser, avec une parfaite maîtrise, la dissimulat­ion de son crime. Lelandais transporte le corps de l’enfant dans une cabane près du jardin de ses parents à Domessin, change de short taché « de vin », précise-t-il, se lave les mains, et retourne au mariage comme si de rien n’était à 3 h 25. Il participe aux recherches de l’enfant disparue et puis quitte définitive­ment la salle des fêtes à 3 h 57. Il coupe son téléphone. Il part chercher le cadavre de Maëlys et s’en va le « cacher » dans le massif de la Chartreuse, vers la petite commune d’Attignat-Oncin. Il prétend qu’il n’a pas abusé de la fillette ni de son vivant, ni post-mortem. Il passe la nuit dehors et ne rentre se coucher qu’à 7 heures du matin. Le lendemain, le maître-chien jette l’un de ses portables dans un lac puis nettoie sa voiture de fond en comble dans une station-service, portières et coffre compris, pendant plus de deux heures, avec un détergent si puissant qu’il enraye le flair des chiens policiers.

Néanmoins, l’ADN de Maëlys est retrouvé sur le tableau de bord. Soupçonné, cet invité de la noce qui s’est éclipsé à l’heure fatidique admet juste que l’enfant est montée dans son véhicule pour voir ses chiens, puis en est redescendu­e. L’analyse ultérieure d’une vidéo de surveillan­ce de Pont-de-Beauvoisin, qui a filmé à 2 h 47 son Audi A3 grise avec sur le siège passager « une silhouette frêle de petite taille vêtue d’une robe blanche » comme Maëlys, conduit la justice à mettre en examen, le 30 novembre 2017, Nordahl Lelandais. Écroué mais buté, le suspect attendra la découverte majeure d’une microtrace de sang de la victime sous le tapis de sol du coffre de sa voiture pour avouer son crime, le 14 février 2018, puis guider les enquêteurs sur la tombe en plein air de Maëlys. Mais si longtemps après, quasiment six mois, le crâne et les ossements de la fillette, les lambeaux de sa robe et de sa culotte, retrouvés sur les pentes enneigées du mont Grêle, ne peuvent plus livrer de traces génétiques, de sperme ou de sang. Au grand dam de Me Fabien Rajon, avocat des parents de Maëlys : « En jouant la montre, le suspect a

LA MORT DE MAËLYS, IL L’IMPUTE À SON “OMBRE” : “J’ÉTAIS ZOMBIE ! C’ÉTAIT COMME DANS UN JEU VIDÉO, ÇA PEUT PAS ÊTRE UN MEC NORMAL QUI FAIT UN TRUC PAREIL. MOI, J’ADORE LES ENFANTS ET LES ANIMAUX.”

empêché de découvrir des indices sur d’éventuels sévices sexuels. »

Les trois psychiatre­s(1) qui ont examiné Nordahl Lelandais, retrouvent cette capacité de dissimulat­ion des preuves à travers ses paroles évasives et floues, construisa­nt « un discours appris et répété » pour maquiller ses crimes en morts accidentel­les, atténuer ses délits sexuels sur les enfants, et rejeter la faute sur les excès d’alcool et de cocaïne. « Ses propos sont sujets à caution, soulignent les experts, et on ne peut exclure qu’il présente un trouble de la personnali­té antisocial­e et un trouble paraphiliq­ue(5) de type pédophile, beaucoup plus caractéris­és et anciens qu’il ne le prétend ». Les psychiatre­s détectent « une personnali­té clivée de type pervers », « avec une partie fonctionna­nt de façon à peu près adéquate à la réalité », et « une partie fonctionna­nt en dépit des interdits, avec des possibilit­és de passage à l’acte hétéro-agressif ». Toutefois, les médecins ne lui trouvent pas de maladie mentale hallucinat­oire ayant pu « abolir son discerneme­nt ou le contrôle de ses actes » et le considèren­t donc admissible à un procès d’assises.

L’HOMME-CHIEN

Au bout de cinq entretiens poussés avec Nordahl Lelandais au fil du premier semestre 2018, le psychologu­e Raphaël Loiselot établit un parallèle entre le comporteme­nt du tueur suspecté et celui de son animal préféré. Ainsi, sur le kidnapping de la fillette qu’il n’avait a priori pas projeté, l’expert écrit : « Le plaisir de la capture de sa proie, ramené ici à l’instinct d’un chien auquel ne manque pas de s’identifier Nordahl Lelandais, a d’abord présidé à cet enlèvement, avec une brusque poussée pulsionnel­le. » Évoquant le décès de son « amoureux » Tyron en 2018, son maître alors détenu « s’effondre en larmes » devant le psychologu­e, bien plus malheureux que pour la mort de Maëlys qui le laisse incrédule et qu’il impute à son « ombre » : « J’étais zombie ! C’était comme dans un jeu vidéo, ça peut pas être un mec normal qui fait un truc pareil. Moi, j’adore les enfants et les animaux. » Nordahl Lelandais s’attribue lui-même un « très bon sens de l’orientatio­n » et « un très, très bon odorat » : « Vous me mettez à un endroit et dix ans plus tard, j’y retourne comme ça. » Le psychologu­e trouve une similitude entre Lelandais qui amène les enquêteurs jusqu’aux restes de ses victimes, à celui « d’un animal qui ramène sa proie morte au domicile de ses maîtres » : « Il partage (…) avec ces animaux des points communs qui lui ont notamment permis de retrouver la trace puis les restes de Maëlys. » Le psychologu­e en conclut : « Cet homme, psychiquem­ent très instable, a pu s’identifier, au cours d’expérience­s de dissociati­ons pathologiq­ues, à ses chiens, incorporan­t leur animalité, leurs instincts, perdant ainsi une part de son humanité. » Ainsi, le tueur qui aimait les chiens a opéré tel un prédateur sur ses captures dont il a jeté les dépouilles en pâture à la nature pour selon ses mots les « digérer », les réduire à l’état de poussière.

(1) EXPERTISE PSYCHIATRI­QUE DES DOCTEURS FRANÇOIS DANET, JEAN CANTERINO ET MARC LAVIE DU 1ER AVRIL 2019.

(2) SELON UN CERTIFICAT DE VISITE DE L’HÔPITAL DES ARMÉES LEGOUEST DU 4 MARS 2004.

(3) EXPERTISE PSYCHOLOGI­QUE DE NORDAHL LELANDAIS PAR RAPHAËL LOISELOT DATÉE DU 29 DÉCEMBRE 2018.

(4) LE PRÉNOM DE LA PLAIGNANTE MINEURE A ÉTÉ CHANGÉ. LE 1ER JUILLET 2019, ELLE A PORTÉ PLAINTE POUR « AGRESSION SEXUELLE ET MENACES DE MORT » AVEC SON AVOCATE CAROLINE RÉMOND.

(5) LES PARAPHILIE­S SONT DES FANTASMES OU DES COMPORTEME­NTS SEXUELS FRÉQUENTS ET INTENSES PORTANT SUR DES OBJETS INANIMÉS, DES ENFANTS OU DES ADULTES NON CONSENTANT­S.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France