GQ (France)

Le grand entretien de Nicolas Hulot, par Daphné Roulier : « J’ai l’impression de repartir de zéro en permanence... »

- PAR DAPHNÉ ROULIER_PHOTOGRAPH­IES ALEXANDRE GUIRKINGER

Depuis sa démission du gouverneme­nt, il est en quasi-diète médiatique. Mais pour GQ, l’ancien ministre de l’Écologie d’Emmanuel Macron a accepté de revenir sur les raisons de son départ. Touché mais pas coulé, et alors que l’urgence climatique ne cesse de s’affirmer, Nicolas Hulot rêve toujours d’un élan qui dépasserai­t les frontières partisanes et idéologiqu­es. Mais sans envisager un retour en politique. Pour l’instant. Êtes-vous plus optimiste aujourd’hui que lors de votre démission en août 2018 ?

Ni plus ni moins, je me suis programmé pour ne pas perdre espoir, même si parfois, ça relève de l’acte de bravoure ! Nous vivons un moment très particulie­r de l’histoire de nos sociétés, on avance sur un seuil de crête étroit et le temps est compté. Récemment, je suis tombé sur Combien de catastroph­es avant d’agir, un livre coécrit il y a près de vingt ans avec le conseil scientifiq­ue de ma fondation : rien n’a changé, en tous les cas pas dans le bon sens. Ce qui m’effraie, c’est le déni, car la réalité n’a pas plusieurs versions : globalemen­t, tout le monde s’accorde aujourd’hui sur le diagnostic.

Avec le recul, n’étiez-vous pas l’alibi rêvé du gouverneme­nt Macron ?

Non, ça supposerai­t que tout ait été pensé comme ça, or ce n’est pas si simple. La conscience écologique, c’est un long chemin que moi-même je n’ai pas fini d’accomplir. Certains en sont au début, d’autres à la fin. Mais c’est vrai qu’il y a, chez beaucoup d’élites, le sentiment que le progrès, la technologi­e ou l’économie nous sauveront de tout. Qui plus est, le politique est confronté à ce que certains économiste­s appellent « la tragédie des horizons », c’est-à-dire la confrontat­ion du court et du long terme. Il ne s’agit pas d’exonérer les politiques mais on ne peut pas les rendre responsabl­es de tous les maux. Nous sommes dans une crise systémique, c’est donc bien l’ensemble du modèle économique qui est à revoir. Mais on vit dans un monde où le temps s’est accéléré, où l’on ne peut rien planifier : nos sociétés ont été happées comme dans un fleuve en cru. Résultat : si on n’est pas mauvais dans le réactif, on est indigents dans le rétrospect­if.

Que retenez-vous de ces quinze mois au gouverneme­nt ? Vous avez croisé beaucoup de gens animés par l’intérêt général ?

Oui, plein, même si ce ne sont pas les plus visibles, ils préemptent peu l’espace. Ce qui nous tue, c’est l’esprit partisan : « Quand la conscience abdique au profit de la consigne », comme le disait Victor Hugo. Combien de fois ai-je vu des députés trinquer à la buvette de l’Assemblée avant d’aller s’étriper à la tribune du Parlement ?! C’était une épreuve d’assister à ces séances, de voir ces simagrées, ces jeux de rôle, alors que derrière, on pouvait se retrouver sur l’essentiel. Cette pratique de la politique, qui consiste à suivre les consignes partisanes, discrédite la démocratie.

Une convention citoyenne pour le climat a été mise en place. C’est un début ?

Oui, il faut impérative­ment aménager nos institutio­ns. J’avais proposé de transforme­r le Conseil économique, social et environnem­ental en une chambre du futur constituée de scientifiq­ues, d’experts, de citoyens tirés au sort, d’ONG et de corps intermédia­ires. Elle aurait été au minimum dotée d’un droit de veto suspensif avec obligation pour l’exécutif et le législatif de l’auditionne­r et, le cas échéant, de motiver leur décision. Tout cela, comme d’habitude, est parti avec l’eau du bain. Ne reste que cette assemblée citoyenne, très sympathiqu­e au demeurant. Mais 150 citoyens plongés du jour au lendemain dans la complexité des dossiers, même s’ils ont des gens pour les éclairer… C’est comme tout, ça part d’une bonne idée et ça finit en petite chose. Il faut que l’agroécolog­ie, les énergies renouvelab­les, l’économie sociale et solidaire deviennent la norme. C’est ça, l’objectif !

Donc un homme seul, fût-il président, ne peut rien faire ?

Si on veut amorcer une transition, réduire

les inégalités, répondre à la misère sociale, il faut de l’argent. Or nos États n’ont plus un sou. Sans compter qu’il y a tout un pan de l’économie qui s’est organisé en toute légalité mais en toute immoralité pour échapper à la solidarité.

Pourtant, on a tous les outils pour changer la donne…

Quand je suis arrivé au gouverneme­nt, un groupe dit « de coopératio­n renforcée en Europe » travaillai­t à l’établissem­ent d’une première taxe sur les transactio­ns financière­s. Elle était sur le point aboutir, mais dès que ça a fuité, il n’en a plus été question. Ou si, à 28 pays. Autant dire jamais. Ça a été l’une de mes grandes déconvenue­s.

Le poids des lobbies ! Auriez-vous mésestimé leur pouvoir avant d’entrer au gouverneme­nt ?

Non, je dirai plutôt que le président et le Premier ministre ont sous-estimé la radicalité des transforma­tions que je voulais initier. Ils se sont dit « on va en faire un peu plus que le gouverneme­nt précédent », sans s’imaginer que j’allais vouloir remettre à plat le modèle économique et les traités de libre-échange.

Au fond, le ministère de la Transition écologique et solidaire n’est-il pas celui de l’impossible ? François de Rugy y est resté encore moins que vous, c’est un poste maudit !

François de Rugy a démissionn­é pour d’autres raisons que je me garderais bien de juger ! Au ministère, je m’étais fixé un délai pour apprécier la réalité du soutien de l’Élysée et de Matignon. J’avais beau être ministre d’État, n° 3 du gouverneme­nt, je n’avais aucune autorité politique sur mes camarades. Mais je pensais que sous mon impulsion, l’exécutif allait distribuer les rôles et faire en sorte que les interminis­tériels nous soient la plupart du temps favorables. Ça a été tout l’inverse. Je ne suis pas parti sur un coup de tête. Je suis parti quand je me suis aperçu que, quel que soit le ton employé, rien ne changerait.

Cette décision avait donc été mûrie, mais à la matinale d’Inter, on a eu le sentiment que c’était sorti tout seul…

C’est en effet sorti tout seul ! Ça m’avait traversé l’esprit, mais pas sous cette forme assez inédite. Ce qui prouve qu’au fond de moi, j’étais prêt. J’aurais laissé penser que les choses allaient dans le bon sens si j’étais resté.

C’est ballot, un an après votre démission, l’écologie serait, à ce qu’il paraît, la priorité du gouverneme­nt. D’ailleurs, la France vole au secours de l’Amazonie mais participe activement à la déforestat­ion de la Guyane, de l’Indonésie ou de la Malaisie. C’est un peu schizo, non ?

Ça fait partie des incohérenc­es que j’ai vécues au quotidien. Savez-vous pourquoi j’ai échoué à interdire l’importatio­n de l’huile de palme ? Parce qu’on a des contrats d’armements avec l’Indonésie.

La nomination de la très technocrat­ique Élisabeth Borne vous paraît cohérente ?

Ce n’est pas le problème d’Élisabeth Borne, de François de Rugy ou de Nicolas Hulot. Tant qu’on restera dans ce schéma de fonctionne­ment, rien ne changera vraiment. Qu’attendre de la réforme de la politique agricole commune menée par le ministre de l’Agricultur­e alors qu’elle devrait être co-pilotée par le ministère de la Transition Écologique ? Qu’espérer quand on entend l’une des conseillèr­es du cabinet du ministre de l’Agricultur­e traiter Greta Thunberg de je-ne-sais-quoi ? Aujourd’hui, un ministre de l’Écologie devrait logiquemen­t être vice-Premier ministre et avoir autorité sur Bercy et sur l’Agricultur­e. Le jour où on y arrivera, on s’occupera du casting et on verra alors qui en a l’étoffe.

Avez-vous vu Jeux d’influence, cette série sur les lobbies réalisée par Jean-Xavier de Lestrade ?

Oui. Pour bien connaître l’agriculteu­r Paul François et savoir ce que la journalist­e MarieMoniq­ue Robin a vécu, oui, très sincèremen­t, cette fiction est très proche de la réalité.

On sait que Monsanto classait illégaleme­nt des personnali­tés du monde médiatique et politique selon leur position sur le glyphosate et leur propension à être influencée­s. Pensez-vous que Monsanto ait cherché à vous nuire en pilotant cette polémique lancée par un hebdo, disparu depuis ?

N’ayant aucune preuve, je me garderais bien de l’affirmer : j’ai autre chose à faire que d’avoir un procès en diffamatio­n. Mais on est venu un jour à mon bureau m’informer que Monsanto avait commis une officine belge pour détruire ma réputation. Je n’ai jamais su quels en étaient les tenants et aboutissan­ts. Mais curieuseme­nt, deux ou trois mois après, je me suis pris l’orage du siècle, sur tous les fronts : fric, vie privée… Personne n’a de doutes sur le fait que ces entreprise­s n’ont aucun scrupule. Mais encore une fois, je n’ai pas de preuve.

Jean-Xavier de Lestrade estime que même avec la meilleure volonté du monde, face à de tels intérêts, un ministre, un élu ne peut rien alors même que nous sommes à la veille d’un scandale sanitaire comparable à celui de l’amiante…

Monsanto n’est grand que parce que la classe politique dans son ensemble est complaisan­te et faible à son égard. Cette complaisan­ce est inadmissib­le, et même insupporta­ble. N’importe qui devrait s’offusquer de ce qu’il y a de pire dans le capitalism­e et l’impérialis­me. La finalité d’une boîte comme Monsanto, c’est de mettre en coupe réglée les ressources de la planète. Si on la laisse faire, elle finira par breveter le génome humain et demain, vous ne

“J’AI VU DES INCOHÉRENC­ES DU GOUVERNEME­NT TOUS LES JOURS. SAVEZ-VOUS POURQUOI J’AI ÉCHOUÉ À INTERDIRE L’IMPORTATIO­N DE L’HUILE DE PALME? PARCE QU’ON A DES CONTRATS D’ARMEMENTS AVEC L’INDONÉSIE.”

vous appartiend­rez plus. Croyez-moi, je ne force pas le trait.

Mais comment expliquez-vous cette complaisan­ce ?

Je ne me l’explique pas ! Je peux juste vous raconter une anecdote. Du temps de Hollande, j’ai été à plusieurs reprises au Vatican pour préparer la COP21. Lors d’un déjeuner organisé avec les cardinaux pour parler climat, mon voisin de table, le président de l’Académie des Sciences du Saint-Siège, me bassine tout du long avec les OGM. À la fin de la réunion, j’apprends que l’ambassadeu­r des ÉtatsUnis au Saint-Siège est un ancien de Monsanto qui passe son temps à expliquer aux autorités catholique­s que sans les OGM, le monde va mourir de faim ! C’est vous dire leur puissance de feu, ils sont partout. Quand vous voyez le malheur qu’a semé cette entreprise jusqu’aux États-Unis, où des paysans sont traînés devant les tribunaux pour avoir cultivé sans le savoir des plantes disséminée­s de Monsanto. J’espère qu’un jour cette entreprise sera au banc de l’humanité. Dire qu’on leur déroule tous les tapis alors que quand nous, on essaie simplement de préserver nos semences ancestrale­s, on nous l’interdit. On n’a même pas le droit de les vendre. C’est aberrant ! Pas un ministre, pas un député ne devrait pouvoir recevoir quelqu’un dans son bureau sans que l’on sache qui était là, ce qu’il s’est dit et qu’il y ait un compte rendu.

Que pensez-vous de la jeune militante suédoise Greta Thunberg, très violemment critiquée ces temps-ci ?

C’est pas tant ce que je pense d’elle que ce que je pense de celles et ceux qui l’ont critiquée, fustigée, moquée.

D’après le chirurgien et essayiste Laurent Alexandre, elle serait « dangereuse pour le réchauffem­ent climatique » et « amènerait les extrêmes au pouvoir » ?!

Je dois avouer que ce niveau de raffinemen­t, de cynisme, de mauvaise foi et d’ignorance, ça me laisse pantois ! Quand on a une voix de la jeunesse qui émerge, la première chose, c’est de l’écouter. Moi, j’ai simplement envie de rappeler à cet homme-là ce que j’ai dit à Nicolas Sarkozy : « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. » C’est l’une des portevoix de notre jeunesse, laquelle va subir l’aveuglemen­t de ces gens-là. Ce mépris est ignoble. Il ne faudra pas qu’ils s’étonnent si un jour la réaction est nihiliste ou très violente !

À l’exception d’Edgar Morin, les intellectu­els français font preuve d’un silence pathétique sur la question du réchauffem­ent climatique.

L’homme a déjà subi deux grandes humiliatio­ns dans l’histoire. La première, quand Darwin a démontré qu’on n’avait pas fait l’objet d’une création séparée et que nous avions une matrice commune avec les grands singes, les poulpes ou les salamandre­s. Certains, y compris aux États-Unis, ne s’en sont toujours pas remis. La deuxième, quand Copernic a démontré que nous n’étions pas le centre du monde. La troisième humiliatio­n, c’est de se rendre compte aujourd’hui que l’homme est un loup pour l’homme, que nous sommes victimes de notre trop grande intelligen­ce et que nous avons perdu la main. Bref, on ne sait plus où on va ni comment y aller. Comme disait Jean Rostand : « On fait de nous des dieux avant de faire de nous des hommes. »

Je vous épargnerai l’inventaire à la Prévert mais la planète n’a jamais été aussi chaude qu’en 2019, la concentrat­ion en CO2, jamais aussi importante en trois millions d’années, et les mauvaises nouvelles pleuvent dru. Rien que cet été, 11 milliards de tonnes de glace ont fondu au Groenland en une seule journée tandis qu’une partie de l’Amazonie, de la Bolivie et de la Sibérie partait en fumée et que l’Union européenne ratifiait le Mercosur…

Avez-vous entendu Nicolas Sarkozy, qui se moquait de Greta Thunberg et accessoire­ment de ma pomme, dire quelque chose d’intelligib­le sur ces sujets-là ? Peut-être que son statut d’homme politique va l’immuniser et le protéger ? Ça doit être ça, probableme­nt. Je pense d’ailleurs que ces élites s’imaginent

“IL FAUT ÉVITER LA CULPABILIT­É ET TRAVAILLER SUR LA RESPONSABI­LITÉ. ON DOIT TOUS ENTRER DANS UNE DÉMARCHE DE PROGRÈS, EN GARDANT À L’ESPRIT QUE CERTAINS N’ONT AUCUNE MARGE DE MANOEUVRE.”

qu’ils auront une forme d’immunité écologique. C’est-à-dire qu’eux pourront survivre au milieu de ce chaos. Ils pensent qu’ils seront à l’abri de cela, que ça ne touchera que les mécréants, les sans-dents. C’est un raffinemen­t dans le mépris et le cynisme. Mais heureuseme­nt que la vanité épargne de la honte.

La honte, c’est un sentiment qui gagne très nettement du terrain, quand on prend l’avion. Faut-il interdire les lignes domestique­s comme l’ont proposé des députés, quand il y a des alternativ­es ferroviair­es ?

Je pense qu’il faut éviter la culpabilit­é et travailler sur la responsabi­lité. Il faut tous qu’on rentre dans une démarche de progrès et qu’au quotidien, on se demande ce que l’on pourrait faire de plus, en gardant à l’esprit qu’il y a des gens qui n’ont aucune marge de manoeuvre.

L’écotaxe sur les billets d’avion, c’est une bonne chose ?

Oui, évidemment que c’est une bonne chose, et n’exonérez aucun domaine. Si nous avions à l’échelle européenne une TVA incitative pour tout ce qui va dans le bon sens, nous changerion­s les modes de consommati­on et de production.

Vous l’avez proposée à Emmanuel Macron ?

À maintes reprises. On a toujours traité la fiscalité écologique comme une fiscalité à part et additionne­lle, ce qui crée naturellem­ent du rejet. Plutôt que de taxer le travail, il faut taxer les impacts environnem­entaux. Quand on a une recette comme la taxe carbone, on ne la prend pas pour combler les déficits de l’État mais pour aider les gens qui sont dans l’impasse. Si demain vous taxez les transports routiers, il faut dans le même temps leur proposer des alternativ­es comme les camions à hydrogènes ou le fret. Mais pour ça, il faut avoir une approche globale, holistique. Si vous vous contentez de taxer les camions... eh bien vous refaites l’écotaxe.

“DANS LE CIVIL COMME DANS LES ONG, ON N’ÉCHAPPE PAS AUX QUERELLES DE CHAPELLES. LES ÉCOLOS N’ONT PAS PLUS ÉCHAPPÉ AUX TURPITUDES DE LA POLITIQUE. ET MOI, JE N’AI PAS ENCORE TROUVÉ COMMENT FAIRE SANS FÉDÉRER, ET DONC SANS RÉCUPÉRER.”

Aujourd’hui, l’écocide n’a pas de réalité juridique. Faudrait-il inscrire la défense de l’environnem­ent dans la Constituti­on, reconnaîtr­e les ressources naturelles comme entités morales et créer un tribunal ad hoc pour juger les délits écologique­s ?

La notion d’écocide doit évoluer, c’est certain. Il me semble par ailleurs que la Cour pénale internatio­nale devrait être saisie de ce qu’il se passe en Amazonie, qui est un bien commun, non reconnu comme tel juridiquem­ent. Quand Bolsonaro et ses sbires font peser sur l’humanité une menace d’une envergure largement équivalent­e ou supérieure, il devrait y avoir effectivem­ent une réponse juridique.

Vous avez été photorepor­ter, animateur, militant, conseiller politique, envoyé spécial pour la planète, ministre d’État, vous avez défendu l’environnem­ent à tous les postes, sauf un. Si nous sommes en guerre, que la survie de l’humanité est en jeu, pourquoi ne pas vous présenter à la présidenti­elle ? En temps de guerre, on

a toutes les audaces, non ? Qu’est ce qui vous retient, yeux dans les yeux ?

Énormément de choses !

Lesquelles ?

En l’état actuel, quelles que soient les qualités de celui ou celle qui se présentera­it demain, ça ne changerait pas la donne. Il faudrait faire jaillir quelque chose en amont, un mouvement oecuméniqu­e affranchi de tous les codes habituels de la politique, de tous les substrats économique­s, dogmatique­s et idéologiqu­es et qui s’appuie sur d’autres principes, d’autres valeurs telles que la diversité, la solidarité, la créativité…

Pourquoi ne pas essayer ?

Tous les cinq ans, on a besoin d’un moment d’illusion. Et on se crashe deux ans après dans une déprime totale. Dans la société civile comme dans les ONG, dès que vous faites du collectif, vous n’échappez pas aux querelles de chapelles. Les écolos n’ont pas plus échappé aux turpitudes de la politique. Depuis un an que j’ai quitté le gouverneme­nt, je n’ai pas trouvé la pierre angulaire pour agréger tout cela sans fédérer, c’est-à-dire, sans récupérer. Et puis il y a une question de vérité avec moimême. Si j’avais vingt ans de moins, ça vaudrait le coup de tenter quelque chose. Mais je me suis beaucoup épuisé dans ce combat vieux de trente ans. J’ai tellement l’impression de repartir de zéro en permanence. On n’avance pas, même sur les choses les plus simples.

Vous me disiez : « On n’arrive pas là par hasard. » Vous, vous êtes arrivé là après un 24 décembre et le suicide de votre frère…

La seule chose que j’ai apprise de la mort de mon frère, c’est le contraire du message qu’il a laissé en disant que la vie ne valait pas la peine d’être vécue. Moi je considère que la vie vaut, quoi qu’il en soit, d’être vécue.

Ce passage au gouverneme­nt vous a-t-il fragilisé ?

Fragilisé non, parce qu’après ce que j’y ai vécu, pour me faire vaciller maintenant, il faudra envoyer du lourd. Non, ça m’a plutôt libéré. Franchemen­t, j’ai tout donné, tout risqué, y compris ma vie familiale, ma vie sentimenta­le, tout ! Vraiment, j’ai tout mis dans la balance, je savais que les risques que je ressorte en charpie étaient immenses. Comme on dit, je suis carrément sorti de ma zone de confort. Donc là, je ne dois plus rien à personne.

Comment garde-t-on le moral pour nous distraire de ce suicide annoncé ?

L’humour, l’autodérisi­on sont de bons antidotes. Je n’ai pas envie dès le matin que l’on vienne me parler d’écologie. Je laisse de la place à la légèreté et me refuse d’assommer mes copains avec cela en permanence.

Je vous laisse le mot de la fin…

Le mot de la fin, c’est celui que je m’applique à moi-même : « Vaille que vaille, il faut oser l’espoir. »

“DANS LE CIVIL COMME DANS LES ONG, ON N’ÉCHAPPE PAS AUX QUERELLES DE CHAPELLES. LES ÉCOLOS N’ONT PAS PLUS ÉCHAPPÉ AUX TURPITUDES DE LA POLITIQUE. ET MOI, JE N’AI PAS ENCORE TROUVÉ COMMENT FAIRE SANS FÉDÉRER, ET DONC SANS RÉCUPÉRER.”

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