Le grand entretien de Nicolas Hulot, par Daphné Roulier : « J’ai l’impression de repartir de zéro en permanence... »
Depuis sa démission du gouvernement, il est en quasi-diète médiatique. Mais pour GQ, l’ancien ministre de l’Écologie d’Emmanuel Macron a accepté de revenir sur les raisons de son départ. Touché mais pas coulé, et alors que l’urgence climatique ne cesse de s’affirmer, Nicolas Hulot rêve toujours d’un élan qui dépasserait les frontières partisanes et idéologiques. Mais sans envisager un retour en politique. Pour l’instant. Êtes-vous plus optimiste aujourd’hui que lors de votre démission en août 2018 ?
Ni plus ni moins, je me suis programmé pour ne pas perdre espoir, même si parfois, ça relève de l’acte de bravoure ! Nous vivons un moment très particulier de l’histoire de nos sociétés, on avance sur un seuil de crête étroit et le temps est compté. Récemment, je suis tombé sur Combien de catastrophes avant d’agir, un livre coécrit il y a près de vingt ans avec le conseil scientifique de ma fondation : rien n’a changé, en tous les cas pas dans le bon sens. Ce qui m’effraie, c’est le déni, car la réalité n’a pas plusieurs versions : globalement, tout le monde s’accorde aujourd’hui sur le diagnostic.
Avec le recul, n’étiez-vous pas l’alibi rêvé du gouvernement Macron ?
Non, ça supposerait que tout ait été pensé comme ça, or ce n’est pas si simple. La conscience écologique, c’est un long chemin que moi-même je n’ai pas fini d’accomplir. Certains en sont au début, d’autres à la fin. Mais c’est vrai qu’il y a, chez beaucoup d’élites, le sentiment que le progrès, la technologie ou l’économie nous sauveront de tout. Qui plus est, le politique est confronté à ce que certains économistes appellent « la tragédie des horizons », c’est-à-dire la confrontation du court et du long terme. Il ne s’agit pas d’exonérer les politiques mais on ne peut pas les rendre responsables de tous les maux. Nous sommes dans une crise systémique, c’est donc bien l’ensemble du modèle économique qui est à revoir. Mais on vit dans un monde où le temps s’est accéléré, où l’on ne peut rien planifier : nos sociétés ont été happées comme dans un fleuve en cru. Résultat : si on n’est pas mauvais dans le réactif, on est indigents dans le rétrospectif.
Que retenez-vous de ces quinze mois au gouvernement ? Vous avez croisé beaucoup de gens animés par l’intérêt général ?
Oui, plein, même si ce ne sont pas les plus visibles, ils préemptent peu l’espace. Ce qui nous tue, c’est l’esprit partisan : « Quand la conscience abdique au profit de la consigne », comme le disait Victor Hugo. Combien de fois ai-je vu des députés trinquer à la buvette de l’Assemblée avant d’aller s’étriper à la tribune du Parlement ?! C’était une épreuve d’assister à ces séances, de voir ces simagrées, ces jeux de rôle, alors que derrière, on pouvait se retrouver sur l’essentiel. Cette pratique de la politique, qui consiste à suivre les consignes partisanes, discrédite la démocratie.
Une convention citoyenne pour le climat a été mise en place. C’est un début ?
Oui, il faut impérativement aménager nos institutions. J’avais proposé de transformer le Conseil économique, social et environnemental en une chambre du futur constituée de scientifiques, d’experts, de citoyens tirés au sort, d’ONG et de corps intermédiaires. Elle aurait été au minimum dotée d’un droit de veto suspensif avec obligation pour l’exécutif et le législatif de l’auditionner et, le cas échéant, de motiver leur décision. Tout cela, comme d’habitude, est parti avec l’eau du bain. Ne reste que cette assemblée citoyenne, très sympathique au demeurant. Mais 150 citoyens plongés du jour au lendemain dans la complexité des dossiers, même s’ils ont des gens pour les éclairer… C’est comme tout, ça part d’une bonne idée et ça finit en petite chose. Il faut que l’agroécologie, les énergies renouvelables, l’économie sociale et solidaire deviennent la norme. C’est ça, l’objectif !
Donc un homme seul, fût-il président, ne peut rien faire ?
Si on veut amorcer une transition, réduire
les inégalités, répondre à la misère sociale, il faut de l’argent. Or nos États n’ont plus un sou. Sans compter qu’il y a tout un pan de l’économie qui s’est organisé en toute légalité mais en toute immoralité pour échapper à la solidarité.
Pourtant, on a tous les outils pour changer la donne…
Quand je suis arrivé au gouvernement, un groupe dit « de coopération renforcée en Europe » travaillait à l’établissement d’une première taxe sur les transactions financières. Elle était sur le point aboutir, mais dès que ça a fuité, il n’en a plus été question. Ou si, à 28 pays. Autant dire jamais. Ça a été l’une de mes grandes déconvenues.
Le poids des lobbies ! Auriez-vous mésestimé leur pouvoir avant d’entrer au gouvernement ?
Non, je dirai plutôt que le président et le Premier ministre ont sous-estimé la radicalité des transformations que je voulais initier. Ils se sont dit « on va en faire un peu plus que le gouvernement précédent », sans s’imaginer que j’allais vouloir remettre à plat le modèle économique et les traités de libre-échange.
Au fond, le ministère de la Transition écologique et solidaire n’est-il pas celui de l’impossible ? François de Rugy y est resté encore moins que vous, c’est un poste maudit !
François de Rugy a démissionné pour d’autres raisons que je me garderais bien de juger ! Au ministère, je m’étais fixé un délai pour apprécier la réalité du soutien de l’Élysée et de Matignon. J’avais beau être ministre d’État, n° 3 du gouvernement, je n’avais aucune autorité politique sur mes camarades. Mais je pensais que sous mon impulsion, l’exécutif allait distribuer les rôles et faire en sorte que les interministériels nous soient la plupart du temps favorables. Ça a été tout l’inverse. Je ne suis pas parti sur un coup de tête. Je suis parti quand je me suis aperçu que, quel que soit le ton employé, rien ne changerait.
Cette décision avait donc été mûrie, mais à la matinale d’Inter, on a eu le sentiment que c’était sorti tout seul…
C’est en effet sorti tout seul ! Ça m’avait traversé l’esprit, mais pas sous cette forme assez inédite. Ce qui prouve qu’au fond de moi, j’étais prêt. J’aurais laissé penser que les choses allaient dans le bon sens si j’étais resté.
C’est ballot, un an après votre démission, l’écologie serait, à ce qu’il paraît, la priorité du gouvernement. D’ailleurs, la France vole au secours de l’Amazonie mais participe activement à la déforestation de la Guyane, de l’Indonésie ou de la Malaisie. C’est un peu schizo, non ?
Ça fait partie des incohérences que j’ai vécues au quotidien. Savez-vous pourquoi j’ai échoué à interdire l’importation de l’huile de palme ? Parce qu’on a des contrats d’armements avec l’Indonésie.
La nomination de la très technocratique Élisabeth Borne vous paraît cohérente ?
Ce n’est pas le problème d’Élisabeth Borne, de François de Rugy ou de Nicolas Hulot. Tant qu’on restera dans ce schéma de fonctionnement, rien ne changera vraiment. Qu’attendre de la réforme de la politique agricole commune menée par le ministre de l’Agriculture alors qu’elle devrait être co-pilotée par le ministère de la Transition Écologique ? Qu’espérer quand on entend l’une des conseillères du cabinet du ministre de l’Agriculture traiter Greta Thunberg de je-ne-sais-quoi ? Aujourd’hui, un ministre de l’Écologie devrait logiquement être vice-Premier ministre et avoir autorité sur Bercy et sur l’Agriculture. Le jour où on y arrivera, on s’occupera du casting et on verra alors qui en a l’étoffe.
Avez-vous vu Jeux d’influence, cette série sur les lobbies réalisée par Jean-Xavier de Lestrade ?
Oui. Pour bien connaître l’agriculteur Paul François et savoir ce que la journaliste MarieMonique Robin a vécu, oui, très sincèrement, cette fiction est très proche de la réalité.
On sait que Monsanto classait illégalement des personnalités du monde médiatique et politique selon leur position sur le glyphosate et leur propension à être influencées. Pensez-vous que Monsanto ait cherché à vous nuire en pilotant cette polémique lancée par un hebdo, disparu depuis ?
N’ayant aucune preuve, je me garderais bien de l’affirmer : j’ai autre chose à faire que d’avoir un procès en diffamation. Mais on est venu un jour à mon bureau m’informer que Monsanto avait commis une officine belge pour détruire ma réputation. Je n’ai jamais su quels en étaient les tenants et aboutissants. Mais curieusement, deux ou trois mois après, je me suis pris l’orage du siècle, sur tous les fronts : fric, vie privée… Personne n’a de doutes sur le fait que ces entreprises n’ont aucun scrupule. Mais encore une fois, je n’ai pas de preuve.
Jean-Xavier de Lestrade estime que même avec la meilleure volonté du monde, face à de tels intérêts, un ministre, un élu ne peut rien alors même que nous sommes à la veille d’un scandale sanitaire comparable à celui de l’amiante…
Monsanto n’est grand que parce que la classe politique dans son ensemble est complaisante et faible à son égard. Cette complaisance est inadmissible, et même insupportable. N’importe qui devrait s’offusquer de ce qu’il y a de pire dans le capitalisme et l’impérialisme. La finalité d’une boîte comme Monsanto, c’est de mettre en coupe réglée les ressources de la planète. Si on la laisse faire, elle finira par breveter le génome humain et demain, vous ne
“J’AI VU DES INCOHÉRENCES DU GOUVERNEMENT TOUS LES JOURS. SAVEZ-VOUS POURQUOI J’AI ÉCHOUÉ À INTERDIRE L’IMPORTATION DE L’HUILE DE PALME? PARCE QU’ON A DES CONTRATS D’ARMEMENTS AVEC L’INDONÉSIE.”
vous appartiendrez plus. Croyez-moi, je ne force pas le trait.
Mais comment expliquez-vous cette complaisance ?
Je ne me l’explique pas ! Je peux juste vous raconter une anecdote. Du temps de Hollande, j’ai été à plusieurs reprises au Vatican pour préparer la COP21. Lors d’un déjeuner organisé avec les cardinaux pour parler climat, mon voisin de table, le président de l’Académie des Sciences du Saint-Siège, me bassine tout du long avec les OGM. À la fin de la réunion, j’apprends que l’ambassadeur des ÉtatsUnis au Saint-Siège est un ancien de Monsanto qui passe son temps à expliquer aux autorités catholiques que sans les OGM, le monde va mourir de faim ! C’est vous dire leur puissance de feu, ils sont partout. Quand vous voyez le malheur qu’a semé cette entreprise jusqu’aux États-Unis, où des paysans sont traînés devant les tribunaux pour avoir cultivé sans le savoir des plantes disséminées de Monsanto. J’espère qu’un jour cette entreprise sera au banc de l’humanité. Dire qu’on leur déroule tous les tapis alors que quand nous, on essaie simplement de préserver nos semences ancestrales, on nous l’interdit. On n’a même pas le droit de les vendre. C’est aberrant ! Pas un ministre, pas un député ne devrait pouvoir recevoir quelqu’un dans son bureau sans que l’on sache qui était là, ce qu’il s’est dit et qu’il y ait un compte rendu.
Que pensez-vous de la jeune militante suédoise Greta Thunberg, très violemment critiquée ces temps-ci ?
C’est pas tant ce que je pense d’elle que ce que je pense de celles et ceux qui l’ont critiquée, fustigée, moquée.
D’après le chirurgien et essayiste Laurent Alexandre, elle serait « dangereuse pour le réchauffement climatique » et « amènerait les extrêmes au pouvoir » ?!
Je dois avouer que ce niveau de raffinement, de cynisme, de mauvaise foi et d’ignorance, ça me laisse pantois ! Quand on a une voix de la jeunesse qui émerge, la première chose, c’est de l’écouter. Moi, j’ai simplement envie de rappeler à cet homme-là ce que j’ai dit à Nicolas Sarkozy : « Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. » C’est l’une des portevoix de notre jeunesse, laquelle va subir l’aveuglement de ces gens-là. Ce mépris est ignoble. Il ne faudra pas qu’ils s’étonnent si un jour la réaction est nihiliste ou très violente !
À l’exception d’Edgar Morin, les intellectuels français font preuve d’un silence pathétique sur la question du réchauffement climatique.
L’homme a déjà subi deux grandes humiliations dans l’histoire. La première, quand Darwin a démontré qu’on n’avait pas fait l’objet d’une création séparée et que nous avions une matrice commune avec les grands singes, les poulpes ou les salamandres. Certains, y compris aux États-Unis, ne s’en sont toujours pas remis. La deuxième, quand Copernic a démontré que nous n’étions pas le centre du monde. La troisième humiliation, c’est de se rendre compte aujourd’hui que l’homme est un loup pour l’homme, que nous sommes victimes de notre trop grande intelligence et que nous avons perdu la main. Bref, on ne sait plus où on va ni comment y aller. Comme disait Jean Rostand : « On fait de nous des dieux avant de faire de nous des hommes. »
Je vous épargnerai l’inventaire à la Prévert mais la planète n’a jamais été aussi chaude qu’en 2019, la concentration en CO2, jamais aussi importante en trois millions d’années, et les mauvaises nouvelles pleuvent dru. Rien que cet été, 11 milliards de tonnes de glace ont fondu au Groenland en une seule journée tandis qu’une partie de l’Amazonie, de la Bolivie et de la Sibérie partait en fumée et que l’Union européenne ratifiait le Mercosur…
Avez-vous entendu Nicolas Sarkozy, qui se moquait de Greta Thunberg et accessoirement de ma pomme, dire quelque chose d’intelligible sur ces sujets-là ? Peut-être que son statut d’homme politique va l’immuniser et le protéger ? Ça doit être ça, probablement. Je pense d’ailleurs que ces élites s’imaginent
“IL FAUT ÉVITER LA CULPABILITÉ ET TRAVAILLER SUR LA RESPONSABILITÉ. ON DOIT TOUS ENTRER DANS UNE DÉMARCHE DE PROGRÈS, EN GARDANT À L’ESPRIT QUE CERTAINS N’ONT AUCUNE MARGE DE MANOEUVRE.”
qu’ils auront une forme d’immunité écologique. C’est-à-dire qu’eux pourront survivre au milieu de ce chaos. Ils pensent qu’ils seront à l’abri de cela, que ça ne touchera que les mécréants, les sans-dents. C’est un raffinement dans le mépris et le cynisme. Mais heureusement que la vanité épargne de la honte.
La honte, c’est un sentiment qui gagne très nettement du terrain, quand on prend l’avion. Faut-il interdire les lignes domestiques comme l’ont proposé des députés, quand il y a des alternatives ferroviaires ?
Je pense qu’il faut éviter la culpabilité et travailler sur la responsabilité. Il faut tous qu’on rentre dans une démarche de progrès et qu’au quotidien, on se demande ce que l’on pourrait faire de plus, en gardant à l’esprit qu’il y a des gens qui n’ont aucune marge de manoeuvre.
L’écotaxe sur les billets d’avion, c’est une bonne chose ?
Oui, évidemment que c’est une bonne chose, et n’exonérez aucun domaine. Si nous avions à l’échelle européenne une TVA incitative pour tout ce qui va dans le bon sens, nous changerions les modes de consommation et de production.
Vous l’avez proposée à Emmanuel Macron ?
À maintes reprises. On a toujours traité la fiscalité écologique comme une fiscalité à part et additionnelle, ce qui crée naturellement du rejet. Plutôt que de taxer le travail, il faut taxer les impacts environnementaux. Quand on a une recette comme la taxe carbone, on ne la prend pas pour combler les déficits de l’État mais pour aider les gens qui sont dans l’impasse. Si demain vous taxez les transports routiers, il faut dans le même temps leur proposer des alternatives comme les camions à hydrogènes ou le fret. Mais pour ça, il faut avoir une approche globale, holistique. Si vous vous contentez de taxer les camions... eh bien vous refaites l’écotaxe.
“DANS LE CIVIL COMME DANS LES ONG, ON N’ÉCHAPPE PAS AUX QUERELLES DE CHAPELLES. LES ÉCOLOS N’ONT PAS PLUS ÉCHAPPÉ AUX TURPITUDES DE LA POLITIQUE. ET MOI, JE N’AI PAS ENCORE TROUVÉ COMMENT FAIRE SANS FÉDÉRER, ET DONC SANS RÉCUPÉRER.”
Aujourd’hui, l’écocide n’a pas de réalité juridique. Faudrait-il inscrire la défense de l’environnement dans la Constitution, reconnaître les ressources naturelles comme entités morales et créer un tribunal ad hoc pour juger les délits écologiques ?
La notion d’écocide doit évoluer, c’est certain. Il me semble par ailleurs que la Cour pénale internationale devrait être saisie de ce qu’il se passe en Amazonie, qui est un bien commun, non reconnu comme tel juridiquement. Quand Bolsonaro et ses sbires font peser sur l’humanité une menace d’une envergure largement équivalente ou supérieure, il devrait y avoir effectivement une réponse juridique.
Vous avez été photoreporter, animateur, militant, conseiller politique, envoyé spécial pour la planète, ministre d’État, vous avez défendu l’environnement à tous les postes, sauf un. Si nous sommes en guerre, que la survie de l’humanité est en jeu, pourquoi ne pas vous présenter à la présidentielle ? En temps de guerre, on
a toutes les audaces, non ? Qu’est ce qui vous retient, yeux dans les yeux ?
Énormément de choses !
Lesquelles ?
En l’état actuel, quelles que soient les qualités de celui ou celle qui se présenterait demain, ça ne changerait pas la donne. Il faudrait faire jaillir quelque chose en amont, un mouvement oecuménique affranchi de tous les codes habituels de la politique, de tous les substrats économiques, dogmatiques et idéologiques et qui s’appuie sur d’autres principes, d’autres valeurs telles que la diversité, la solidarité, la créativité…
Pourquoi ne pas essayer ?
Tous les cinq ans, on a besoin d’un moment d’illusion. Et on se crashe deux ans après dans une déprime totale. Dans la société civile comme dans les ONG, dès que vous faites du collectif, vous n’échappez pas aux querelles de chapelles. Les écolos n’ont pas plus échappé aux turpitudes de la politique. Depuis un an que j’ai quitté le gouvernement, je n’ai pas trouvé la pierre angulaire pour agréger tout cela sans fédérer, c’est-à-dire, sans récupérer. Et puis il y a une question de vérité avec moimême. Si j’avais vingt ans de moins, ça vaudrait le coup de tenter quelque chose. Mais je me suis beaucoup épuisé dans ce combat vieux de trente ans. J’ai tellement l’impression de repartir de zéro en permanence. On n’avance pas, même sur les choses les plus simples.
Vous me disiez : « On n’arrive pas là par hasard. » Vous, vous êtes arrivé là après un 24 décembre et le suicide de votre frère…
La seule chose que j’ai apprise de la mort de mon frère, c’est le contraire du message qu’il a laissé en disant que la vie ne valait pas la peine d’être vécue. Moi je considère que la vie vaut, quoi qu’il en soit, d’être vécue.
Ce passage au gouvernement vous a-t-il fragilisé ?
Fragilisé non, parce qu’après ce que j’y ai vécu, pour me faire vaciller maintenant, il faudra envoyer du lourd. Non, ça m’a plutôt libéré. Franchement, j’ai tout donné, tout risqué, y compris ma vie familiale, ma vie sentimentale, tout ! Vraiment, j’ai tout mis dans la balance, je savais que les risques que je ressorte en charpie étaient immenses. Comme on dit, je suis carrément sorti de ma zone de confort. Donc là, je ne dois plus rien à personne.
Comment garde-t-on le moral pour nous distraire de ce suicide annoncé ?
L’humour, l’autodérision sont de bons antidotes. Je n’ai pas envie dès le matin que l’on vienne me parler d’écologie. Je laisse de la place à la légèreté et me refuse d’assommer mes copains avec cela en permanence.
Je vous laisse le mot de la fin…
Le mot de la fin, c’est celui que je m’applique à moi-même : « Vaille que vaille, il faut oser l’espoir. »
“DANS LE CIVIL COMME DANS LES ONG, ON N’ÉCHAPPE PAS AUX QUERELLES DE CHAPELLES. LES ÉCOLOS N’ONT PAS PLUS ÉCHAPPÉ AUX TURPITUDES DE LA POLITIQUE. ET MOI, JE N’AI PAS ENCORE TROUVÉ COMMENT FAIRE SANS FÉDÉRER, ET DONC SANS RÉCUPÉRER.”