L’iguane marin des Galapagos ou le sens du devoir (furtif)
Pour s’assurer une descendance, les iguanes marins mâles les plus chétifs doivent jouer des écailles et larguer leurs soldats issa issa.
NOUS, LES HOMMES, souffrons parfois d’éjaculation précoce, ou au contraire d’éjaculation tardive, sans compter ce fléau qu’est l’impuissance. Nos amis les iguanes marins mâles des Galapagos connaissent de leur côté un problème tout autre : ils n’ont pas le temps de jouir. Plus exactement, les plus petits d’entre eux n’ont pas le temps de jouir, car les plus gros viennent les interrompre, pour les chasser et leur piquer leur copine.
C’est que la compétition est particulièrement impitoyable chez ces reptiles. La saison des amours est très brève sur les rivages de l’archipel, et les places y sont chères : les mâles se battent déjà pour conquérir les rochers où ils pourront chacun recevoir une dame. Les plus gros dominent donc l’espace tandis que les plus légers errent en périphérie, dans l’espoir de se fau iler vers une femelle un instant esseulée. Quand ils y parviennent, ils doivent faire très vite puisque les costauds risquent de revenir d’un moment à l’autre. Dans 29 % des cas, ils sont ainsi obligés, passez-nous l’expression, de plier les gaules avant d’avoir terminé leur besogne.
Alors, pour être sûrs de rentabiliser les poignées de secondes dont ils disposent pour copuler, ces prolétaires de la procréation ont trouvé une solution pratique bien qu’assez peu « lova-lova » : ils se masturbent à l’avance – ou, disons, s’excitent à leur manière – et stockent leur semence dans une sorte de poche intérieure placée près de leur hémipénis. Ils n’ont alors plus qu’à déposer le contenu dans le cloaque de la femelle qu’ils auront l’opportunité de côtoyer fugacement. Une sexualité fonctionnelle et pragmatique dont nous n’irons pas jusqu’à vous conseiller de prendre de la graine, mais qui en dit long sur la force de l’instinct reproducteur chez certains êtres vivants issus du règne nonhumain.