GQ (France)

ESTELLE MOSSELY _

Championne olympique à Rio en 2016, Estelle Mossely, 27 ans, a conquis cette année le titre de championne du monde IBF des poids légers. Pour GQ, elle révèle les secrets de sa réussite...

- PAR JÉRÉMY PATRELLE

S’INSPIRER DES AÎNÉS

« Mon père vient du Congo et a rencontré ma mère lors de ses études en Ukraine. Une Blanche + un Noir = pas facile là-bas (rires) ! Ils se sont battus pour leurs idées et ont choisi la France afin d’offrir une meilleure vie à leurs enfants. Malgré le bac+9 de mon père et le bac+5 de ma mère, ils ont dû tout redémarrer, les diplômes n’étaient pas reconnus... Ils n’ont pas lâché alors que des gens moins diplômés les rabaissaie­nt car ils n’étaient pas français. Cela explique une partie de mon caractère. Je sais d’où je viens, ce que les autres ont fait pour moi, je ne vais pas m’arrêter s’il y a des obstacles. »

SACRIFIER SANS REGRETTER

« À 17 ans, j’entre en équipe de France, à 18 ans en école d’ingénieurs. Je ne passais pas mon week-end avec mes copines à m’amuser. Je ne relâchais jamais. Aujourd’hui, j’ai l’or olympique, je suis profession­nelle, j’ai un enfant (un deuxième est en route, ndlr). J’ai parfois envie de rester chez moi, profiter de mon petit... Mais je le fais peu. C’est étrange à dire, mais je délègue. Je cherche la gagne, le graal (détrôner Katie Taylor, championne du monde catégories WBA-IBFWBO-WBC). Le chemin est difficile pour y arriver, mais je ne regrette rien. »

SAVOIR TOUT CHANGER

« Par choix familial, on a quitté la France pour la Californie. J’étais prête à prendre le milieu profession­nel à bras le corps, avec de nouveaux entraîneur­s, uniquement aux États-Unis. Je me suis forcée, j’aime avoir mes repères. Mais je ne veux pas mettre dix ans à performer, la meilleure solution était donc d’aller là-bas. J’ai pu me consacrer à l’entraîneme­nt et profiter des miens. Ça fait du bien. Là-bas, je suis anonyme, je fais mes courses, on se balade, tout le monde s’en fout ! »

SE RELÂCHER POUR AVANCER

« Il y a trois temps : effort (entraîneme­nt, préparatio­n), compétitio­n et relâchemen­t. Ce fut pareil pour mes études : révisions, examens et relâchemen­t. Il faut se faire plaisir, on ne peut pas être dans le dur tout le temps. Au bout d’un moment, ça va coincer. Il faut profiter de sa victoire, des sacrifices faits. Si on perd, il faut se relâcher aussi, se ressourcer, se poser pour trouver les solutions et gagner la fois d’après. »

GÉRER SA CÉLÉBRITÉ

« Être championne avec un mari qui a une notoriété implique plus de choses à gérer (elle a depuis annoncé s’être séparée de Tony Yoka). L’intimité d’abord. Tout le monde veut connaître notre vie. Il faut en parler, poser les limites. La carrière, ensuite : la boxe est un sport masculin où la performanc­e féminine n’est pas autant considérée. À un moment, j’avais l’impression qu’on me disait “pourquoi tu le fais ? Il va gagner des millions, arrête. C’est dur la boxe.” Mais j’en avais besoin. J’ai pensé arrêter après les JO, là, je veux aller au bout du projet. »

ASSUMER SA FÉMINITÉ

« Je déteste prendre des coups, cela se ressent sur ma boxe, je ne suis pas quelqu’un de rentre-dedans. Je n’accepte pas de sortir d’un combat défigurée. Donc je travaille beaucoup l’esquive ! Et je ne me laisse pas aller. Je me maquille avant les interviews, même avant un entraîneme­nt ! J’assume qui je suis. Et je fais en sorte que les gens me voient telle que je suis. »

CHANGER LES MENTALITÉS

« Je gagne bien ma vie mais je suis une exception en France, les autres galèrent. Aux ÉtatsUnis, on soutient le premier, le deuxième, le troisième, le quatrième... En France, le premier et peut-être le deuxième. C’est une question de budget, de mentalité aussi. Si on était un vrai pays de sport, on mettrait davantage de moyens pour développer la boxe. »

PENSER AUX AUTRES

« Je suis sportive, je veux être la meilleure. Après, il faut que ça serve. Je me place donc comme une ambassadri­ce du sport féminin, avec « She breaks barriers » par exemple (programme soutenu par Adidas pour lutter contre les barrières existantes entre le sport et les femmes). Je défends la cause féminine car c’est ce que je connais le mieux. Améliorer le sport féminin, c’est une façon d’améliorer le sport en général. »

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TOP J.W. ANDERSON. PANTALON GIVENCHY CHEZ MATCHESFAS­HION.COM. CHAUSSURES GIVENCHY (VINTAGE). COIFFURE ET MAQUILLAGE : RICHARD BLANDEL @ B AGENCY.

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