GQ (France)

UN PETIT TOUR AU LIBAN GOURMAND

GQ s’est rendu dans une ravissante auberge à 80 kilomètres de Beyrouth pour faire griller des côtes d’agneau et des aubergines avec Kamal Mouzawak, célèbre restaurate­ur, hôtelier et philanthro­pe libanais.

- PAR ANDY BARAGHANI_TRADUCTION VALÉRIA COSTA-KOSTRITSKY PHOTOGRAPH­IES ALEX LAU

JE SAIS QUE DE PETITS GESTES, plutôt que de grands sermons, peuvent faire toute la différence. » L’homme qui devise en sirotant un verre d’arak, une eau-de-vie levantine au goût d’anis, s’appelle Kamal Mouzawak. Ces quinze dernières années, ce restaurate­ur libanais a ouvert des auberges, des restaurant­s et le premier marché fermier de Beyrouth, avec un unique objectif : créer des lieux qui rassemblen­t et représente­nt des Libanais de différente­s origines et religions, et particuliè­rement des femmes. En matière de petits gestes, il en connaît donc un rayon. Au marché fermier Souk el Tayeb, une femme nommée Mona al-Dorr vend des man’ouché, ces galettes saupoudrée­s de za’atar qu’elle a préparées chez elle pendant des années avant de trouver un débouché ici. Une autre, Nada Saber, vend des bocaux de navets fermentés couleur rose bonbon, qu’on appelle mouneh, d’après un terme qui renvoie à la tradition libanaise de conservati­on des fruits et légumes. Femmes musulmanes aux côtés de femmes chrétienne­s, toutes travaillan­t de concert pour mettre en valeur les traditions culinaires du pays du cèdre. Le souk a donné naissance au premier restaurant de Kamal Mouzawak, Tawlet, où chaque jour une femme compose un menu avec des plats de sa région, comme le kibbeh basaliyehl de Kfardlekou­s, au nord du pays, préparé avec du boulgour, des oignons caramélisé­s et des pignons. Depuis l’ouverture de Tawlet Beyrouth en 2009, Mouzawak a lancé quatre autres restaurant­s, fournissan­t un emploi et une plateforme à des femmes provenant de tout le pays. « Je veux que chacun sache qu’une femme qui travaille ici – tout comme les femmes du Souk el Tayeb et de Tawlet – a un autre rôle à jouer que celui de femme au foyer », explique Zeinab Harb Kashmar, une des cuisinière­s de Tawlet. L’un des derniers projets de Mouzawak tient moins du programme humanitair­e que de l’utopie épicurienn­e, mais affiche néanmoins un objectif important. Il s’agit de Beit Douma, une auberge installée dans une bâtisse datant du

XIXe siècle, au coeur d’un des villages historique­s les mieux préservés du Liban. Juchée sur une colline à une heure et demie de Beyrouth, l’auberge de Beit Douma propose une cuisine et un décor locaux. « Beit Douma raconte l’ancrage dans un lieu. La couverture de votre lit vient du village de Douma. Le vin que vous buvez vient de la région. Et c’est la mère de la gérante qui a fait le dessert, dit Mouzawak. Cet endroit pourrait être une ambassade pour la région, puisqu’il transmet tout ce qui fait sa fierté. »

Lors de ma visite, j’ai cuisiné avec le chef exécutif de Tawlet, Andrea Bouez, qui veille sur les recettes proposées par des femmes qui travaillen­t au restaurant ou au souk. Par exemple, ces petites tomates recouverte­s de noix grillées et de raisins dorés gorgés de vinaigre, surmontées d’un filet onctueux de mélasse de grenade, ou ce shish taouk disposé sur des galettes de pain qui récupèrent le jus du poulet. Avec l’impression, en plus de déguster des plats savoureux, de m’imprégner de toute une culture.

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 ??  ?? Le propriétai­re Kamal Mouzawak (à droite) a restauré Beit Douma, bâtisse datant du XIXe siècle (ci-dessus), avec le créateur de mode libanais Rabih Kayrouz, qui partage sa vie depuis vingt ans.
Le propriétai­re Kamal Mouzawak (à droite) a restauré Beit Douma, bâtisse datant du XIXe siècle (ci-dessus), avec le créateur de mode libanais Rabih Kayrouz, qui partage sa vie depuis vingt ans.
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 ??  ?? Le journalist­e Andy Baraghani et Kamal Mouzawak au Beit Douma.
Le journalist­e Andy Baraghani et Kamal Mouzawak au Beit Douma.
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