GQ (France)

Votre enfant n’est peutêtre pas un génie (et c’est tant mieux)

Voir son enfant comme un petit surdoué est devenu tendance. Sauf que ce pro il dit « à haut potentiel » ne concerne que 2,3 % de la population. Et recouvre une réalité bien plus compliquée qu’il n’y paraît…

- PAR MATHIEU LE MAUX

LE PÈRE DE JULES, 5 ans, en est persuadé : son ils a « un truc en plus ». Parce qu’il termine son collier de nouilles en 2-2 et a déjà compris comment avancer un pion au jeu de dames, il le croit « surdoué ». Une conviction partagée par de nombreux parents ébaubis par les prouesses de leur enfant, se gargarisan­t de son génie supposé et l’imaginant déjà fréquenter les meilleures écoles, décrocher les meilleurs jobs et vivre la meilleure des vies. « Dès qu’un enfant montre certains talents, il y a cette tendance actuelle à vouloir en faire un surdoué, témoigne Christel Beaurenaut, sophrologu­e et autrice de Zen comme un zèbre (éditions Desclée de Brouwer, janvier 2020). Et il y a clairement un effet de mode, certains parents trouvent que “ça fait bien”. En vérité, la vie n’est pas facile avec et pour ces enfants-là », qui ne représente­nt en réalité que 2,3 % de la population entre 0 et 19 ans.

Bien comprendre de quoi on parle exactement

A in de leur ôter cette connotatio­n petit-génie-qui-va-réinventer-la-roue ne renvoyant qu’au QI et lui conférer sa dimension émotionnel­le et sociale, le langage pédo-psy moderne n’utilise plus les mots « surdoué », « précoce » ou « prodige ». On parle aujourd’hui d’enfant « à haut potentiel ». Et même de « zèbre », terme inventé au début des années 2000 par la psychologu­e française Jeanne SiaudFacch­in en référence au seul équidé jamais apprivoisé par l’homme et dont les rayures soulignent sa particular­ité autant qu’elles lui permettent de se protéger du monde extérieur et de se fondre dans la masse. Une analogie bien plus représenta­tive de la complexité et de la souffrance engendrée par ce pro il psychologi­que. « Un zèbre est un enfant qui a des capacités intellectu­elles supérieure­s, certes, mais qui est en quête de sens et ne vit pas forcément bien cet inné car il a un système de pensée, une hypersensi­bilité, des préoccupat­ions et une approche du monde différents des autres », décrit Christel Beaurenaut. Et à l’inverse d’un enfant « simplement » talentueux étalant ses capacités, lui s’en cache. « Il s’adapte, se camoufle dans le paysage, tel un zèbre. Il est donc dif icile à repérer. »

Détecter les premiers signes

Ils peuvent être perçus dès les premiers mois, grâce aux cinq sens, ici surdévelop­pés. Encore faut-il le savoir… Virginie, 39 ans, se souvient : « Léontine posait les yeux sur le moindre détail, tout le temps, à une vitesse dingue, tout en nous sollicitan­t du regard comme pour nous dire : “Vous avez vu ?” Pareil pour les sons, les goûts, ce qu’elle touchait… On s’est d’abord dit que c’était une

grande curieuse. Mais on s’est vite ravisés car à côté de ce qui peut sembler positif, elle était en “tension” permanente, demandait de l’attention full-time, pleurait dans le cas contraire, dormait mal… » L’expression d’un surrégime qui s’intensi ie après la phase nourrisson. « Ces enfants sont très demandeurs d’apprentiss­ages précoces et ont une forte appétence pour connaître le monde, con irme Christel Beaurenaut. Leurs facultés innées se manifesten­t d’abord souvent dans la joie, mais comme ils se rendent compte très vite qu’ils sont en décalage, ils se sentent très vite incompris, s’isolent et s’ennuient. » De ce décalage naît un mal-être, engendrant de lourdes conséquenc­es dont la plus caractéris­tique est l’échec scolaire, plus particuliè­rement l’apprentiss­age de l’écriture.

Soigner les zébrures

Dès lors, comment aider ces enfants à bien vivre leur différence ? « Il faut potentiali­ser ce qui est bien, éliminer le moins bien et surtout répondre à chaque besoin précis, qu’il soit scolaire, psychologi­que ou moteur, répond Christel Beaurenaut. Et surtout ne pas être avare en activités. » Quel que soit le pro il, passer par un cabinet de sophrologi­e peut apporter « de l’apaisement, du sens, une oreille qui sait se mettre à leur portée et remplit le vide ou le manque de sensation, de compréhens­ion qu’ils peuvent avoir. On n’est pas dans la recherche du pourquoi, mais dans le comment aller mieux. La sophrologi­e est une thérapie brève qui, une fois intégrée, leur donne les clés de leur autonomie ». Et ouvre les portes d’une vie plus douce et sensée.

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