GQ (France)

MASCULINIT­ÉS

Malgré toute sa bonne volonté, l’homme proféminis­te ne peut s’empêcher de jouer les sauveurs. Et si on laissait plutôt aux femmes le soin de mener leur combat ?

- PAR VINCENT COCQUEBERT_ILLUSTRATI­ON KLAUS KREMMERZ

Pourquoi les hommes veulent-ils toujours jouer les sauveurs ?

UUN SIMPLE ÉCHANGE sur les réseaux sociaux peut parfois en dire long sur l’air du temps. Dernier exemple : le 27 novembre 2019. Ce jour-là, un journalist­e, connu pour son engagement « d’homme féministe déconstrui­t, en lutte contre le patriarcat », postait un tweet à destinatio­n de ses confrères d’hormones. A in de compenser les inégalités salariales, il incitait plus que vivement ses congénères à mettre la main à la poche pour inancer des projets féministes (de livres, de documentai­res, etc.) dont les budgets en crowdfundi­ng n’étaient malheureus­ement pas encore bouclés. Une initiative que cet « allié » imaginait manifestem­ent heureuse mais qui lui a valu instantané­ment une violente salve de critiques. Non pas vraiment de la part de masculinis­tes ricanants mais bien de certaines internaute­s féministes qui lui ont alors reproché de cannibalis­er leur lutte. Avant de l’inviter à, réellement, donner corps à son engagement en laissant sa place à des consoeurs plutôt que de surfer sur leur créneau. En creux, lui était reproché de inalement reproduire un vieux réflexe de domination en « mansplanan­t » ses semblables masculins façon posture du coq. Bref, de se positionne­r comme un « man-savior » de la cause. Une contradict­ion qui renvoie à la posture un peu schizophrè­ne de l’homme autoprocla­mé proféminis­te sur laquelle s’est penchée la chercheuse féministe Mélissa Blais. Selon elle, parce qu’il incarne le rôle patriarcal du protecteur contre les antifémini­stes, celui-ci tend à en tirer les béné ices auprès des femmes qui peuvent alors se sentir redevables. En quelque sorte, les proféminis­tes seraient avec les antifémini­stes les faces opposées d’une même pièce. Car les deux, par des voies contraires, l’une frontale, l’autre plus subtile, refusent d’abandonner le rôle de bienfaiteu­r dans une ère de redé inition des lois du genre. C’est précisémen­t ce sur quoi met en garde le penseur Francis Dupuis-Déri dans son « Guide de disempower­ment proféminis­te » dont le premier mantra n’est autre que : « Toujours se rappeler que la lutte féministe est la lutte des femmes, et non la nôtre. » Alors que faire ? Eh bien, accepter avec une distance amusée que les hommes soient pour la première fois sur le strapontin de l’histoire. Et se rassurer en se disant que, puisque la galanterie est désormais passée de mode, au moins, personne ne vous reprochera de vouloir garder cette place.

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