Les confessions entre mecs : théâtre lacrymal ou grand feu de joie ?
Afin de lutter contre leur « masculinité toxique », de plus en plus d’hommes participent à des groupes de parole façon AA. Un drôle de théâtre lacrymal.
EEN SORTAIT FIGHT CLUB. L’adaptation par David Fincher du roman éponyme de Chuck Palahniuk, dans lequel un expert en assurance en pleine crise existentielle renouait avec sa vitalité perdue en créant un club de boxe clandestin où tout un chacun pouvait venir purger ses frustrations le temps d’un combat à mains nues. Si le ilm continue d’exercer vingt ans plus tard une influence souterraine, des anti-Fight Clubs sont en train d’émerger parallèlement.
Plus précisément, des espaces de parole aux faux airs de groupes façon Alcooliques Anonymes, pour non plus échanger des coups mais plutôt pour fendre l’armure entouré de pairs compatissants. L’idée existait déjà pour les hommes coupables de violences conjugales et s’est désormais étendue, dans le sillage de #MeToo, à tous ceux qui souhaitent en inir avec leur « masculinité toxique ». Citons le Brotherhood au Québec, Everyman aux États-Unis, ou encore Réseau Hommes en France. Vie intime, professionnelle ou familiale, tous les sujets où pèse une injonction genrée à la performativité sont déconstruits autour d’une table ou d’un feu de camp, le temps d’une réunion ou d’une retraite. Ça marche ? Pour certains, oui. Il avait beau aligner tous les signes extérieurs de réussite, Ryan, un entrepreneur new-yorkais, se sentait de son propre aveu « vide, seul et effrayé » avant de passer la porte d’Everyman pour se con ier les yeux humides sur son « vécu d’homme ». Un véritable « cross it émotionnel » d’après le créateur d’Everyman, le psy Owen Marcus, rendu possible grâce à une nouvelle génération de garçons bien plus disposés à partager leurs névroses. Ce qu’on en pense ? Tout d’abord que ces groupes, qui se posent comme la version opposée aux grotesques stages de masculinité, reproduisent pourtant cette même dynamique dérangeante de communion victimaire par les hormones. Mais aussi qu’à la différence (normalement) d’un cabinet de psy, dans lequel les hommes devraient plus souvent se rendre, les groupes de parole peuvent devenir un théâtre d’intimité panoptique d’une intense perversité. De fait, selon le neuroscienti ique japonais Hidehiko Takahashi, être observateur de la lose d’autrui serait en effet une vraie source de réjouissance personnelle. Un triste penchant que l’on aurait développé a in de survivre dans la jungle darwinienne en envisageant les faux pas de nos pairs comme autant d’opportunités. Preuve que, même au sein de ces nouveaux clubs, le ight n’en init pas.