La Formule E, version quasi green de la Formule 1.
Lancée en 2014, la Formule Électrique suscite aujourd’hui l’intérêt grandissant des constructeurs et des autorités politiques. À quelques jours du E-Prix de Paris, le samedi 18 avril, GQ vous explique pourquoi.
Là Alejandro Agag, LORSQUE L’ON DEMANDE homme d’affaires espagnol et créateur de la Formule Électrique, s’il n’est pas déçu que l’on parle davantage de son sport par le prisme de l’écologie que par celui de la compétition, il assume totalement : « Sans sustainability, pas de Formule E. Ce sport est le coeur mais aussi l’excuse pour tout le reste. L’important ce sont les énergies renouvelables, la technologie des batteries, la gestion de l’eau et des déchets, les émissions de CO2, la mobilité dans les villes... » Encore fallait-il réussir à passionner les foules, convaincre les constructeurs et appliquer des règles strictes concrétisant cette quête de développement durable. Il suffit d’arpenter, trois jours durant, le coeur et les coursives du Parque O’Higgins, dans le centre-ville de Santiago qui accueillait le 18 janvier l’étape chilienne du championnat du monde de Formule E, pour s’apercevoir que le pari est relevé.
En plus d’être un sport assez équitable sur la piste – les pilotes conduisent quasiment les mêmes voitures (même aérodynamique, mêmes pneus Michelin de 18 pouces, mêmes batteries de 54 Kw/H fabriquées par McLaren, mêmes freins...) – la Formule Électrique génère un comportement responsable de tous les acteurs d’une course. Les moteurs sont électriques, les pilotes rechargent la batterie quand ils freinent : « Sur un tour, 30 à 40% de l’énergie consommée par le pilote viennent de ce qu’il a lui-même régénéré sur les freins, on ne gaspille pas », indique Xavier Mestelan-Pinon, directeur de DS Performance. Aussi, les équipes se déplacent en petit comité (25 personnes), le matériel passe rarement par les usines entre les courses, aucun garage n’est climatisé, chaque personne a sa gourde et des poubelles de tri sont disponibles partout autour du circuit, notamment dans le E-Village accessible gratuitement à des milliers de personnes.
Ne cherchez pas non plus de place de parking, il n’y en a pas : chacun est invité à se déplacer en transport en commun pour venir assister à la course. « Ce sport m’a fait comprendre des choses sur le changement climatique, sur ce que nous pouvons faire pour réduire les émissions de CO2, témoigne le pilote français Jean-Éric Vergne, passé par la Formule 1 (entre 2012 et 2014) et aujourd’hui double champion du monde en titre en Formule E. Bien sûr, ne soyons pas démagos, ce n’est pas en faisant rouler des voitures électriques que l’on va éradiquer les problèmes. Mais ça force les constructeurs à fabriquer des véhicules électriques et ça montre au public qu’ils peuvent en acheter, et que l’on peut même faire des courses avec. » La mode aussi succombe à la tentation Formule E, qui « représente l’avenir de la course automobile, comme l’expression maximale des technologies les plus innovantes au service de la durabilité mondiale et des besoins de mobilité intelligente pour les individus d’aujourd’hui et de demain », confie, un poil formel, Mario Moretti Polegato, président de Geox qui accole son nom à celui de l’écurie Dragon depuis 2018.
« PAS DE GROS TRUCS DIESEL »
Toute l’organisation des courses est gérée par Julia Pallé, senior sustainability consultant de la Formule E. « Il fallait que ce cirque qui voyage dans le monde ait un système de management environnemental, qui s’est ensuite transformé en management durable, confie cette Française de 31 ans, ancienne employée chez Michelin. La première étape fut de nous concentrer sur les émissions de CO2, le tri des déchets, la gestion énergétique. L’année dernière, nous avons mis des fontaines à eau gratuites avec des gourdes réutilisables qui ont permis d’éviter l’utilisation d’environ 200000 bouteilles plastiques de 33 cl. » Une initiative imitée par l’écurie Geox Dragon, dont les membres portent des chaussures en partie composées d’un tissu en polyester recyclé dérivé de bouteilles en plastique usagées. « Tout l’écosystème est concerné, poursuit Julia. Nous chiffrons ensemble les objectifs de l’année. Un auditeur vient ensuite vérifier que nous mettons bien en place les choses, comme la prévention du public proche du circuit, l’interdiction des pailles en plastique dans les commerces... Le prochain contrôle aura d’ailleurs lieu à Paris, pour la course du 18 avril. »
Direction donc la mairie de Paris pour savoir comment la ville organise ce fameux E-Prix. « Nous avons insisté auprès de la Formule E pour l’acheminement du matériel par voies fluviales au port du Gros-Caillou, à deux pas des Invalides, explique Jean-François Martin, adjoint à la mairie de Paris en charge des sports. On évite ainsi 37 semi-remorques. Les transformateurs pour recharger les véhicules électriques sont confectionnés avec la glycérine issue des algues, ce ne sont pas des gros trucs Diesel. » Tout est donc parfait ? Presque. « Cela ne se fait pas sans heurts, reconnaît Jean-François Martin, mais on dialogue. Rachida Dati, maire du 7e arrondissement, a été exigeante autant qu’aidante. Les riverains accèdent chez eux en voiture, le circuit est ouvert la nuit, tout se passe en une journée. » Et les plaques de goudron posées sur les pavés, estce vraiment écolo, comme le faisait remarquer Benjamin Griveaux en avril 2019 ? « Sur l’enrobé, il faut le faire car les pavés sont classés à Paris, rappelle Jean-François Martin. On fait mettre des plaques de goudron sur 400 mètres. Et nous avons demandé à la Formule E qu’elles soient recyclables. C’est le cas. » Qui dit mieux ?