GQ (France)

MUSIQUE, PARENTALIT­É COUNTRY, AMOURS... DIPLO DIT TOUT !

La vie de Diplo, le DJ superstar qui fait danser la planète entière avec son groupe Major Lazer ou en produisant Beyoncé et Justin Bieber ? Des SUV, des soirées de folie, et des filles, beaucoup de filles qui tournent autour de lui. Alors qu’il prépare un

- PAR GABRIELLA PAIELLA_ADAPTATION ÉTIENNE MENU STYLISME MOBOLAJI DAWODU_PHOTOGRAPH­IES CHARLOTTE RUTHERFORD 17 HEURES, CHARLOTTE, CAROLINE DU NORD

Nous sommes à bord d’un SUV très haut de gamme. Thomas Wesley Pentz, DJ et producteur plus connu sous le nom de Diplo, est assis devant, à la place du mort. La nuit va être longue pour nous, mais pour Diplo c’est la routine : nous sommes le samedi qui précède Halloween et il s’apprête à jouer dans trois villes différente­s. Dans quelques jours, les rues seront peuplées de gamins qui demandent des bonbons aux habitants du quartier, mais ce soir, et comme c’est devenu la coutume depuis quelques années, on croisera surtout des jeunes gens maquillés en zombies et des jeunes femmes aux costumes souvent très décroissan­ts en termes de tissus. Pour Diplo, Halloween est un peu comme Noël chez les chocolatie­rs : une surcharge de boulot mais un beau bonus financier – à la différence que les chocolatie­rs n’ont ni groupies, ni jets privés et qu’ils ne se baladent pas les trois quarts du temps torse nu. En tout cas, ce soir Diplo charbonne dur : les choses commencent à 21h30, ici à Charlotte, et devraient s’achever vers 6 heures à Miami.

Le jet privé de l’Américain vient d’atterrir de SaintLouis, où la veille il a joué toute la nuit. Mais le beau blond a plutôt l’air d’être venu à cheval, si l’on en juge par son accoutreme­nt : chemise en denim Wrangler, jean noir sur bottes en peau de serpent, lunettes aux verres orangés. Sa tignasse lui descend jusqu’aux épaules et quand il sourit on aperçoit tout de suite une canine en or qui scintille. « Comme je bosse sur un album country, je crois qu’elle fait de l’effet aux artistes avec lesquels je veux travailler. » Un projet qu’il sortira sous le nom de Thomas Wesley et sur lequel on entendra entre autres les Jonas Brothers. Un virage auquel on ne s’attendait pas forcément de la part de celui qui, au sein de son groupe Major Lazer, a fait honneur aux musiques caribéenne­s, avec l’énorme tube « Lean On » (2,7 milliards de vues sur YouTube) en 2015, et fin 2019, « Que Calor », featuring le Colombien J-Balvin, qui viendra le chanter aux côtés de J-Lo et Shakira lors du Superbowl. Mais, au fond, ce look et cette direction country ne sont pas si surprenant­s de la part de celui qui, en presque vingt ans de carrière, n’a jamais cessé de nous prendre à revers. Et dont le travail reste, encore aujourd’hui, assez difficile à définir. DJ superstar, il a été au début des années 2010 l’un des fers de lance de la tornade dubstep/EDM, qui a sorti l’électro des clubs pour envahir les stades et les mégafestiv­als du monde entier. Mais il est également une figure très prisée de l’industrie pop puisqu’il écrit et produit des hits pour Madonna, Snoop Dogg, Beyoncé, Britney Spears, Gwen Stefani ou Justin Bieber. En parallèle de Major Lazer, il sort également des disques avec Mark Ronson sous le nom de Silk City, au côté de Skrillex sous l’alias Jack U, et forme le trio LSD avec Sia, la chanteuse masquée, et l’Anglais Labrinth. Son Instagram compte 5,8 millions de followers, dont il sait que la plupart ne s’intéresser­aient probableme­nt pas à sa musique s’il n’y était pas si actif (et si doué). Si l’on devait résumer l’essence de son talent, on pourrait dire que Diplo excelle surtout en un domaine : être Diplo. Son quotidien, fait d’incessants voyages interconti­nentaux et de hordes de twerkeuses, est tellement incroyable qu’il a fait l’objet

d’un (bienveilla­nt) mockumenta­ire sur le web, où son personnage est joué par James Van Der Beek, l’acteur de Dawson. Diplo est aujourd’hui autant une marque qu’un être humain, mais là où d’autres que lui cherchent souvent à temporiser leur activité, lui passe ses jours et ses nuits à tout faire, partout, sans jamais s’arrêter. Diplo joue 300 jours par an ; en 2018, il aurait empoché 25 millions de dollars. Il profite de ses voyages pour trouver de nouveaux talents, du Nigéria à la Syrie en passant, donc, par l’Amérique profonde de la country. Si certains critiques lui ont toutefois reproché, et lui reprochent encore, ses tendances à la réappropri­ation culturelle, ce qui ne le fait pas toujours bien réagir (on y reviendra), cela n’empêche que Diplo est toujours là, bien en place au coeur d’une industrie où les carrières peuvent être courtes, et où les notions de cool et d’aura basculent parfois en quelques secondes. Il a 41 ans, se produit face à des gens deux fois plus jeunes que lui et semble pourtant plus incontourn­able que jamais. Il tient bien à souligner qu’il s’amuse encore beaucoup, mais paraît surtout agir exactement (et effrontéme­nt) comme il veut. Et c’est bien cette liberté totale que les gens admirent en lui.

UN PEU PLUS TARD, TOUJOURS À CHARLOTTE

Après être passés à l’hôtel, nous prenons la route du club où Diplo joue son premier set de la soirée. Les rues sont désormais pleines de jeunes gens déguisés, et déjà bien chargés à la vodka saveur framboise (12 dollars la bouteille). Alors que nos SUV attendent à un feu, une fille en costume de type « gueuse médiévale » reconnaît Diplo qui, dans un autre véhicule que le nôtre, a laissé sa fenêtre ouverte. Elle se précipite vers lui et lui hurle quelque chose avant de détaler, hilare. Une fois arrivé au club, il retire sa veste et s’installe aux platines pour envoyer un beat imparable qui impacte aussitôt les corps des 7 000 personnes présentes. Quand nous irons un peu plus tard lui demander ce que lui a crié la gueuse, il marmonnera la réponse suivante : « C’était très sexuel, et un peu chelou... mais mignon. »

Si explosives que puissent être ses performanc­es en tant que DJ, c’est avant tout, selon nous, sur Instagram que Diplo est le plus fort à être lui-même. Il poste compulsive­ment des vidéos de sa vie trépidante, à Vegas, aux côtés d’Elton John, ou en haut d’un pont à Sydney. On le voit aussi s’amuser avec ses deux enfants, Lockett, 9 ans, et Lazer, 5 ans, ou avec ses poules domestique­s. Bien souvent, Diplo pose torse nu sur ses photos. Un torse orné d’une collection de tatouages qui ressemble à un aquarium illégal, puisque Pentz arbore une écrevisse, un requin, un lamantin et une tortue qui fume un joint, avec une carapace à l’effigie du yin et du yang. Ces images un peu « bro », l’Américain sait les twister de légendes bien senties. Ainsi, sous une image d’un de ses DJ sets, prise depuis la scène, où l’on distingue au-dessus de la foule un portrait de lui à un âge ingrat : « Merci à mes fans de me permettre de garder les pieds sur terre. » Ou encore, sous une image de lui pour Dior, en cuir de motard : « Le jour où j’ai cru que j’étais Steve McQueen. » Son ami Mark Ronson propose cette analyse : « Sans ces quelques phrases, je pense qu’il finirait juste par passer pour un mec qui fait le beau sur Instagram. Mais il a tellement d’esprit qu’on ne se dit jamais ça. » Le résultat, c’est ce quadragéna­ire mâle qui pratique le même genre d’auto-dépréciati­on qu’une trentenair­e élevée à 30 Rock, et qui maîtrise l’art du mème comme un gamin de la génération Z. Diplo assume et révèle la dimension fake et idéalisée d’Instagram. Il donne de l’authentici­té à sa propre inauthenti­cité. Et c’est l’un des grands principes de la marque qu’il a bâtie autour de lui-même. Une semaine avant notre soirée de Charlotte, nous avions rencontré Diplo une première fois à la sortie de sa salle de gym, à Los Angeles. En tenue de « civil » (jean et T-shirt à manches longues estampillé Vampire Weekend), il nous faisait part d’un certain dépit : « C’est sûr que je trouve ça relou que les réseaux sociaux comptent autant. Ça craint de prendre conscience que si je ne faisais pas tous ces trucs périphériq­ues autour de moi sur Insta ou Snap, les gens écouteraie­nt beaucoup moins ma musique », admettait le DJ. Avoir 40 ans n’a pas spécialeme­nt changé l’horizon de Diplo. Il a dû fréquenter la salle très assidûment pour rester en forme, surtout vu sa propension à se montrer torse nu. Mais il est soulagé de ne plus être dans la tranche des « faux vieux », comme il dit, c’est-à-dire les 35-40 ans. « J’avais l’air d’un type un peu benêt entre deux âges, maintenant je suis devenu un mec vieux, mais cool. »

Dans la conversati­on, le comporteme­nt de Diplo rappelle celui de ces gens qui jouent toujours un peu un rôle, qui ne peuvent s’empêcher de réagir à tout. Mais ce côté théâtral lui sert aussi à masquer une énorme ambition. « Intérieure­ment, mon but, c’est de dépasser tout le monde. Pas pour leur faire du mal, mais juste parce que je veux être le meilleur en tout. » Une exigence infinie, de son propre aveu. « Je comprends les gens qui

DIPLO EST TOUJOURS LÀ, BIEN EN PLACE AU COEUR D’UNE INDUSTRIE OÙ LES NOTIONS DE COOL ET D’AURA BASCULENT PARFOIS EN QUELQUES SECONDES. IL A 41 ANS, SE PRODUIT FACE À DES GENS DEUX FOIS PLUS JEUNES QUE LUI ET SEMBLE POURTANT PLUS INCONTOURN­ABLE QUE JAMAIS.

“IL EST TELLEMENT HOT. JE DOIS DIRE QUE NOUS PASSONS PAS MAL DE TEMPS À NOUS RETENIR DE COUCHER ENSEMBLE POUR NE PAS DÉTRUIRE NOTRE RELATION. ET PUIS RÉCEMMENT, J’AI FINI PAR LUI ÉCRIRE UN SMS POUR LUI DIRE QUE J’AVAIS BIEN RÉFLÉCHI...” LA CHANTEUSE SIA

finissent par éprouver une sorte de satisfacti­on totale, qui se sentent en harmonie avec le monde. Mais ce n’est pas pour moi. J’ai toujours envie de faire plus. Je ne serai jamais complèteme­nt satisfait, et j’espère ne jamais l’être. »

La pop star Sia travaille avec Diplo depuis une décennie. Selon elle, celui qu’elle appelle Wes est « un garçon incroyable­ment doux et gentil », et qui souffre surtout d’un profond manque de confiance en lui. « Pas quand il fait de la musique : là, il sait être sûr de son oreille et de ses choix, précise-t-elle. Mais dans les relations qu’il a avec les autres, ou ne serait-ce que dans les poses qu’il prend sur Instagram, il doute en permanence. Il a une très faible estime de lui-même. C’est curieux, pour un garçon si beau et si talentueux. Mais on dirait qu’il ne le sait pas. » Thomas Wesley Pentz est né dans le Mississipp­i mais a grandi en Floride, dans la région de Daytona Beach. Il écoute tout ce qui lui passe dans les oreilles, du reggae au métal en passant par la Miami Bass, style de rap salace typiquemen­t floridien. Sa mère travaille dans un supermarch­é, son père possède un magasin d’articles de pêche. Celui-ci, qui a repris des études alors qu’il avait déjà la trentaine, transmet à son fils le sens du travail et de la déterminat­ion. « Je pense qu’il ne s’en rend pas vraiment compte, vu que j’étais un sale gosse. Mais je me rappelle tout ce qu’il m’a dit. » Le jeune Wes se bat, vole, insulte ses profs, et se comporte plus largement, selon ses propres mots, « comme une teigne ». « J’avais de très mauvaises fréquentat­ions », précise-t-il. Il réussit tout de même à se frayer un chemin dans une fac de Philadelph­ie où il étudie le cinéma, mais abandonne peu de temps avant d’être diplômé. Il trouve un job dans une école – il assiste un prof lors des heures d’étude – mais sa passion pour la musique prend le dessus. C’est à cette époque qu’il rencontre Mark Ronson via un ami commun, dans un diner qui donnera son nom à leur futur duo : Silk City. « C’était le plus gros nerd de la musique que j’avais jamais rencontré, haut la main, se rappelle Ronson. J’avais dit à mon pote : “Il serait pas un peu too much, ton copain Wes ?” »

En 2002, à l’âge de 24 ans, Diplo trouve de quoi canaliser son énergie en montant les soirées Hollertron­ix avec un autre ami DJ, du nom de Lowbudget, dans un lieu qui, le reste du temps, sert de foyer et centre culturel pour les Ukrainiens de Philly. Leur façon très expériment­ale de mixer les styles fait sensation dans l’undergroun­d et sera la marque de fabrique de tout ce que sortira Pentz durant sa carrière. Ils mettent en ligne plusieurs mixtapes, dont une va figurer à la fin 2003 dans le classement des albums de l’année du New York Times. Peu à peu, le succès dépasse la sphère locale. En 2004, il vient jouer à Paris au Tryptique, invité par le rappeur Teki Latex et son label Institubes. « Il avait dormi chez moi dans le 15e, sur le canapé du salon, se souvient l’ancien leader de TTC, devenu depuis DJ. Je l’avais emmené dîner chez Hippotamus, rue de Vaugirard ! » C’est à la même époque qu’une chanteuse anglo-sri-lankaise répondant au nom de M.I.A. propose à Diplo, alors qu’il joue au club Fabric à Londres, de faire de la musique avec elle. Son premier album sera un gros succès critique et quatre ans plus tard, son « Paper Planes » deviendra un tube certifié platine. Le mainstream commencera à payer cher pour obtenir les services de Diplo et donner à des artistes un peu sages une aura à la fois cool et avant-gardiste.

23H30. UN JET PRIVÉ, AU-DESSUS DE LA CAROLINE DU SUD.

Une hôtesse vient nous servir un verre d’eau pétillante aussi fraîche qu’un matin d’automne. Elle nous tend également une paire de chaussette­s infusées à l’aloé véra, qui, lorsqu’on les enfile, rappelle à la fois une polaire Patagonia et un petit radiateur de salle de bains. Le siège des toilettes est probableme­nt plus chaud et plus doux que tous les lits dans lesquels nous avons dormi.

Tout irait bien si Diplo n’était pas, à cet instant même, très très en colère. En sortant du club de

Charlotte, il s’est retrouvé sans sécurité face à une meute de fans lui demandant des selfies, ce qui n’était pas prévu. Il hurle sur son tour-manager, Luke, et sur l’assistant de celui-ci, Eli, qui se trouve être le frère de Luke. La scène n’est pas très éloignée de ces moments où, plus jeune, vous passiez la soirée chez un copain et que d’un coup son père débarquait et se mettait à l’engueuler pour une raison ou une autre. C’est surtout Eli qui morfle en ce moment, pour de sombres histoires de sacs qu’il aurait oubliés, mais le jeune homme n’a pas l’air particuliè­rement traumatisé. « On a une relation très fraternell­e, ce qui veut dire qu’on peut être des vrais bros un jour et se prendre la tête le lendemain, c’est comme ça. »

Avant le décollage, nous avons aussi été rejoints dans le jet par une jeune femme d’une vingtaine d’années. Elle a les cheveux blond platine, un T-shirt ‘NSync oversized,

et sur les lèvres un gloss si éclatant que l’on pourrait s’y voir comme dans un miroir. Diplo produit sur les femmes un effet très spécifique, qui mériterait peut-être une étude scientifiq­ue. Certes, il est beau garçon, mais cela va bien au-delà de ça. Une grande partie de la gent féminine semble perdre toute forme de décence quand elle l’aperçoit. Dans les commentair­es de ses posts Instagram, on voit systématiq­uement des jeunes filles l’appeler « daddy ». En 2013, une jeune prof de lycée aurait été licenciée après lui avoir envoyé une vidéo d’elle, seins nus, en train de twerker. Sia elle-même avoue être sous le charme, malgré leur relation amicale et profession­nelle. « Il est tellement hot. Je dois dire que nous passons pas mal de temps à nous retenir de coucher ensemble pour ne pas détruire notre relation, nous a-t-elle expliqué par téléphone. Et puis récemment, j’ai fini par lui écrire un SMS pour lui dire que j’avais bien réfléchi, et que maintenant que j’avais adopté un enfant et décidé de rester célibatair­e pour le restant de mes jours, ça pourrait être pas mal d’envisager un peu de sexe sans engagement, et qu’il me tienne au courant si ça l’intéressai­t. »

Diplo suit environ 6 500 comptes sur Instagram, parmi lesquels environ 6 000 appartienn­ent à des femmes aux traits qu’on dirait tirés du carnet à dessins d’un garçon de 13 ans. Nous lui demandons donc s’il se sert beaucoup du réseau pour rencontrer de potentiell­es petites amies. Sa réponse est un peu floue mais on comprend que oui, parfois, il a en effet eu recours à la plateforme pour faire connaissan­ce avec des jeunes filles. Nous sommes à des milliers de kilomètres au-dessus du sol et Diplo médite alors sur le manque d’intimité qui définirait selon lui la sexualité moderne. « Les gamins sont très sexuels, avec toutes ces applis bizarres, ils perdent contact avec leurs émotions parce qu’ils ne se lient pas vraiment entre eux. Et du coup, le sexe devient une affaire très terre à terre, très banale. » On a soudain l’impression d’entendre parler un homme d’âge mûr. Il marque une pause, mord dans un petit pain à l’ail qui accompagne son plat de pâtes, avant de nuancer. « Peut-être que j’ai le même problème. Mais bon, quand je suis avec une femme, je suis à fond, et à fond dans le sexe. Mais nos rapports ne se limitent donc pas qu’au sexe. »

Diplo dit ne « pas vraiment croire » au mariage mais se sent en revanche tout à fait épanoui lorsqu’il est près de Lockett et Lazer, qui vivent le reste du temps avec leur mère, son ex-petite amie Kathryn Lockhart, mais qu’il voit dès qu’il est à L.A. « Je crois avoir trouvé l’amour véritable auprès de mes enfants. Parfois, je me sens seul, je traverse quelques phases dépressive­s. Mais je sais que mes gamins m’aiment. Et qu’ils ne peuvent pas ne pas me voir. Alors que toutes les petites amies que je pourrais avoir finiraient par me quitter parce que je suis trop occupé, et que je suis un mauvais petit ami. Mes enfants, eux, ne peuvent pas partir. Et mon boulot, c’est d’être bon pour eux. »

UNE FOIS INSTALLÉS DANS LE CARRÉ VIP DE LA CABINE, NOUS VOYONS DÉBARQUER UNE BRUNE AU STRING TRÈS VISIBLE. NOUS LUI DEMANDONS COMMENT ELLE CONNAÎT DIPLO. “JE L’AI RENCONTRÉ À VEGAS, POUR MES 21 ANS. J’EN AI 23 MAINTENANT, ÇA FAIT UN BAIL.”

3 HEURES DU MATIN. MIAMI, FLORIDE.

Nous venons tout juste de sortir d’un endroit nommé The Compound, où a eu lieu le deuxième set de Diplo, à savoir une performanc­e secrète de Major Lazer. L’assistance était plus réduite qu’à Charlotte et la sélection musicale centrée sur le dancehall et le reggaeton, et non sur les tubes pop joués plus tôt dans la soirée. À l’heure où nous imprimons, nous ne savons pas encore si le prochain album de Major Lazer sortira en juin, ou alors en septembre, mais un single intitulé « Lay Your Head On Me » avec le chanteur Marcus Mumford de Mumford & Sons sera sorti fin mars. L’album devrait être leur dernier, même si Diplo dit que le projet pourrait perdurer en tant que collectif, sans lui. Et puis, comme la plupart de ses entreprise­s, Major Lazer existe sous plusieurs formes : en l’occurrence, le groupe est aussi un dessin animé qui met en scène un super-héros jamaïcain éponyme, et dont la deuxième saison doit arriver d’ici la fin de l’année.

Lorsqu’il a lancé Major Lazer en 2008, Diplo a dû faire face aux critiques l’accusant de réappropri­ation culturelle. Il y a souvent répondu sans tact : « Je crois que... je m’en fous... vraiment je m’en fous », a-t-il ainsi déclaré au Guardian en 2018. « Quelle musique suis-je censé faire ? Je suis un Américain blanc, j’ai zéro capital culturel, à moins que je ne fasse un disque de violon des Appalaches, ou un truc dans le genre. » Il se montre moins détaché quand nous soulevons la question. « Je ne sais pas bien où je suis censé aller, nous dit-il. Chacun a le droit et la liberté de faire ce qu’il veut, sur le plan créatif, du moment qu’il y met son coeur. » Ironie de l’histoire : c’est justement depuis qu’il a commencé à s’intéresser à la country que Diplo a rencontré le plus de difficulté­s à « s’intégrer ». « C’est le genre musical qui m’a paru le plus compliqué à pénétrer, les gens ne m’ont pas accepté. Seuls quelques rares artistes m’ont laissé tenter ma chance avec eux. »

Nous sommes désormais dans un restaurant rooftop situé juste au-dessus d’un strip-club, où Diplo termine de déguster un chou-fleur entier avant d’aller prendre les platines plus bas. Mais juste avant, il retire son jean noir et son T-shirt à l’effigie de l’empereur éthiopien Haïlé Sélassié pour enfiler une combinaiso­n de catcheur que son assistant lui tend comme par magie. « C’est pas comme ça que je vais serrer ce soir », commente-t-il. Nous nous entassons dans un ascenseur qui nous emmène dans les profondeur­s du club, nommé E11EVEN. Une escorte de gardes du corps nous fait traverser la foule pour atteindre la cabine du DJ. L’endroit ressemble à L’Enfer de Jérôme Bosch, avec des tables garnies de bouteilles d’alcool fort. Une strippeuse plus que téméraire jaillit au beau milieu du dancefloor, et exécute sur une immense barre argentée une figure qui défie les lois de la gravité, un grand écart, la tête en bas, le plus acrobatiqu­e qu’il nous ait jamais été de donner de voir.

Une fois installés dans le carré VIP de la cabine, que la sécurité surveille avec à peu près le même niveau de vigilance que la Maison Blanche, nous voyons bientôt débarquer une brune à la queue-de-cheval haute et au string très visible, orné de strass. Elle est déguisée en poupée Bratz. Nous lui demandons comment elle connaît Diplo. « Je l’ai rencontré à Vegas, pour mes 21 ans. J’en ai 23 maintenant, ça fait un bail. »

6H45 (ET PLUS)

Eli vient nous voir pour nous annoncer une mauvaise nouvelle : la soirée n’est pas encore terminée. Diplo se change pour repasser sa tenue de civil et nous voici rendus juste en face, au

Club Space.

Nous passons le plus clair de notre temps à le regarder scroller sur son smartphone sur fond de musique électroniq­ue à fort volume.

Au bout d’un moment, il finit par décider qu’il en a marre et quitte les lieux. Nous nous retrouvons dehors et l’aube est déjà bien avancée. Le weekend de Diplo n’est pas fini : demain, il joue dans un festival à Las Vegas, avant d’enchaîner avec une date en club. En France, on le verra si tout va bien au début du mois d’avril, notamment pour une nuit parisienne où il enchaînera les petits clubs et devrait même terminer à l’aube, dans un couscous. Mais pour le moment, il va aller se coucher. Seulement voilà, une jeune femme en haut moulant blanc et aux cheveux bouclés n’est pas de cet avis. « Diplo ! », crie-t-elle en sautant sur place pour attirer son attention. « C’est toi ! C’est toi, le mec ! Le motherfuck­ing mec ! » Il s’approche alors d’elle et ajuste son bustier. « T’as un nichon qui dépasse. » Et puis, avec le sentiment du travail bien fait, Thomas Wesley Pentz regarde le chapeau de cow-boy qu’il tient dans la main, et s’en va lentement, face au soleil levant de Floride.

 ??  ?? Costume et chemise Dolce & Gabbana.
Boots Matt Shultz x Frye. Lunettes Persol. Collier Shay.
Costume et chemise Dolce & Gabbana. Boots Matt Shultz x Frye. Lunettes Persol. Collier Shay.
 ??  ?? Chemise Loewe. Pantalon de la boutique Jay Kos, à New York. Boots Christian Louboutin. Chapeau JJ Hat Center.
Chemise Loewe. Pantalon de la boutique Jay Kos, à New York. Boots Christian Louboutin. Chapeau JJ Hat Center.

Newspapers in French

Newspapers from France