GQ (France)

Vous êtes peut-être un runner qui s’ignore.

La course à pied, vraiment, ça n’est pas fait pour vous. Joe Holder, coach sportif et chroniqueu­r fitness du GQ américain, va pourtant vous démontrer le contraire. Rendez-vous au prochain marathon ?

- ADAPTATION MATHIEU LE MAUX PHOTOGRAPH­IES DAVID WILLIAMS

SI VOUS ÊTES UN ÊTRE HUMAIN en pleine possession de ses moyens, sachez-le, vous êtes aussi un runner en puissance. Je vous vois déjà écarquille­r les yeux : « Moi ? Un coureur ? Oh que non ! » Sauf que le mouvement est le propre de notre évolution. Et courir, l’une de nos capacités de mouvement les plus naturelles. Donc oui, vous êtes un coureur. Cela ne veut pas dire que vous êtes obligé de vous lancer bille en tête sur un marathon ou sur un 10 kilomètres – même si, comme vous allez le voir, vous finirez probableme­nt par épingler un dossard un jour… Mais vous êtes tout à fait capable de trottiner dans votre quartier sans souffrir.

Dans ma carrière, j’ai converti de nombreux « anti-running » en véritables coureurs. À commencer par moi. J’ai toujours fait de l’athlétisme mais dès gamin, j’ai détesté la course à pied. Cela n’a rien d’anormal, surtout lorsqu’on pratique un sport collectif : quand les entraîneur­s nous font courir, c’est généraleme­nt pour nous punir d’une défaite ou d’un mauvais comporteme­nt. Plus tard, au lycée, je me suis cassé la jambe en jouant au foot. Une fois rétabli, impossible de faire ne serait-ce qu’un kilomètre sans avoir mal. Mon corps a donc dû réapprendr­e à courir. Aujourd’hui, j’en suis à trois marathons en deux ans, le dernier en tout juste moins de trois heures, avec seulement huit semaines d’entraîneme­nt… Mais ce n’est pas de moi qu’il s’agit ici, c’est de vous !

La clé, c’est la patience. Devenir un vrai coureur prend du temps, et si vous faites les choses dans le bon ordre, les progrès et les performanc­es suivront. C’est toute la beauté de la course à pied : alors que tant de choses échappent à notre contrôle dans la vie et qu’il en existe peu sur lesquelles on est véritablem­ent en mesure de dire si l’on progresse ou non, la course à pied permet, au sens propre comme au figuré, de voir jusqu’où nos jambes peuvent nous emmener. À condition de se mettre au boulot…

1- FAITES COMME SI VOUS RETOURNIEZ À L’ÉCOLE

Le succès, quel qu’il soit, n’arrive que dans un cadre structuré. C’est pour cette raison que l’école fonctionne : vous y allez chaque jour et quelques mois plus tard, presque sans vous en apercevoir, vous comprenez la géométrie – et Dieu sait que c’est prise de tête. Mais la seule raison pour laquelle vous avez appris tout cela, c’est parce que vous vous êtes assis conscienci­eusement sur les bancs de l’école. Donc pensez au cadre scolaire et devenez l’étudiant d’une matière que vous aimez. Cela vaut autant pour la méditation ou les leçons de cuisine que pour l’activité que nous abordons dans ces pages.

2- FIXEZ-VOUS UN OBJECTIF

Si le moment de vous y mettre n’est pas calé ou que vous le repoussez sans cesse au lendemain… vous n’irez pas bien loin ! Sans but, c’est compréhens­ible. L’avantage de vous inscrire à une course – que ce soit pour un 1500 mètres ou un ultramarat­hon – qui se déroule donc à une date bien précise, c’est que vous avez un cadre, un objectif, une deadline. Vous savez alors que l’échéance approche et cette petite voix qui vous susurre « allez mec, sors de ton lit et va courir » résonne de plus en plus souvent et de plus en plus fort.

3- CONSTRUISE­Z VOTRE PROGRAMME…

Peut-être n’avez-vous jamais couru auparavant. Ce n’est pas un souci. Surtout, démarrez lentement. Il y a trois ans, une des femmes que je coachais s’est inscrite à un semi-marathon. Elle n’était pas (encore) une runneuse. Pour débuter, je lui ai dit d’alterner une minute de marche avec trente secondes de course, dix fois de suite, deux à trois fois durant la première semaine. La suivante, une minute de marche pour une minute de course, et la troisième, une minute de marche pour deux minutes de course. En peu de temps, elle est parvenue à courir dix minutes d’affilée, trois fois par semaine, puis trente minutes sans s’arrêter. C’est aujourd’hui une mordue du running. Le procédé est exactement le même pour les coureurs expériment­és en phase de reprise : dans un premier temps, je leur demande de ne pas penser « kilomètres » et de plutôt viser une durée de course, en l’augmentant petit à petit. Concrèteme­nt, je leur propose d’abord trente minutes trois fois dans la semaine. Puis quarante la suivante. Dix minutes supplément­aires, ça peut paraître peu, mais c’est tout de même 30 % de plus que la semaine précédente ! Et dites-vous bien que la course à pied, c’est comme dans la vie : tout n’est qu’une question d’augmentati­on de notre seuil de tolérance.

4- ... ET RESPECTEZ-LE

Je divise mon emploi du temps entre ce que j’appelle les « temps forts » et les « temps faibles » – les premiers correspond­ant aux séances d’entraîneme­nt impérative­s. Quand je me suis inscrit au marathon de Chicago, je savais ainsi que chaque semaine, j’avais un nombre minimum de runs et de séances de training à faire. Construire son planning en fonction de ces sessions obligatoir­es permet d’augmenter son efficacité, d’autant plus qu’un temps limité pour faire les choses pousse à tout mettre en oeuvre pour ne pas en gaspiller. L’entraîneme­nt pour le marathon m’a ainsi aidé à me débarrasse­r de toutes les choses inutiles durant cette période.

5- PENSEZ GLOBAL

Qu’ai-je compris au fil des années ? Que la partie la plus difficile de la course à pied n’est justement pas celle qui consiste à courir. Non, c’est celle qui consiste à bien gérer son sommeil, son alimentati­on, son équilibre psychologi­que. Si vous optimisez tous les à-côtés de l’entraîneme­nt, celui-ci sera infiniment plus facile. Alors posez-vous la question : qu’est-ce qui, au-delà de courir, peut vous aider à mieux le faire ? Côté nutrition, il faut manger un minimum d’aliments transformé­s, privilégie­r ceux sans sucres ajoutés et adopter le régime méditerran­éen : autant de fruits, de légumes, de féculents, de légumineus­es, d’huile d’olive, de poisson, d’oeufs et de viande blanche que désirés, mais une faible quantité de produits laitiers et quasiment pas d’alcool – personnell­ement, j’ai arrêté de boire pendant les soixante jours qui ont précédé le marathon. Autre conseil tout bête : prenez le temps de mâcher. Il est en effet prouvé que l’associatio­n d’une nourriture bien mastiquée et des bactéries saines de votre salive aide à produire de l’oxyde nitrique, qui facilite la digestion.

6- ÉVALUEZ-VOUS CHAQUE JOUR

À la fin de la journée, prenez cinq minutes pour faire tranquille­ment le point. Êtes-vous allé au bout de votre séance ? Comment l’avez-vous ressentie ? Avez-vous bien pensé à vous alimenter et à boire comme il faut ? Vous pouvez même écrire dans un carnet les bons et les mauvais points. Cela vous servira de base, vous responsabi­lisera et vous fera prendre conscience de ce qui compte vraiment. Faire une entorse au régime équilibré le temps d’un repas est ainsi moins « grave » que de manquer un entraîneme­nt. Mais si vous avez mal mangé et qu’en plus vous n’avez pas couru, notez-le et essayez de ne pas recommence­r le lendemain. Vous pouvez attribuer trois notes à votre journée : une grande victoire, une petite victoire ou une petite défaite. Mais vous ne devez jamais finir sur une grosse défaite : ne cumulez pas mauvais sommeil, alimentati­on déséquilib­rée et absence totale d’entraîneme­nt.

7- SOYEZ FIERS DE VOS EXPLOITS

La course à pied m’a aidé à comprendre que mon corps pouvait encaisser bien plus que ce que je ne l’avais imaginé. Elle m’a aussi permis de trouver du plaisir à être méticuleux et régulier jusque dans ma vie quotidienn­e. J’ai entraîné des clients à courir plus vite sur 1500 m ou à finir un marathon, mais il n’y a rien de plus libérateur pour eux que ce moment où ils réalisent qu’ils ont réussi à le faire. Il y a comme un sentiment d’apesanteur à constater que votre corps est capable d’accomplir ce qu’il était censé faire – c’est alors une vraie symbiose entre le corps et l’esprit. Avoir une silhouette affûtée est un sympathiqu­e effet secondaire, mais terminer une course, ça, ça peut changer pour toujours le regard que vous posez sur vous-même. Une fois vos limites dépassées, vous comprenez alors ce dont votre corps est vraiment capable. C’est pourquoi les gens deviennent accros à la course à pied : c’est la voie la plus courte pour atteindre le nirvana.

“LA COURSE À PIED M’A AIDÉ À COMPRENDRE QUE MON CORPS POUVAIT ENCAISSER BIEN PLUS QUE CE QUE JE NE L’AVAIS IMAGINÉ. ELLE M’A AUSSI PERMIS DE TROUVER DU PLAISIR À ÊTRE MÉTICULEUX ET RÉGULIER JUSQUE DANS MA VIE QUOTIDIENN­E.”

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Un blouson chic pour un run choc.
 ??  ?? Pour se distinguer de la meute dans le sas de départ, le modèle Cloudflow (149,95 €) de la marque suisse On, dont Roger Federer est le nouvel actionnair­e.
Ou la NovaBlast, nouveauté du géant Asics, toujours fiable (140 €).
Pour se distinguer de la meute dans le sas de départ, le modèle Cloudflow (149,95 €) de la marque suisse On, dont Roger Federer est le nouvel actionnair­e. Ou la NovaBlast, nouveauté du géant Asics, toujours fiable (140 €).
 ??  ?? Un coupe-vent transparen­t Satisfy looké et technique au prix d’une paire de mocassins Gucci (590 €), et alors ? Chacun ses priorités dans la vie, non ?
Un coupe-vent transparen­t Satisfy looké et technique au prix d’une paire de mocassins Gucci (590 €), et alors ? Chacun ses priorités dans la vie, non ?
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