Des vins (et des fromages) british qui font pop.
Depuis dix ans, la viticulture britannique est en pleine effervescence et bouscule nos habitudes avec ses vins pétillants. Une conséquence du réchauffement climatique qui, pour une fois, nous réjouit.
SITUÉES QUASIMENT SUR LES MÊMES LATITUDES QUE LA CHAMPAGNE, les zones viticoles de Grande-Bretagne – principalement au sud de l’Angleterre (dans le Hampshire, le Sussex et le Kent), mais aussi dans le Yorkshire, aux alentours de Newcastle et au Pays de Galles – ne jouissent pourtant pas des meilleures conditions climatiques pour la culture de la vigne. Avec des étés doux et humides, des gelées fréquentes au printemps et des hivers dignes de Game of Thrones, les raisins ont bien du mal à arriver à maturité. Les vendanges sont très tardives (fin octobre-début novembre) et on y en expérimente des vins effervescents plus faciles à élaborer que les gros rouges qui tachent. Depuis peu, le réchauffement climatique fait de la perfide Albion une terre de plus en plus accueillante pour le travail du vin – et ça risque de durer. Ainsi, le dernier décompte officiel opéré par le syndicat britannique des producteurs de vin (le Wine
Standards Board) recense plus de 450 exploitations viticoles uniquement en Angleterre, soit une augmentation de 12 % en dix ans.
En 2015, la première cuvée de vin écossais, produite dans le Fife, une région côtière de l’est du pays, a été décrite comme « imbuvable » par la plupart de ceux qui ont pu y goûter. S’il est fort tentant de se lancer dans du Brit-bashing, il nous semble impossible, à GQ, de goûter ces quilles sur les mêmes standards que nos bons vieux vins hexagonaux. Du coup, notre séance de dégustation nous a plutôt conquis. Car les vins anglais ont réellement de quoi surprendre. Plus légers, plus fous, ils sont à l’image de tout ce que l’on aime au Royaume-Uni : rock’n’roll. Ce tempérament s’exprime notamment par une grande diversité de « pet’ nat » (le petit nom des vins pétillants naturels) réalisés selon une méthode ancestrale de vinification, sans aucun intrant ni sulfite ajouté. La fermentation alcoolique est stoppée en cours de route en abaissant la température de la cuve, puis le vin est embouteillé et sommeille jusqu’au printemps. Lorsque la température se décide enfin à remonter, les bouteilles se réchauffent et relancent naturellement la fermentation. Les levures mangent alors le reste de sucre présent dans les bouteilles et dégagent du gaz carbonique, donc des bulles. Résultat : des vins extrêmement légers, très joyeux et parés de robes splendides, des vins qui rappellent à la fois le cidre et nos vins bourrus, bref, des vins à ne pas boire avec vos papis fans d’excellents bordeaux. Plus classiques, mais non moins intéressants, certains pétillants regardent même désormais nos bons vieux champagnes dans les yeux. On pense bien sûr au domaine Hambledon, doyen des vignobles anglais qui partage avec le champagne Leclerc Briant les services du Français Hervé Jestin, grand manitou de la biodynamie. Comme quoi, Brexit ou pas, temps qu’il y aura du vin, il y aura du lien…