GQ (France)

AURÉLIEN GUICHARD, NEZ SOUS UNE BONNE ÉTOILE

- PAR MATHIEU LE MAUX PHOTOGRAPH­IE FRANÇOIS CHAPERON

Septième génération d’une famille de parfumeurs de Grasse, Aurélien Guichard, 43 ans, a créé des fragrances pour les plus belles maisons et possède désormais la sienne, Matière première.

JJADIS EMBLÈME DE LA PUISSANCE profession­nelle, le costume-cravate, apanage du Mad Men à l’haleine tourbée comme du concession­naire automobile, est aujourd’hui en état de mort clinique. Depuis 2011, les ventes de ce vêtement popularisé au XIXe siècle par Édouard VII ont chuté de 58 % en France. Mais dans quelle tenue doit-on désormais se rendre au bureau pour avoir l’air à peu près crédible ? Ainsi, le hoodie semble être le parfait vêtement substituti­f d’une galaxie profession­nelle en pleine mutation. Pour celui qui télé-travaille, il igure cette douce alternativ­e au pyjama, conférant le sentiment de se vêtir pour démarrer la journée sans pour autant faire la moindre concession sur le confort molletonné. Au royaume du flex of ice, il permet au concepteur-rédacteur de bosser tranquille­ment allongé, laptop sur les genoux. Vieux de plusieurs millénaire­s, habillant les moines médiévaux, ce sweat à capuche a été introduit dans sa forme actuelle – avec poche et cordons – par la marque Champion en 1930. Initialeme­nt destiné aux sportifs poireautan­t sur le banc de touche, il a ensuite été adopté par les ouvriers, puis par les danseurs hip-hop et les skateurs. Offrant, en plus d’une grande liberté de mouvement, la possibilit­é de cacher son visage, le hoodie a dès lors été associé à une forme de transgress­ion. Mark Zuckerberg ne s’y est pas trompé lorsque, à l’occasion d’une tournée auprès d’investisse­urs, il déclencha le « hoodie gate » en s’af ichant avec un pull à capuche. Cet acte vestimenta­ire raffermiss­ait l’aura cool d’un réseau social qui ne l’est pas tant que ça, et donnait le sentiment que son concepteur inventait un monde à base de management décontract­é et d’horizontal­isation du pouvoir, loin des codes compassés de l’affairisme ancien. Le patron accédait alors au statut profane de boy next door, planquant un appétit de conquête inaltéré dans une sorte de cheval de Troie à capuche. Aujourd’hui, pour l’employé moyen, le fait que Mark Zuckeberg s’af iche de plus en plus souvent en costume-cravate est une raison supplément­aire de se dire que le hoodie, débarrassé de cette embarrassa­nte OPA patronale, est dé initivemen­t la bonne option.

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