CHRONIQUE
L’homme d’intérieur est-il notre avenir ?
RRAPPELEZ-VOUS. Dans les années 1980 et jusqu’à la in des années 1990, il n’y en avait que pour lui : l’aventurier. De l’archéologue sexy Indiana Jones (Harrison Ford) à l’aviateur blasé d’À la recherche du diamant vert (Michael Douglas), cet archétype tout terrain donnait le « la » d’une masculinité à la fois indomptable et ironique mais surtout prête à en découdre avec un environnement hostile. Cet extérieur devenu vraiment trop anxiogène après le 11-Septembre, ce sont les super-héros qui ont repris la main, surlignant par l’absence d’identi ication possible pour le spectateur que nous étions précisément entrés dans une ère post-héroïque. Depuis, on peut observer que le masculin tente de se réinventer à travers différentes postures ayant pour point commun – du tech-boy au néo-sportif « Go muscu’ » jusqu’au youtubeur – d’évoluer en espace clos. Un phénomène de masse puisque même lorsque nous ne sommes pas expressément mis en quarantaine forcée, nous passons désormais en moyenne 90% de notre temps en intérieur (temps que nous sous-estimons à 60%). Cet art du con inement a d’abord été théorisé dans une version décadente-chic par feu Hugh Hefner, faisant du patron de Playboy le pionnier de cette nouvelle occupation masculine de l’espace domestique. Une posture hédoniste construit contre le modèle traditionnel (mariage, éducation, sexualité reproductive, etc.), sans doute séduisante, mais gravement anachronique en ces temps de réorganisation de la charge mentale. Ce qui tombe plutôt bien car, à écouter les célébrités masculines qui revendiquent haut et fort ce nouveau statut (de Mathieu Kassovitz à... Patrick Fiori), notre salut collectif viendrait précisément de cette capacité à réenchanter par-delà le prisme du genre notre avenir indoor. A in de le vivre non pas comme un enfermement existentiel mais plutôt comme une nouvelle aventure intérieure. Soit exactement la voie que nous invite à explorer l’une nos pop-star hexagonales les plus avant-gardistes, Sébastien Tellier, dans son dernier album sorti in avril, joliment baptisé Domesticated, à la gloire de sa nouvelle identité, celle d’un « homme qui assiste au ballet domestique avec délectation ». Une « révolution de salon » dont on peut avec optimisme présager l’influence positive sur les inégalités au sein du foyer. Avant que ne se produise l’effet bi idus actif. Car ce qui se passe à l’intérieur se voit inévitablement à l’extérieur.