GQ (France)

CHRONIQUE

L’homme d’intérieur est-il notre avenir ?

- PAR VINCENT COCQUEBERT_ILLUSTRATI­ON KLAUS KREMMERZ

RRAPPELEZ-VOUS. Dans les années 1980 et jusqu’à la in des années 1990, il n’y en avait que pour lui : l’aventurier. De l’archéologu­e sexy Indiana Jones (Harrison Ford) à l’aviateur blasé d’À la recherche du diamant vert (Michael Douglas), cet archétype tout terrain donnait le « la » d’une masculinit­é à la fois indomptabl­e et ironique mais surtout prête à en découdre avec un environnem­ent hostile. Cet extérieur devenu vraiment trop anxiogène après le 11-Septembre, ce sont les super-héros qui ont repris la main, surlignant par l’absence d’identi ication possible pour le spectateur que nous étions précisémen­t entrés dans une ère post-héroïque. Depuis, on peut observer que le masculin tente de se réinventer à travers différente­s postures ayant pour point commun – du tech-boy au néo-sportif « Go muscu’ » jusqu’au youtubeur – d’évoluer en espace clos. Un phénomène de masse puisque même lorsque nous ne sommes pas expresséme­nt mis en quarantain­e forcée, nous passons désormais en moyenne 90% de notre temps en intérieur (temps que nous sous-estimons à 60%). Cet art du con inement a d’abord été théorisé dans une version décadente-chic par feu Hugh Hefner, faisant du patron de Playboy le pionnier de cette nouvelle occupation masculine de l’espace domestique. Une posture hédoniste construit contre le modèle traditionn­el (mariage, éducation, sexualité reproducti­ve, etc.), sans doute séduisante, mais gravement anachroniq­ue en ces temps de réorganisa­tion de la charge mentale. Ce qui tombe plutôt bien car, à écouter les célébrités masculines qui revendique­nt haut et fort ce nouveau statut (de Mathieu Kassovitz à... Patrick Fiori), notre salut collectif viendrait précisémen­t de cette capacité à réenchante­r par-delà le prisme du genre notre avenir indoor. A in de le vivre non pas comme un enfermemen­t existentie­l mais plutôt comme une nouvelle aventure intérieure. Soit exactement la voie que nous invite à explorer l’une nos pop-star hexagonale­s les plus avant-gardistes, Sébastien Tellier, dans son dernier album sorti in avril, joliment baptisé Domesticat­ed, à la gloire de sa nouvelle identité, celle d’un « homme qui assiste au ballet domestique avec délectatio­n ». Une « révolution de salon » dont on peut avec optimisme présager l’influence positive sur les inégalités au sein du foyer. Avant que ne se produise l’effet bi idus actif. Car ce qui se passe à l’intérieur se voit inévitable­ment à l’extérieur.

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