GQ (France)

LA PASSION SECRÈTE DE...

Nikos Aliagas.

-

L’animateur de télévision et photograph­e franco-grec est un « hululophil­iste compulsif », collection­neur fasciné par la sérénité que ces animaux dégagent.

JE SUIS INCAPABLE DE VOUS DIRE depuis quand je collection­ne des chouettes et des hiboux, mais je me souviens qu’à l’école, j’en dessinais déjà sur mes cahiers. Peut-être ai-je été influencé par les livres de classe grecs qui représenta­ient, en bas à gauche du livre, le symbole d’une chouette. Une image qui est restée imprimée dans ma tête. Toujours est-il que les chouettes font partie de mon quotidien depuis toujours : en dessin, en petites sculptures de toutes les tailles et de tous les genres, en bois, en pierre, en cristal, en résine, en plastique, en argent, en bronze, en étain, en granit, en plume, en porcelaine, en argile, en quartz, etc. Je pourrais continuer longtemps cette énumératio­n tellement je suis lié à ce petit oiseau nyctalope aussi mystérieux qu’attachant, j’en ai partout sur des étagères, dans mon salon, dans ma chambre à coucher, dans mon bureau, sur mes clefs, partout. Et évidemment, j’ai initié à mes enfants ma passion pour ces petits rapaces, des jouets, des pyjamas, des livres et des peluches les accompagne­nt aussi. J’ai même appris à faire le cri de la chouette à ma ille quand elle avait trois ans ! Mon grand-père disait que le hululement de la chouette était un message venu de l’autre monde, que c’étaient nos défunts qui faisaient entendre leur voix à travers l’animal et qu’ils venaient nous saluer. La réalité dépasse le mythe chez nous : lorsque j’arrive dans la petite maison familiale de Stamna et que je m’assois, au crépuscule, sous l’olivier plusieurs fois centenaire de mon jardin, je l’attends comme un signal, comme une connexion jamais rompue. Évidemment, ma femme se moque un peu de moi, même si elle est la première à m’apporter une igurine de chouette ou de hibou quand elle rentre de voyage. Dans l’Antiquité, cet animal était lié à la déesse de la sagesse et de l’apprentiss­age Athéna (Minerve en latin), elle fut tellement impression­née par ses grands yeux qu’elle lui a permis de se poser sur son épaule. Depuis, elle représente la clairvoyan­ce car elle peut voir dans la nuit, et, de façon allégoriqu­e, elle voit ce qui est caché. Dans certaines croyances amérindien­nes, c’est la chouette qui accompagne l’esprit de celui qui vient de partir dans l’autre monde, libérant les âmes du monde charnel dans le royaume de l’esprit. J’aime ces symboles, j’aime la beauté de cet oiseau, son étrange austérité et sa sérénité contre toute épreuve. Ma plus belle acquisitio­n, je n’ai jamais pu la toucher, j’ai croisé son regard par hasard, un été en Grèce. La chouette s’est posée en plein jour sur un vieux toit en tuiles en face de notre maison et elle m’a observé pendant une bonne dizaine de minutes. Un regard qui ne m’a jamais quitté. »

Newspapers in French

Newspapers from France