GQ (France)

LA CHRONOLOGI­E

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23 DÉCEMBRE 1970.

Busy Work Shop à Tokyo, ce qui lui permet de continuer à limiter les quantités produites (la légende parle de 10 % de la demande) et d’imposer certaines conditions de vente. Cette stratégie d’exclusivit­é digne du luxe lui permet de vendre ses vêtements, mais aussi des produits dérivés (du tapis au rouleau de scotch ou de papier toilette) à des prix eux aussi exclusifs. BAPE ne cesse de grandir et devient un « lifestyle » en se diversifia­nt avec l’ouverture d’un café, d’une galerie et même d’un salon de coiffure où le motif camouflage propre à la marque est partout, comme un monogramme.

Un article du New York Times du 5 septembre 1999 intitulé « Scarcity makes the heart grow fonder » (La rareté rend le coeur plus affectueux, ndlr) parle déjà de la « street credibilit­y » de BAPE et d’un attrait hors du Japon même s’il est presque impossible de se procurer la marque. Mais il faudra attendre 2002 et une rencontre déterminan­te pour que BAPE se fasse vraiment connaître dans le monde. Cette année-là, le bijoutier newyorkais Jacob « the Jeweler » Arabo présente à Pharrell Williams un mystérieux Japonais presque plus bling que les rappeurs américains qui lui commande les mêmes bijoux que lui. Naîtra une grande histoire d’amitié qui se concrétise­ra rapidement par une collaborat­ion autour du lancement des marques Billionair­e Boys Club et Ice Cream, en 2005.

Producteur star de l’époque avec les Neptunes, Pharrell Williams fait connaître Nigo et sa marque à toute la scène hip-hop US (il lui propose même un caméo dans le clip de « Frontin’ ») dont il influence profondéme­nt l’esthétique. BAPE s’est d’ailleurs retrouvée au centre d’un clash entre Lil Wayne et Pharrell pour savoir qui avait rendu la marque cool aux États-Unis (la chanson « Mr. Me Too » du groupe Clipse en featuring avec Pharrell serait une réponse aux allégation­s de Lil Wayne dans une interview de 2006). En 2007, Soulja Boy explose grâce au tube « Crank That » et cimente la notoriété de la marque auprès du public US en portant et en faisant référence à la marque, qui possède une boutique à New York depuis fin 2004. Avant d’exploser dans le rap, Kid Cudi y travaille et fait la rencontre de Kanye West, venu faire du shopping. Avant, c’était Nigo et ses adeptes japonais qui cherchaien­t à s’habiller comme les rappeurs américains. À partir du milieu des années 2000, l’inverse se produit et le groupe de rap fondé par Nigo, les Teriyaki Boyz, rencontre un certain succès en signant la bande-son de Fast & Furious : Tokyo Drift. i Nigo a revendu ses parts au groupe hongkongai­s I.T à cause de difficulté­s financière­s et quitté BAPE en 2013, il est loin d’abandonner la mode : après avoir lancé Human Made, une nouvelle marque inspirée du vintage américain en 2010, il devient directeur artistique d’UT, la ligne de T-shirts imprimés du géant Uniqlo, en 2014, et commence à collaborer avec Adidas la même année. Que ce soit avec Uniqlo, Adidas ou Human Made, il multiplie les collaborat­ions, une pratique initiée dès les premières années de BAPE, notamment avec les graffiti artists Futura 2000, Stash et Kaws. Hyper convoitée, la collection UT de ce dernier a d’ailleurs déclenché de véritables scènes d’émeutes lors de sa sortie en Chine en juin 2019, tandis qu’un de ses tableaux commission­nés par Nigo se vend 14,7 millions de dollars aux enchères quelques mois plus tard. La collection LV2 arrive trois ans après l’énorme succès de la collaborat­ion entre le malletier et le label de skate Supreme : une rencontre de deux mondes paraissant jusqu’alors opposés, qui sera suivie en 2018 par la nomination tout aussi significat­ive de Virgil Abloh, proche de Kanye West et fondateur de la marque Off-White, chez Louis Vuitton. Comme nous l’a confié Hiroshi Fujiwara cette année-là : « Seules les marques qui peuvent comprendre à la fois le cool de la rue et l’élégance du luxe peuvent briller aujourd’hui. Le pont qui peut connecter ces deux mondes est essentiel dans cette industrie en ce moment. » Collection­neur et client, Nigo avait déjà collaboré avec Louis Vuitton et Pharrell en 2004 pour une paire de solaire aujourd’hui culte (lire encadré page de droite), et il se souvient avoir présenté Virgil Abloh à Michael Burke (l’actuel PDG de Louis Vuitton) quand il dirigeait Fendi. Et devinez comment Kanye West et Virgil Abloh ont fait leurs premiers pas dans la mode ? En faisant un stage chez Fendi en 2009. La boucle est bouclée.

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