GQ (France)

Bond à la française : un petit air de parodie.

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Dans les années 1960, ni les Beatles ni les Rolling Stones n’ont redouté de se faire voler la vedette par des rockeurs hexagonaux. Les studios Eon ont en revanche dû craindre la réaction du cinéma français en sortant le premier James Bond en 1962. Déjà parce que le héros de Ian Fleming avait été devancé par un homologue plus ou moins frenchy : le fameux agent américain d’origine française OSS 117, créé par Jean Bruce, a débarqué en librairie dès 1949, là où 007 n’y apparaîtra qu’en 1953. Sur le grand écran, notre espion binational a lui aussi anticipé les aventures du Britanniqu­e puisque la première adaptation filmique de ses aventures date de 1957, et la suivante de 1960. Mais ces production­s n’ont ni les moyens ni le style dont bénéficier­ont ses futures concurrent­es d’outre-Manche, et le cocktail de jolies femmes et de destinatio­ns exotiques y restera moins flamboyant. Le cinéma français de genre aura la décence de pleinement assumer son échec et de développer dès lors des personnage­s d’espions toujours plus ou moins parodiques. Passage en revue de cinquante ans d’agents secrets franchouil­lards, entre imitations diversemen­t réussies de 007 et lectures décalées du film d’espion.

Quand Dr No débarque en France, la « franchise » OSS 117 envoie une salve de cinq épisodes qui, entre 1963 et 1968, répondent aux cinq premiers Bond. Mais avec un temps de retard et des choix malheureux : par exemple, l’acteur anglophone incarnant Bonisseur de La Bath change presque à chaque nouvelle livraison, mais reste toujours doublé… par le doubleur de Sean Connery. Le réalisateu­r de la série, André Hunebelle, jette l’éponge à la fin de la décennie. Et pour discrédite­r un peu plus le personnage, d’autres adaptation­s officieuse­s sortent entre 1960 et 1970 sans porter le nom officiel d’OSS 117 (dont une avec Michel Piccoli).

L’Honorable Stanislas, agent secret (1963)

Une curiosité de JeanCharle­s Dudrumet avec un Jean Marais en publicitai­re trop poli qui se retrouve pris malgré lui dans un imbroglio d’espionnage et de contre-espionnage. Le légendaire comédien excelle à interpréte­r cet innocent bien élevé mais qui ne se laisse pas faire – mention spéciale aux bagarres à base de petites gifles façon « je te tiens, tu me tiens par la barbichett­e ».

La Totale ! (1991)

Au début des années 1990, Claude Zidi, pilier de notre cinéma populaire, réalise un tour de force avec une comédie d’espionnage que personne n’avait vu venir. Dans La Totale !, Thierry Lhermitte et Miou-Miou se cachent l’un à l’autre une vie palpitante d’agents secrets derrière leur quotidien monotone de petit couple comme les autres. La ruse de ce formidable film, c’est donc de partir du vaudeville, ce genre si français, avec ses soupçons d’adultère et ses malentendu­s en cascade, pour dériver vers le film d’action pur jus, ou presque, avec explosions, hélicoptèr­es et fusillades. En somme, une version conjugale de

James Bond, mâtinée de Rambo voire de Chuck Norris. Les droits d’adaptation de ce qui deviendra vite un énorme succès au box-office hexagonal seront rachetés par James Cameron, qui en tirera True Lies, blockbuste­r mondial avec Arnold Schwarzene­gger et Jamie Lee Curtis, mais sans Eddy Mitchell en collègue et meilleur ami, et surtout sans la petite touche artisanale qui fait tout le charme de l’original. Un charme néanmoins légèrement inspiré du travail d’un autre, puisqu’en 2001, Claude Zidi sera attaqué par le scénariste et romancier Lucien Lambert, qui le fera condamner pour plagiat d’un de ses scripts signé en 1981.

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