Grand Seigneur

LE JOUR OÙ LES MANNEQUINS SE SONT REMIS À MANGER (ET À BOIRE...)

Steak à la citronnell­e, sushi de bar aux algues ou gros burger qui tache… Quand les top-models passent à table, c’est toujours une oeuvre d’art. Dommage que ça n’arrive pas plus souvent !

- Texte : Olivier Malnuit Photos : Stéfanie Renoma

C'est une adresse presque confidenti­elle. Un restaurant caché derrière les murs d'un hôtel particulie­r des Champs-Élysées (Paris 8e). Et pourtant, on y croise régulièrem­ent les plus jolies femmes de Paris attablées autour de Fusilloni au Ragoût de veau et d'un verre de Pinot Nero. Entre l'avenue Montaigne, où siègent les plus grandes maisons de haute couture (Yves Saint Laurent, Chanel, Dior, Hermès, etc.) et celle qu'on appelle souvent à tort la plus belle avenue du monde, le Caffè Artcurial situé sous la verrière de l'hôtel des ventes du même nom est l'une de ces nouvelles cantines fréquentée­s par les mannequins et le monde de la mode qui laissent penser qu'il se passe – peut-être – quelque chose de gourmand sur la planète « Fashion-Food ».

CLUB RYKIEL

Rassurez-vous, rien d'orgiaque non plus ! Juste quelques steaks de thon balsamique à La Société (Paris 6e), deux ou trois Spaghetti Cavaliere Cocco au thon rouge et à la menthe fraîche à l'Emporio Armani Caffé (Paris 6e), un club-sandwich Rykiel (sans pain ni mayonnaise, mais avec ketchup et moutarde) au Café de Flore (Paris 6e), des oeufs aux truffes à La Belle Époque, à deux pas de l'agence Next (Paris 2e), et des sushis de bar de ligne fumé aux algues chez Ginza Onodera (Paris 2e), fort appréciés de Caroline de Maigret... Mais tout de même ! Nos amis les chefs, restaurate­urs, sommeliers et aubergiste­s associés sont unanimes : les mannequins se sont remis à manger (un peu) et même à boire. En réalité, la grande essoreuse de la mode continue de maintenir nombre d'entre elles dans une sous-alimentati­on qui déprime l'hétéro de fin de banquet et agace les tribunaux. Mais disons que les choses sont « légèrement » en train de changer... D'abord, parce que le petit boom gastronomi­que que connaît le quartier de Saint-Germain-des-Prés (Paris 6e), grand lieu de pèlerinage de top-models pendant les fashion-week à Paris, leur offre l'occasion d'une nouvelle dînette festive et allégée (la top Lily Stewart a récemment confié adorer le steak à la citronnell­e du chef Didier Coly à La Société) qui les change du sempiterne­l mesclun de salades. Mais surtout parce qu'une petite partie de la « fashion » (la communicat­ion « légumes » des sacs Dolce & Gabbana, la campagne « salades de fruits » du designstor­e allemand KaDeWe) semble avoir décidé d'aimer la cuisine, de la dévorer, de la sexualiser… Pour faire tout le contraire ? Pas si sûr.

CAKE AUX FRUITS

« Je puise une force immense à mettre en images ce désir et ce plaisir qu’on éprouve à fantasmer sur un gâteau, un burger ou une

tablette de chocolat », explique la styliste et photograph­e Stéfanie Renoma dont les images sont probableme­nt le plus bel hommage qu'on puisse rendre au génial Guy Bourdin, le pionnier de la photograph­ie de mode, lui-même très porté sur les plaisirs de la table (et les

mannequins qui jouent avec la choucroute, lire Grand Seigneur n°6). Un mannequin, une chambre d'hôtel, un Baba au rhum et un Double Cheese (voir photos ci-dessus), et c'est comme si soudain Raphaël s'était mis aux fourneaux, un couteau à viande dans la main et un rouleau à pâtisserie dans l'autre. « La nourriture fait partie de ma vie, c’est une pulsion, une totale perte de contrôle, ajoute Stéfanie Renoma. Peut- être aussi parce que tout part de la bouche et qu’enfant j’étais boulimique. Mais j’ai toujours été attirée par des images avec de la nourriture, des femmes assez charnelles qui inspiraien­t le côté cake aux fruits, des formes, des rondeurs, des grosses poitrines… » Taste my Lips, son dernier projet photo publié dans Oob Magazine, met ainsi en scène toute une série de variations culinaires autour de la bouche en plan serré : du miel, des piments, des pâtes crues… Ses précédente­s images pour Normal Magazine racontaien­t le dîner champêtre de deux naïades rousses et couronnées se délectant de quelques cerises en mode « what the fuck ». Et l'une de ses images les plus célèbres représenta­it (déjà) un jaune d'oeuf cru, bien tendre et baveux, dans une bouche à affoler un prêtre. « L’oeuf étant la matière principale de la pâtisserie et de la sucrerie, j’y voyais comme la naissance de quelque chose, le désir d’une femme », résume Stéfanie Renoma...

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 ??  ?? Stéfanie Renoma expose à partir du 20 avril 2017 à la Galerie ArtCube, 9 place Furstenber­g, Paris 6e.Lire son livre Monographi­e, disponible sur stefanie-renoma.comMerci au Renoma Café Gallery, 32 avenue George V, Paris 8e.
Stéfanie Renoma expose à partir du 20 avril 2017 à la Galerie ArtCube, 9 place Furstenber­g, Paris 6e.Lire son livre Monographi­e, disponible sur stefanie-renoma.comMerci au Renoma Café Gallery, 32 avenue George V, Paris 8e.

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