Grand Seigneur

“JE SUIS UN VRAI CHEF À LA CRÈME ! ”

C’est le triple-étoilé le plus « bankable » du moment ! Un Breton qui fait une cuisine de paysans chic pour la jet-set d’un palace parisien. Son secret ? Du lait, de la crème et encore du lait…

- Entretien : Serge Adam Photo : Eddy Brière

Christian Le Squer, vous cuisinez un bar de ligne remarquabl­e avec du lait Ribot… C’est quoi le lait Ribot ?

— C.L.S. : C'est le lait fermier de mon enfance en Bretagne, une petite région en bord de mer qu'on appelle la rivière d'Étel, entre Lorient et Carnac. On y mangeait souvent, le soir, des pommes de terre écrasées dans ce lait fermenté et un peu acide qu'on obtient en barattant la crème pour faire du beurre. Avec des patates bien chaudes et légèrement sucrées, c'est excellent ! Pour mon bar de ligne (un poisson

sauvage de pêche artisanale, ndlr), je le fais pocher dans du lait Ribot avec en plus un peu de crème pour l'épaissir et lui donner un peu d'onctueux. Puis je le prépare en petites escalopes que je « snacke » légèrement sur un côté. Et ensuite, je rajoute mon mélange de lait Ribot et un peu de caviar de Sologne. En fin de dégustatio­n, le caviar est souvent dissous dans le lait, ce qui crée des arômes à la fois iodés et fermentés...

Quelles viandes peut-on cuisiner avec du lait Ribot ?

À peu près toutes les viandes blanches marinées : dindes, poulets, etc. Mais avec le ris de veau (un abat, ndlr), c'est extraordin­aire. On le blanchit, on le nettoie bien, on le met sous presse. Puis on le poche dans du lait Ribot et on le fait gratiner tout doucement avec une sauce Mornay (Béchamel avec un oeuf

et des copeaux de fromage, ndlr). Servi avec des épinards à l'oseille, c'est assez fantastiqu­e.

C’est le retour de la cuisine au lait ?

Mais je crois qu'elle n'était jamais partie. Le lait et la crème, c'est toute la grâce de la cuisine française. On nous a fait croire le contraire pendant des années, mais on raconte beaucoup de bêtises. Avec mon équipe, si j'ai pu conserver mes trois étoiles pendant douze ans, c'est aussi grâce à la fraîcheur du lait et à la crème.

On sert même de plus en plus de poisson accompagné d'une belle « peau de lait ». Vous savez ? Cette petite membrane de gras du lait qu'on obtient après ébullition. Quand j'étais enfant, on l'enlevait, aujourd'hui les clients la redemanden­t…

Par nostalgie ?

Plutôt par modernité, je dirais. Même dans un restaurant comme Le Cinq (hôtel Four Seasons George V), les gens n'en peuvent plus de la cuisine intellectu­elle du bout du monde. À Paris, ils veulent retrouver l'émotion de saveurs typiquemen­t françaises : de la crème, du

lait (il sert également un formidable givré laitier en dessert, ndlr), des truffes, du foie gras, des Saint-Jacques, des langoustin­es, des poulardes, du gibier, des fromages... On ne nous a jamais autant réclamé de fromages qu'en ce moment ! C'est un peu comme dans la mode en fait, on recherche d'abord le style et la création qui nous vont bien.

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Christian Le Squer et sa brigade sur les toits de l'hôtel Four Seasons George V.
 ?? Le Cinq, hôtel Four Seasons George V, 31 avenue George V, Paris 8e. Tel : 01 49 52 71 54. ??
Le Cinq, hôtel Four Seasons George V, 31 avenue George V, Paris 8e. Tel : 01 49 52 71 54.

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