Grand Seigneur

GRAND DÉBAT_

C’est scientifiq­ue ! D’après les chercheurs, le plaisir amoureux serait comparable à celui du Roquefort ou du Camembert… Mais tout dépend avec qui.

- OLIVIER MALNUIT (AVEC TRISTAN TOTTET)

LE FROMAGE EST-IL MEILLEUR QUE LE SEXE ?

Pourquoi le fromage nous procure-til autant de plaisir ? Comment la croûte et le duvet d'un Brie de Meaux, ou même les odeurs de chaussette ventilée d'un Camembert, peuventils nous plonger dans une telle extase alors que nous ne tolérons pas la moindre moisissure dans nos appartemen­ts ? Depuis quelques années, on sait que les fromages, et spécialeme­nt les plus costauds comme le Maroilles et le Munster, contiennen­t un acide aminé qui augmente la production de sérotonine dans le cerveau, l'hormone censée nous couler dans le bonheur chaque matin. Des études du Centre des sciences du goût et de l'alimentati­on de Dijon ont également montré qu'ils rendaient plus agréable la perception du vin (en diminuant la sensation de bouche sèche). Et aux États-Unis, une enquête en ligne du réseau social Skout a révélé que sur 4 600 personnes interrogée­s, 73 % d'entre elles faisaient l'amour nettement plus souvent quand elles consommaie­nt du fromage fondu.

L’AMOUR À CHEVAL

Ça vous laisse sur votre faim ? Moi aussi, car l'orgasme en cascades d'un Bleu des Causses avec un verre de Pinot Gris (Tokay) ou l'émotion du Pélardon au miel d'acacia, c'est comme l'amour à cheval, ça ne s'explique pas, ça se vit. Et pourtant, du fin fond de la bruine dans lequel les mystères du cerveau semblent avoir relégué la science, perce aujourd'hui un début d'éclairciss­ement. Au symposium sur la culture européenne des fromages (Cheese Up Your Life!) qui s'est tenu il y a quelques semaines à Bruxelles, le professeur Edmund Rolls, l'un des plus brillants chercheurs de l'université de Warwick (Angleterre), a ainsi avancé une hypothèse qui ne manque pas de moelleux. Soumis aux multiples échanges d'informatio­ns entre l'hypothalam­us (la zone du désir), l'aire tegmentale ventrale (celle du goût) et le cortex préfrontal (celle du plaisir), le cerveau fonctionne­rait sensibleme­nt de la même manière avec un Coeur de Neufchâtel bien affiné qu'avec une partie de jambes en l'air...

VRAIE JOUISSANCE

Comme pour le sexe, le plaisir des fromages serait ainsi conditionn­é par un réflexe de survie

évident (en gros, faire des enfants et se taper la cloche, ndlr), mais aussi un apprentiss­age social des odeurs, pâtes molles ou dures et pourriture­s diverses. « Tous les goûts du cerveau sont primaires, mais ils évoluent en fonction de l’apprentiss­age social, confirme le savant de sa Majesté.

C’est pour ça qu’on préfère le parfum du Cheddar à celui de la transpirat­ion ou encore que le Brie de Meaux, lorsqu’il est dégusté dans les règles de l’art (avec un Côte-de-Nuits-Villages, ndlr), peut faire des adeptes chez des gens qui croyaient justement ne pas aimer le fromage. » Plus fort :

l'aversion pour les fromages (ça existe, ndlr) provoquera­it dans le cerveau les mêmes réactions de plaisir* que la passion du PoulignySa­int-Pierre ou du Sainte-Maure-de-Touraine

(photo ci-contre), c'est-à-dire qu'il y aurait au fond une vraie jouissance à se persuader qu'on n'aime pas les fromages. De là à penser que, comme pour les pratiques amoureuses, l'inverse soit tout à fait possible, il n'y avait vraiment pas de quoi en faire des tartines... * D'après une étude du Centre de recherche en Neuroscien­ces de Lyon et du laboratoir­e Neuroscien­ce Paris Seine.

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