6 — TANNAT, LE SEIGNEUR DES APÉROS
Alors certes, le tropisme résolument scandinave de la déco donne l’impression de dîner dans le T4 d’un couple d’éditeurs parisiens. Malgré ces considérations esthétiques, cette proprette enseigne de l’avenue Parmentier, qui tire son nom d’un cépage emblématique du pays gascon, constitue l’une des adresses les plus réjouissantes du moment. Mieux, elle réussit la prouesse de tailler des croupières au mythique Châteaubriand d’Inaki Azpitarte, l’Aga Khan de la bistronomie parisienne qui régale à deux ronds de serviette sur la même artère. Certains soirs, l’assistance trépigne à touche-touche sur le trottoir en attendant de se voir attribuer une table entre le bois clair et les miroirs géométriques de ce qui fut jadis une crêperie corse (sic), précédée elle-même par un cabaret transformiste. Raison de l’engouement ? La cuisine stratosphérique du savant fou Olivier Le Corre (ex-Tour d’Argent, Bristol, Chardenoux des Prés, à droite sur la photo), qui joue avec culot la carte du croisement et de l’accident. Ce jour-là, notre homme délivrait son incontournable churros de poulpe éclaboussé de mayonnaise takoyaki et improvisait une ébouriffante caille des Vosges rôtie sur l’os, frayant avec un bonbon au brocciu. Gloire également à ces étonnants makis enserrant asperges du Vaucluse, ail des ours et mozzarella. Parmi les farouches adeptes de ces assiettes qui donnent à voir et à manger, Thomas Hollande ou Alex Lutz, dont le metteur en scène Tom Dingler (à gauche sur la photo) compte parmi les associés fondateurs du lieu. Côté glou, sus aux cartes des vins épaisses comme une cuisse de sprinter jamaïcain , place à une sélection ultra resserrée, présentée quilles en main par un serveur à t-shirt noir et sneakers. À savoir, un Juliénas du domaine DavidBeaupère, pas venu pour mégoter sur le fruit, un Minervois poivré juste ce qu'il faut du Domaine de Cantaussel, ou encore un Gaillac blanc de chez Marine Leys, plutôt porté sur la noisette. Jolie pioche !