Grand Seigneur

“IL FAUT UN COCHON DE 100 KILOS POUR FABRIQUER CE SAUCISSON ”

- Olivier Malnuit / Valery Guedes

Les chefs se l’arrachent et les Japonais en sont dingues ! En quelques mois, le Gros Jésus du Pays basque est devenu une salaison prisée du monde entier. Grand Seigneur a taillé le bout de gras avec son charcutier vedette…

Pierre Oteiza, qu'appelle-t-on un Gros Jésus du Pays Basque ? Pierre Oteiza—

Il s'agit d'un saucisson dit « de gros calibre » (700 grammes). C’est à dire qu’il est embossé dans le plus large et plus épais boyau du porc Kintoa, l’ancien Pie Noir des Pyrénées. Et comme il n’y a qu’un seul boyau de cette taille par cochon pesant 100 kilos minimum, c’est un produit assez recherché, servi sur les plus belles tables de Londres, Montréal et Tokyo…

Pourquoi est-il aussi ventru ? On a l'impression qu'il déborde…

P.O.—

C’est la forme du boyau qui fait ça ! Et puis peut-être aussi le fait qu'il soit composé de 1,5 kilo de chair, qui se réduit de moitié après trois mois et demi de séchage.

Quel rapport avec Jésus-Christ ? P.O.—

Autrefois, on l’emmaillota­it dans un linge comme un petit Jésus pour qu’il sèche aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. C’est une spécialité qu’on retrouve un peu partout, comme à Lyon par exemple (Gros Jésus lyonnais). Mais ce qui caractéris­e le Jésus du Pays basque, ce sont les épices et sa chair rouge vif comme un verre de vin.

Comment obtient-on une telle couleur ? P.O.—

On sélectionn­e en priorité des viandes âgées, qu’on laisse encore reposer 24 heures, une fois hachées. Puis, lorsqu’elles sont embossées (quand la chair est poussée dans le boyau ndlr.), on accélère la fermentati­on de la viande en montant la températur­e à 25 degrés pendant trois jours. Là, le boyau commence à sécher puis se met à « fleurir », c’est-à-dire qu’il se recouvre de cette fine poudre blanche qui sent l’ammoniaque sur le dessus. Ensuite, on le met dans une chambre froide à 12 degrés avec 75 degrés d’hygrométri­e (le taux d’humidité) et on le sèche au vent pendant trois mois en renouvelan­t toutes les deux heures l’air extérieur, qu’on ventile de haut en bas et inversemen­t.

En fait, vous êtes un peu comme un boulanger. Vous devez tout le temps avoir un oeil sur la météo…

P.O.—

L'oeil mais encore plus le nez ! C’est au parfum qu’on observe la bonne salaison d’un Gros Jésus. Ajoutez à cela qu’au Pays Basque, nous avons la chance d’avoir l’Egoi, le vent chaud d’Espagne qui nous permet de sécher des charcuteri­es naturellem­ent, ainsi que l’humidité des vents marins. Au-dessus de 80 degrés d’hygrométri­e, on ferme tous les volets du séchoir…

Le Gros Jésus, ça se mange en fines tranches ou en gros morceaux ? P.O.—

Plutôt en fines tranches. Néanmoins, certains chefs apprécient tellement son moelleux qu’ils le servent en dés carrés, avec une salade et des Guindillas (piments verts basques)…

Gros Jésus du Pays basque, Pierre Oteiza, 18 Boulevard Saint-Michel, Paris 6è (Tel : 01 43 25 59 01), et 13 rue Vignon, Paris 8è (Tel : 01 47 42 23 03).

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