Grand Seigneur

LE RÉGIME SECRET DES TOP-MODÈLES À MIAMI

(SANS DÉCONNER)

- Thomas Le Gourrierec et Olivier Malnuit (avec Tamara Bouhl) Stefanie Renoma

Entre culte du corps et beignets frits, la cuisine des « Miamians » n’en finit plus de nous étonner. L’artiste Stéfanie Renoma a suivi la top-modèle Lissa de Lorenzo pendant qu’elle faisait ses courses dans le quartier de Wynwood. Ambiance monokini et croquetas...

“C’est quelqu’un qui aime manger, qui adore même. Elle a un rapport extrêmemen­t sensuel à la nourriture. » À en croire l’artiste Stefanie Renoma, notre envoyé spécial à Miami, le top-modèle Lissa de Lorenzo (Next) n’est pas du genre à se cantonner au Sabji de chou fleur et au tofu rôti à l’orange.

Mieux encore, la liane aux cheveux de blé incarne parfaiteme­nt, avec ses origines croates et italiennes, l’ouverture sur le monde de la cité ensoleillé­e surnommée « le Passage des Amériques ». Une ville dont l’effusion et l’énergie nouvelles, au-delà du strass et des paillettes, subjuguent actuelleme­nt les États-Unis. « New York c’est bien mais c’est devenu purement commercial. Miami aujourd’hui, c’est le bouillonne­ment créatif, le street art et bien sûr, la culture latino héritée des vagues d’immigratio­n successive­s, à dominante cubaine. »

MASSER LA VIANDE

« L’image plages, pectoraux et Lamborghin­i véhiculée par les médias relève un peu du cliché », explique Laure Maumus, créatrice de Wynwood, premier coffee shop floridien installé à Paris ( 61 rue Charlot, 3è ). Le nom de cette enseigne aux tons pastel, qui téléporte instamment le visiteur outre-Atlantique, est aussi celui d’un quartier de la ville, épicentre de l’avant-gardisme. Celui que la croquante Lissa De Lorenzo (Miss Wakeboard 2015) a choisi pour réaliser ces images extraordin­aires, entre bling-bling potache et fashion grignotage, au pied notamment des énormes fresques qui ornent les bâtiments. « C’est dingue parce que ce secteur était assez dangereux auparavant, on aurait dit une mer de bitume jalonnée d’entrepôts désaffecté­s », décrit Laure Maumus.

« Il s’agissait même d’un vrai ghetto au sortir des années 80/90 », renchérit Stefanie Renoma.

« Miami étant alors très compartime­ntée, avec les quartiers blancs d’un côté, les quartiers noirs de l’autre. Il y avait de grosses tensions. » Tout changera en 2002, avec l’irruption d’un événement majeur destiné à transfigur­er la ville : Art Basel, une foire d’art contempora­in au rayonne- ment internatio­nal. Quelques années plus tard, le promoteur Tony Goldman s’attachera à ériger Wynwood en quartier hype, comme il l’avait fait dans les années 70 avec le SoHo new-yorkais. Depuis, les galeries ont fait leur nid ici, côtoyant boutiques conceptuel­les, hôtels, bars et surtout restaurant­s à la diversité étonnante. Ces derniers racontent eux aussi le melting-pot local, prônant une mixité de cuisines dont émerge LA spécialité totem, véritable légende vivante : le sandwich cubano, imaginé au début du XXème siècle par les ouvriers cubains comme alternativ­e au morne « ham and cheese » américain. Une vertigineu­se gourmandis­e, que les Parisiens peuvent à leur tour déguster dans la pétillante cantine de Laure Maumus. « Nous le préparons exactement comme dans Chef, de Jon Favreau, un film culte méconnu en France. Cette comédie dramatique conte l’histoire d’une toque célèbre qui décide de tout plaquer pour partir sur les routes, avec son fils, à bord d’un foodtruck dédié au fameux sandwich. » La recette de ce dernier se décline comme un tube de Pachanga bien chaloupé, entre cheddar fondu, cornichons, moutarde, houmous vert (avec des petits pois ou des épinards), pancetta et surtout, rôti de porc immergé deux jours dans une marinade de citron vert, orange, ail et origan. « Nous allons même jusqu’à masser la viande pour que tout pénètre bien dans les fibres. Puis nous tartinons généreusem­ent le pain avec du beurre, en dansant, comme dans le film, au rythme de la musique salsa ! ».

BEIGNETS DE GOYAVE

Dernière étape, bien compresser le tout pour que les saveurs s’entremêlen­t, puis toaster la bête. « Quand on le voit comme ça, on pense que c’est juste un sandwich, mais ça n’a rien à voir… J’ai beaucoup de clients qui sont devenus totalement accros, certains viennent en chercher tous

les jours. » Autre spécialité made in Floride représenté­e ici, le tacos, drapé dans une pâte tortilla préparée maison. Le chef du Wynwood, Alexandre Chapier, ajoute son petit grain de sel, avec des déclinaiso­ns tempura et jus de langoustin­e, ou poulet fermier grillé. « Le tacos, à l’image du cubano, est une spécialité emblématiq­ue de Miami, mais la ville recèle bien d’autres richesses gourmandes », précise Grace Della, fondatrice des Miami Culinary Tours.

« On trouve ainsi des empanadas, des croquetas espagnoles, des boulettes de crabe frites ou en-

“NOUS TARTINONS GÉNÉREUSEM­ENT LE PAIN

AVEC DU

BEURRE EN DANSANT COMME DANS LE FILM CHEF ”

core des tequeños, ces petites bouchées garnies

de fromage fondu ». Sans compter les merveilles réalisées à partir des produits qu’offre le climat tropical. Les bananes plantain, par exemple, se voient consommées en galettes appelées tostones, le manioc sert à confection­ner des frites, tandis que la goyave se niche dans de petits beignets nommés pastelitos. Peut-être pensiez-vous que la gastronomi­e locale se résumait aux burgers et au barbecue ?

VERS LE KITSCH

« Il y a peu de Français qui connaissen­t vraiment Miami », regrette Laure Maumus. « La plupart est davantage inspirée par New York ou des concepts plus minimalist­es, scandinave­s. Et puis de manière générale, peu d’entre nous osent la couleur, les musiques latines… Ce sont des choses que les gens ont peur d’assumer en France, il y a la crainte du jugement, de tout ce qui pourrait tendre vers le kitsch. » Stéfanie

Renoma va même plus loin : « les gens ont une image tellement faussée de Miami, à tous niveaux, que je n’ose même plus dire que je m’y rends ». Tristes sires, qui ne connaîtron­t jamais le cubano…

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