LE JOUR OÙ LES ZOMBIES ONT INVENTÉ LA BIODYNAMIE…
Sorti la même année que les premiers rapports sur la biodynamie*,
Les raisins de la mort de Jean Rollin met en scène des viticulteurs réduits en zombies sous l’effet des pesticides.
Un navet visionnaire ?
Quand Les Raisins de la mort de Jean Rollin
sort en France, en 1978, la mode des zombies ne bat pas encore son plein, même si personne n’a oublié La Nuit des morts-vivants, distribué dix ans plus tôt. En cela, il faut reconnaître aux producteurs Jean-Marc Ghanassia et Claude Guedj d’avoir eu le nez creux en commissionnant le premier film de zombies à la française… VAMPIRES, PORNO ET ZOMBIES Le choix de Jean Rollin comme metteur en scène n’était pas illogique ; après tout, n’était-il pas l’un des seuls fantastiqueurs du cinéma français ? Hélas, Rollin ne se rêvait pas en Romero. Ses précédents films fantastiques cherchaient à retrouver la poésie naïve des feuilletons populaires, et l’homme n’avait de fait aucune attirance pour les zombies, auxquels il préférait la sensualité – l’érotisme, même ! - des vampires. Toutefois revenir au cinéma fantastique - et de surcroît avec un budget confortable d’un million de francs – était une perspective un peu plus enthousiasmante que celle de végéter encore dans le porno, qui avait constitué le gagne-pain de Rollin à partir de 1975. LE CAUCHEMAR DE LA BIODYNAMIE Aux commandes du scénario, Jean Rollin se lance donc dans cette histoire de « zombies du terroir », si l’on peut dire. Les Raisins de la mort raconte comment un nouveau type de pesticides à destination d’exploitations viticoles (l’action se passe à proximité des Cévennes) transforme les amateurs de vin local en lépreux enragés et assassins. Elisabeth, l’héroïne, doit échapper à un certain nombre de ces zombies-Monsanto avant de tomber sur Pierre et Paul, deux rudes gaillards du cru qui n’ont pas été contaminés, et pour cause : « nous, on est plutôt des buveurs de bière », explique l’un d’entre eux. Forcément !
Plutôt plus rythmé qu’un Jean Rollin pré-1975,
Les Raisins de la mort parvient, bon an mal an, à distiller un certain malaise dont on ne sait trop, des images elles-mêmes (un gore assez inhabituel en France) ou des conditions de tournage que l’on devine (personne, devant et derrière la caméra, ne semble tout à fait à jeun), quelle peut bien en être la cause. UN MESSAGE ÉCOLOGIQUE ASSEZ FLOU Brigitte Lahaie, bonne camarade, n’hésita jamais par la suite à exprimer sa gratitude pour Jean Rollin qui lui offrait ici son « premier rôle hors du
X ». Mais Rollin craignait sans nul doute une désacclimatation trop brutale : ainsi, le rôle de cette chère Brigitte consiste principalement à apparaître totalement nue en haut d’une ruine (et par un froid tel que la malheureuse en aurait fait un malaise après le clap).
Fable environnementale ? Malgré une vague allusion à une centrale nucléaire voisine, le message écologique ressemble bien plus au monologue d’un clochard, au seuil du coma éthylique, qui vous engueule pendant que vous cherchez vos clés de voiture, qu’à un tract d’Europe-Ecologie. Il n’empêche : si, indirectement, Les Raisins de la
mort plaide davantage pour la sobriété que contre les pesticides, on ne pourra lui retirer d’avoir entrevu, dans un accès de lucidité, de quoi sera faite l’étoffe de nos cauchemars quarante ans plus tard.