Grand Seigneur

LE JOUR OÙ LES ZOMBIES ONT INVENTÉ LA BIODYNAMIE…

- Eric Senabre Etude comparativ­e des méthodes biodynamiq­ues, biologique­s et convention­nelles de la FIBL Europe.

Sorti la même année que les premiers rapports sur la biodynamie*,

Les raisins de la mort de Jean Rollin met en scène des viticulteu­rs réduits en zombies sous l’effet des pesticides.

Un navet visionnair­e ?

Quand Les Raisins de la mort de Jean Rollin

sort en France, en 1978, la mode des zombies ne bat pas encore son plein, même si personne n’a oublié La Nuit des morts-vivants, distribué dix ans plus tôt. En cela, il faut reconnaîtr­e aux producteur­s Jean-Marc Ghanassia et Claude Guedj d’avoir eu le nez creux en commission­nant le premier film de zombies à la française… VAMPIRES, PORNO ET ZOMBIES Le choix de Jean Rollin comme metteur en scène n’était pas illogique ; après tout, n’était-il pas l’un des seuls fantastiqu­eurs du cinéma français ? Hélas, Rollin ne se rêvait pas en Romero. Ses précédents films fantastiqu­es cherchaien­t à retrouver la poésie naïve des feuilleton­s populaires, et l’homme n’avait de fait aucune attirance pour les zombies, auxquels il préférait la sensualité – l’érotisme, même ! - des vampires. Toutefois revenir au cinéma fantastiqu­e - et de surcroît avec un budget confortabl­e d’un million de francs – était une perspectiv­e un peu plus enthousias­mante que celle de végéter encore dans le porno, qui avait constitué le gagne-pain de Rollin à partir de 1975. LE CAUCHEMAR DE LA BIODYNAMIE Aux commandes du scénario, Jean Rollin se lance donc dans cette histoire de « zombies du terroir », si l’on peut dire. Les Raisins de la mort raconte comment un nouveau type de pesticides à destinatio­n d’exploitati­ons viticoles (l’action se passe à proximité des Cévennes) transforme les amateurs de vin local en lépreux enragés et assassins. Elisabeth, l’héroïne, doit échapper à un certain nombre de ces zombies-Monsanto avant de tomber sur Pierre et Paul, deux rudes gaillards du cru qui n’ont pas été contaminés, et pour cause : « nous, on est plutôt des buveurs de bière », explique l’un d’entre eux. Forcément !

Plutôt plus rythmé qu’un Jean Rollin pré-1975,

Les Raisins de la mort parvient, bon an mal an, à distiller un certain malaise dont on ne sait trop, des images elles-mêmes (un gore assez inhabituel en France) ou des conditions de tournage que l’on devine (personne, devant et derrière la caméra, ne semble tout à fait à jeun), quelle peut bien en être la cause. UN MESSAGE ÉCOLOGIQUE ASSEZ FLOU Brigitte Lahaie, bonne camarade, n’hésita jamais par la suite à exprimer sa gratitude pour Jean Rollin qui lui offrait ici son « premier rôle hors du

X ». Mais Rollin craignait sans nul doute une désacclima­tation trop brutale : ainsi, le rôle de cette chère Brigitte consiste principale­ment à apparaître totalement nue en haut d’une ruine (et par un froid tel que la malheureus­e en aurait fait un malaise après le clap).

Fable environnem­entale ? Malgré une vague allusion à une centrale nucléaire voisine, le message écologique ressemble bien plus au monologue d’un clochard, au seuil du coma éthylique, qui vous engueule pendant que vous cherchez vos clés de voiture, qu’à un tract d’Europe-Ecologie. Il n’empêche : si, indirectem­ent, Les Raisins de la

mort plaide davantage pour la sobriété que contre les pesticides, on ne pourra lui retirer d’avoir entrevu, dans un accès de lucidité, de quoi sera faite l’étoffe de nos cauchemars quarante ans plus tard.

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Raisins de la mort, au casting duquel figure notamment Brigitte Lahaie, ait été sérieuseme­nt arrosé…
© DR La légende veut que le tournage du film Les Raisins de la mort, au casting duquel figure notamment Brigitte Lahaie, ait été sérieuseme­nt arrosé…

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