Grand Seigneur

JUNK FOOD (ET PLUS SI AFFINITÉS)

California­n aux avocats et frites de gradés… Pour l’auteur de Tout le pouvoir aux soviets (Stock), la junk food est le meilleur moyen de s’amuser à grossir. Second arrêt au Birdy Hamburgers de l’avenue Bosquet (Paris 7è).

- Patrick Besson Écrivain, chroniqueu­r et poète du burger

L’

avenue Bosquet (Paris 7 è ) est longue et froide comme un jour sans faim. Elle commence à la cathédrale russe et se termine à

l’École Militaire. On n’a aucune raison de s’y promener, sauf si on est pope ou officier français, deux personnage­s peu portés sur la flânerie. On rencontre surtout des employés qui n’ont pas beaucoup de temps pour déjeuner. Il y a donc un fast-food. Un seul. Et pas grand : une vingtaine de mètres carrés dans lesquels, en se serrant, une vingtaine de clients peuvent manger des hamburgers. Un mètre carré chacun. Du reste, le patron brun à lunette – le sosie de Michel Raskine jeune, pour ceux qui savent qui est Michel Raskine – et sa serveuse blonde Pénélope ont commencé, à 12h50, par me refouler. Première fois de ma vie que je n’arrivais pas à entrer dans un fastfood. Mais les gens mangent vite leur hamburger et leurs frites, car ils aiment ça. Quand Grégory Protche est arrivé, avec le manuscrit de mon prochain roman sur le football dont je lui avais demandé de corriger les passages les plus techniques car c’est un ancien gardien de but, une table pour quatre s’était libérée. En un tournemain, comme auraient écrit Henri Troyat et peut-être aussi Gilbert Cesbron, Pénélope l’a transformé en deux tables pour deux et nous nous sommes installés au Birdy Hamburgers ici ou ailleurs, 49 avenue Bosquet. J’ai connu un écrivain qui s’appelait Alain Bosquet mais ce n’est pas le mec de l’avenue. Un boulevard Besson ne me déplairait pas, même si c’était celui de Colette, de Gérard ou de Luc. J’ai un neveu qui a déjà sa station de métro : Louis Blanc.

6 RAISONS DE PASSER AU BIRDYA.

Le Birdy propose six sortes de hamburgers mais ils ont tous le même défaut : impossible, vu leur épaisseur, de les prendre dans la main et de mordre dedans, ce qui constitue 50% du plaisir qu’on a à manger un hamburger (c’est joli, deux -a qui se suivent, on devrait le faire plus souvent). Seule différence entre l'Original (10 euros) et le Yankee (12 euros) : du bacon dans le Yankee, pour deux euros de plus donc. Le California­n (12 euros) n’a pas de bacon mais de l’avocat. Un avocat dans un hamburger, pourquoi ? Il doit être capable de se défendre tout seul. L’oignon fait enfin, dans le California­n (12 euros) son apparition. Pas trop tôt. Un hamburger sans oignon est comme une poitrine sans tétons : impossible. Le Nola (12 euros) est un hamburger au poulet, pour les gens sentimenta­ux qui ont eu un boeuf dans leur enfance et préfèrent manger de la volaille. Tout fast-food se devant désormais de proposer un plat végétarien, il y a, au Birdy, le Woodstock, surnommé the Veggy one. Le falafel remplace la viande, ce qui donne droit au client à une réduction : 11 euros. C’est ce qu’a pris ma voisine, une dame de mon âge attablée avec sa ravissante fille de seize ans. Celle-ci s’est empressée, en sortant de l’établissem­ent, d’allumer une cigarette et son iphone : le kit de survie des ados du 21è siècle.

Grégory et moi, on n’est pas allés chercher midi à quatorze heures, ce que les critiques gastronomi­ques font trop souvent : un Original, une frite et un Coca chacun. Grégory a trouvé que la viande était meilleure qu’à Montreuil (voir le précédent Grand Seigneur) et je n’ai pas été d’accord avec lui. « Je la

préfère car elle est plus grasse », a-t-il expliqué. C’est bien une remarque d’homme maigre. La viande des burgers est toujours archi-cuite, par peur des microbes. Si on veut manger un burger pas trop cuit, il faut le préparer à la maison, ce qu’on fait de plus en plus souvent Anne-Sophie et moi, rue Tourlaque (Paris 18è). La viande est bio et le pain est bon. On se régale. Difficile, après, de rester objectif dans la critique des autres fast-foods. Les raisons de déjeuner au Birdy ? J’en vois six : les touristes japonaises qui font une pause viande rouge avant de monter sur la tour Eiffel voisine, pouvoir boire du Coca-Cola pendant un repas, l’exotisme de déjeuner dans le 7è comme si on était dans le 6è, le sourire et les cheveux blonds de Pénélope, l’aspect familial de cette petite salle à manger et les gens qui entrent en coup de vent pour venir chercher leur commande et ressortent vite avec elle. Ça faisait un peu d’air froid dans le dos de Grégory – je lui avais pourtant dit que dans un fast-food on n’enlève pas son manteau – mais me donnait un joli spectacle. Protche m’a reproché de confondre trop souvent sur un terrain de foot, le numéro 6 avec le numéro 5. On a parlé de son livre qui sort chez Lattès en mai. Sur le PSG. Sert-on des hamburgers au Parc des Princes ?

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France