DIGNE HÉRITIER
Jean-Yves MILLAIRE –
Installé du côté de Fronsac, ce travailleur acharné a repris et converti en bio l'exploitation de son grand-père en 1998, avant d'incliner vers la biodynamie et de décrocher le label Biodyvin.
Lorsque vous avez repris les vignes de votre grand-père, elles étaient en conventionnel ?
Jean-Yves Millaire :
Figurez-vous que les vignes de mon grand-père étaient en bio à l’époque, c’est à dire dans les années 50, car toutes les propriétés du coin l’étaient… On traitait alors avec de la bouillie bordelaise et du soufre.
Votre grand-père faisait donc du bio sans le savoir ?
J-Y.M. :
Exactement ! Comme tous les vignerons à l’époque, il faisait preuve de bon sens paysan.
Êtes-vous intégralement en biodynamie ? J-Y.M. :
Oui, sur l’ensemble du domaine. Les vignes que nous avons reprises, nous les avons converties.
En bio et biodynamie, tout se passe quasiment au moment de la pousse. C'est le travail de la vigne qui prime ?
J-Y.M. :
Oui, 90 à 95 % du travail est fait au niveau de la vigne. Le chai, c’est la suite logique mais si on n’a pas une bonne matière première, des raisins sains, c’est très compliqué.
Au fil du temps, vos vignes sont beaucoup plus résistantes et s'autorégulent...
J-Y.M. :
Les premières années, quand on commence une conversion, il faut faire attention aux doses de cuivre et de soufre. Il ne faut pas faire n’importe quoi, parce que les vignes ne sont pas encore assez résistantes. Avec les préparations biodynamiques et le travail du sol, on a un enracinement de la vigne qui est beaucoup plus profond et celle-ci est plus résistante, justement.
Et la qualité du raisin s'en ressent ? J-Y.M. :
Oui, nous avons vraiment de beaux raisins qui arrivent au chai, avec des fruités très précis. Cela donne des vins très gourmands et
faciles à boire hors jeunesse.
On entend souvent que la biodynamie et le bio sont des modes de production beaucoup plus exigeants que le conventionnel, est-ce vrai ?
J-Y.M. :
Ceux qui se lancent aujourd’hui dans le bio sans aucune conviction, uniquement pour des raisons économiques, seront rapidement confrontés à l’échec. Cela demande plus de travail, d’attention, d’entretien et de prévention au vignoble. Mais le jeu en vaut la chandelle !
Vignoble Millaire
« Lamarche », 33126 Fronsac Tél. : 05 57 24 94 99 www.vins-millaire.fr
Au Château La Rame (Sainte-Croix-duMont), c'est l'appel du large qui a poussé Angélique Armand à s'enticher du label HVE, pour les beaux jours de son liquoreux.
Pourquoi ce choix de label HVE (Haute valeur environnementale) ?
Angélique Armand :
Nous avons pris conscience qu’il fallait préserver l’environnement et que nous pouvions tous contribuer à cet élan. Il suffit juste d’observer le dérèglement climatique pour constater qu’on ne peut pas fermer les yeux.
Depuis quand votre propriété est certifiée? A.A. :
Depuis le millésime 2017 ! J’ai fait la conversion assez rapidement mais certains mettent 4 à 5 ans pour y arriver. On ne décide pas arbitrairement, du jour au lendemain, d’être labellisé HVE. Pendant deux ans, j’ai participé à des formations très complètes. On nous apprenait par exemple comment mettre en place des haies pour favoriser la biodiversité, comment économiser les ressources en revoyant la manière de laver l’outil, en mettant des compteurs...
Quel a été le déclic ? A.A. :
C’est venu de l’export. Si vous travaillez avec des provinces comme le Québec, on vous demande des certifications. Même si ça n’était pas restrictif, les marchés se ferment si rien n’atteste qu’on oeuvre pour le respect de l’environnement.
Quel est la différence avec le bio, au niveau des traitements dans la vigne ?
A.A. : C’est moins restrictif. Il faut juste garder en tête qu’il y a des produits à manipuler avec précaution. Par vocation, je n’ai aucun intérêt à les utiliser si je n’en ai pas le besoin. Mais si j’ai des attaques de mildiou, je dois pouvoir traiter ma vigne, car je ne peux pas me permettre d’avoir des années blanches.
Est-ce que ça a changé la qualité de votre vin ?
A.A. :
Non, il s’agit plutôt d’une prise de conscience concernant la gestion de la biodiversité, de l’eau, des ressources naturelles, la limitation des intrants également.
Quelle est, pour vous, la prochaine étape ?
A.A. : Travailler les sols de manière mécanique. Revenir à l’ancienne, en somme !
Château la Rame
33410 Sainte-Croix-du-Mont Tél. : 05 56 62 01 50 www.chateaularame.com
[Grand
Ce trentenaire à la tête bien faite cornaque les Château Fonréaud (Moulis) et Château Lestage (Listrac-Médoc), deux grosses machines de 100 hectares qui sortent 450 000 bouteilles par an… Sans lésiner sur l'éthique, via le label Terra Vitis. À quel moment êtes-vous passé au bio, exactement ?
Guillaume Chanfreau : En fait, cette propriété a été rachetée par mon grand-père lorsque ma famille est revenue d’Algérie, au début des an
nées 60, et mon père a ensuite repris. Nous avons toujours été en agriculture raisonnée, mais notre premier millésime certifié Terra Vitis date de 2015. Pourquoi ce choix ?
G.C. : Ce label permet notamment de promouvoir une viticulture durable en prenant en compte la viabilité économique de l’exploitation. Au vu de la taille de notre propriété, maîtriser les maladies de la vigne serait impossible en utilisant des traitements biologiques. Nous effectuons donc des traitements conventionnels avec des produits de synthèse, mais uniquement durant la période la plus critique, en juin, au moment de la floraison. Est-ce que les gens comprennent le terme Terra Vitis, autant que le « bio », ou la « biodynamie » ?
G.C. : C’est un label qui est proche du terrain, qui mène des actions cohérentes et qui essaie d’avoir une communication positive. Notre travail, c’est d’expliquer aux gens à quoi il correspond.
Avez-vous constaté une différence avec cette manière de traiter ?
G.C. : Oui, elle permet de s’améliorer chaque année. On échange avec d’autres propriétés qui ont opté pour le même label afin de mutualiser les bonnes pratiques et avancer dans quelque chose de plus en plus vertueux, qui soit le meilleur compromis entre un produit sain et de qualité. Il s'agit donc d'améliorer la qualité du raisin tout en sauvegardant la production ? G.C. : Exactement, parce que nous ne systématisons pas les actions, elles sont ciblées sur chaque parcelle. Sur celles qui sont trop vigoureuses, par exemple, on va laisser plus d’enherbement que sur d’autres plus faibles. Autour de vous, d'autres propriétés intègrent-elles ces démarches ?
G.C. : De plus en plus. De manière générale dans le vignoble bordelais, il y a une grosse prise de conscience. Prometteur pour les années à venir !