Grand Seigneur

QUAND GÉGÉ, JOJO ET LOULOU ALLAIENT AU BISTROT...

Un acteur, un socialiste et un éboueur amateurs de bonne chair tombés en amitié autour d'une grande tablée? Le scénario pourrait être inspiré d'un film à la Blier. Il est pourtant bien réel. Grand Seigneur retrace l'histoire de cette franche camaraderi­e e

- Baptiste Manzinali Collection Frères Pourcel

Shanghaï,octobre 2010. L’Exposition universell­e de la capitale chinoise, démarrée cinq mois plus tôt, touche à sa fin. En coulisses, le petit monde des affaires internatio­nales est venu négocier des contrats mirobolant­s sur le marché chinois. Si toute la vieille Europe tente d’y faire valoir ses meilleurs atouts, à ce jeux-là, les Français ont toujours une longueur d’avance. Dans le Pavillon tricolore de 6 000 m2 conçu par Jacques Ferrier, l’un des rares à ne pas avoir été détruit après l’Exposition, quelques chefs d’oeuvres du musée d’Orsay ont été apatriés en renfort. Surtout, c’est ici que les frères Pourcel, célèbre fratrie de jumeaux et restaurate­urs français, ont ouvert leur dernier établissem­ent, la Maison Pourcel, dans les anciens locaux de la Maison Rouge, première table française à Shanghaï dans les années 30. Tout un symbole. Partout dans le monde, le duo applique la même recette qu’au Jardin des Sens, leur adresse montpellié­raine triplement étoilée : une cuisine méditerran­éenne de produits simples à base d’huile d’olives, de tomates et d’épices. À Shanghaï, la nouvelle carte a de quoi faire frissonner les plus gros appétits avec son carpaccio de pied de porc et sa salade d’artichauts à cru et piqué de grosses gambas, ou son magret de canard rôti aux dragées avec aubergines gratinées de champignon­s et de foie gras poêlé, de pêches au beurre et de jus de canard relevé de réglisse, son filet rôti et sa croustade de ris de veau aux champignon­s, sa croquette au comté et jambon, son jus de déglaçage au citron doux… En cave, pas moins de 3 000 références de vins français n’attendent qu’à s’offrir aux papilles les plus rabelaisie­nnes.

QUATORZE CANARDS LAQUÉS

Alors, ce 13 octobre 2010, lorsque le plus éminent des Gaulois, Gérard Depardieu, débarque dans le salon privé Studio Harcourt du sixième étage de la Maison Pourcel, les convives sont à peine surpris. Qui d’autre, pour compléter cette carte postale, que l’acteur français le plus extravagan­t, expansif, jouisseur ? Sauf qu’à cette table, Gégé a de la concurrenc­e comme rarement. Le « citoyen du monde » est venu retrouver deux amis de longue date : Georges Frêche, président de Région du Languedoc Roussillon et trublion du Parti Socialiste, et Louis Nicollin dit « Loulou », président du troisième groupe français de nettoyage urbain au verbe chantant, et propriétai­re haut en couleur du club de football montpellié­rain MHSC. Pour fêter les retrouvail­les dans l’Empire du Milieu de ces trois Gargantua aux physiques horsnormes, on trinque selon l’art du Ganbei - en Chine, lors d’un déjeuner d’affaire, chacun se lève à son tour pour prononcer quelques mots et tout le monde boit son verre cul sec. Cravates desserrées, sourires hébétés, les conditions sont optimales pour la délégation de la région Occitanie venue signer un contrat de partenaria­t avec Ctrip.com, plus gros moteur de réservatio­n de voyage en ligne chinois. Jean-Claude Gayssot ancien ministre des Transports, n’a pas oublié ce voyage : « On est resté cinq jours sur place à enchaîner les déjeuners d’affaire entre la résidence consulaire, la mairie de Shanghaï et le pavillon français de l’Exposition universell­e. C’est vrai qu’on a beaucoup mangé, s’amuse t-il aujourd’hui. Tous les trois, on les avait baptisé : le bon, la brute et le truand ! » Car comme Gérard Depardieu dont c’est de notoriété publique, pour Georges Frêche et Louis Nicollin, gastronomi­que rime toujours avec astronomiq­ue. Si Loulou préfère le pot-au-feu avec les trois viandes, le gibier et les repas à la truffe accompagné­s d'une quille de Châteauneu­f du Pape ou de la Grange des Pères, tous les trois apprécient globalemen­t la cuisine traditionn­elle, mijotée, populaire, rustique. À leur image. « Les plats n’arrêtaient pas de tourner. Comme souvent avec eux, il fallait resservir plusieurs

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