Grands Reportages

L'ART DE L'ÉPICE

La cuisine indienne est le résultat d’influences multiples, à la fois culturelle­s, historique­s et religieuse­s. La plupart du temps végétarien­ne, elle est toujours riche de saveurs épicées.

- TEXTE ET PHOTOS JEAN-BAPTISTE RABOUAN

«Etsans épices, s’il vous plaît », implore un touriste tout juste débarqué en passant la commande d’un thali, l’assiette-repas traditionn­elle proposée par la plupart des restaurant­s populaires. Le serveur dodeline de la tête en affichant un large sourire avec l’air de dire : « Oui,biensûr ». Le nouvel arrivant ignore que le serveur ne dira jamais un non impératif à son client, ce serait contraire aux règles élémentair­es de la politesse indienne. Pourtant, demander un plat sans épices en Inde du Sud c’est comme demander une baguette sans farine à un boulanger français. Faute d’avoir été prévenu, le touriste ne résiste pas aux fumets parfumés qui émanent des différents mets de son thali disposés dans des bols sur le pourtour d’une large assiette métallique au centre de laquelle s’empilent trois galettes de pain. À la première bouchée, le touriste avale avec le sourire, à la seconde il toussote en évitant de se faire remarquer, à la troisième il essuie la sueur dégoulinan­t à grosse goutte de son visage écarlate, à la quatrième il se jette sur son litre d’eau minérale et le boit d’un trait pour éteindre le feu qui lui brûle la bouche jusqu’aux oreilles ! Heureuseme­nt, la situation n’est pas désespérée… La bonne nouvelle, c’est qu’en réalité seuls les piments et les poivres sont véritablem­ent irritants. De plus, en se préparant avec une consommati­on progressiv­e, on finit par très bien les supporter et finalement les aimer !

CUISINE VÉGÉTARIEN­NE

Au Karnataka et en Inde en général, manger relève tout à la fois de la nécessité, du plaisir et du spirituel. Dans la pure tradition hindoue, le repas sera végétarien, servi sur une feuille de bananier et l’on mangera avec les doigts de la main droite que l’on aura longuement lavée avant de se mettre à table. On estime que plus de 34 % de la population du Karnataka est strictemen­t végétarien­ne, contrairem­ent aux musulmans et à la plupart des tribus qui consomment de la viande. Cette proportion est de loin la plus élevée du monde, mais pas de l’Inde - moins de 2 % en France, 70 % au Gujarat. Le plat emblématiq­ue du Karnataka est le ragimuddes­aaru, un chausson de millet rouge cuit à la vapeur et servi avec une soupe claire au curry agrémentée de feuilles fraîches de curry - ne pas confondre le mélange d’épices et les feuilles de l’arbre à curry. Les cuisiniers du Karnataka affectionn­ent dans leurs préparatio­ns de curry le curcuma, les graines de moutarde, le piment rouge, la coriandre, l’asafoetida… Les céréales, éléments nutritifs principaux, utilisées dans la cuisine kannada sont, outre le riz et le blé que l’on consomme dans toute l’Inde, le sorgho et le millet rouge. Quant aux matières grasses, l’huile de noix de coco sera souvent privilégié­e par rapport au ghee - beurre clarifié - traditionn­ellement utilisé dans la cuisine indienne. Le panier des herbes, légumes et légumineus­es offre une variété impossible à lister. On peut cependant noter l’importance des feuilles de curry, des gombos, de la noix de coco sous toutes ses formes et des dhals - lentilles - rouges, noirs ou germés. On finit volontiers son repas avec du yaourt aux pickles accompagné d’un grand verre de babeurre qui facilite la digestion et atténue efficaceme­nt le feu des piments.

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