FAIRMONT OLYMPIC HÔTEL -
Lion de Judée et lionceau
Ouvrir l’oeil. Dans le lobby, lambris de chêne et balustrade à l’étage, les flèches des cadrans courbes d’ascenseurs suivent la montée des quidams, évoquant les films des années 1950, policier poursuivant l’assassin… Pour se familiariser avec la faune locale, allez prendre un verre près du Steinway à queue de 1923 au bois décoré de délicates volutes. Calé dans un fauteuil sous les lustres d’époque, bavardez avec la serveuse et observez les hôtes décontractés. À Seattle, les hommes, touristes peut-être, portent bermuda découvrant des jambes bronzées. Et musarder sur l’histoire peu commune du lieu. En 1922, le jour du 25e anniversaire de la ruée vers l’or du Klondike, le Seattle Times publie un appel à souscription à laquelle participe William Boeing. La somme requise sera obtenue en une semaine. Dans cette ville démocratique, un autre appel – quel nom donner à l’établissement ? – suscite près de quatre mille suggestions. Ce sera l’Olympic. Deux ans de construction dans le style Renaissance italienne et inauguration le 5 décembre 1924 par un dîner de gala de deux mille couverts. Les malins revendirent leur place à 10 dollars, dix fois son prix. La high society s’y presse au fil des décennies : Charles Lindbergh avant son vol transatlantique en 1927. Les présidents, dont Franklin Roosevelt venu présenter son New Deal et J.F. Kennedy. Sans oublier le très controversé directeur du FBI, Edgar Hoover, et, en 1954, le « lion de Judée », comprenez l’empereur Hailé Sélassié. Un jour des bruits étranges inquiètent le personnel. On découvrira, sur un fauteuil, un lionceau se languissant du retour de son maître. En 1974, la restauration suscita des débats passionnés et la rénovation engagée par Four Seasons, le nouveau manager, fit passer le nombre de chambres de 756 à 450. Le palace ferma de 1980 à 1982 et tout fut vendu, jusqu’à l’évier de la cuisine ! Il ouvrit par tranches – d’où l’expression soft opening – et, en 2003, Fairmont, qui possède des hôtels historiques au Canada et à San Francisco, repris le management. Aujourd’hui, entre le Georgian, gastronomique, lustres, candélabres à pampilles, et le Shuckers, cadre bistrot, clientèle d’affaires au déjeuner, le choix est cornélien.