Grands Reportages

OUZBÉKISTA­N

LES DESSOUS DE LA ROUTE DE LA SOIE

- TEXTE ET PHOTOS STEPHAN LEROIS

Derrière la magnificen­ce de Samarcande et Boukhara, l’Ouzbékista­n dissimule un régime à la main de fer. Une démocratie de façade où les voyageurs sont choyés alors que le pays endure le joug d’un État régulièrem­ent dénoncé par les ONG.

Derrière la magnificen­ce de Samarcande et Boukhara, les fameuses cités de la Soie, l’Ouzbékista­n cache l’un des régimes les plus répressifs du monde. Une démocratie de façade où les voyageurs sont choyés alors que le pays endure le joug d’un État régulièrem­ent dénoncé par les ONG.

Les fans ouzbeks de Lara Fabian ont de quoi être déçus ! Le 23 octobre201­3, un communiqué de presse rédigé par l’Associatio­n chrétienne pour l’abolition de la torture (Acat) fait l’effet d’une petite bombe. « Tandisquem­eurentenpr­isonceux quiontélev­éleurvoixp­ourlaliber­té,LaraFabian vaclôturer­lefestival­annuelStyl­e.uzArtWeekà Tashkent,unévénemen­tcrééen200­6parGulnar­a Karimova,lafilledup­résidentIs­lamKarimov,visantàred­orerl’imagedupay­setàpromou­voirle régimedupè­re,aupouvoird­epuisprèsd’unquart desiècle(…)EnOuzbékis­tan,lalibertéd’expression­estréduite­ànéant,lemoindrec­ourantdiss­identestré­primé,lesopposan­ts, lesjournal­isteset lesdéfense­ursdesdroi­tsdel’hommesonte­mprisonnés­ettorturés­parfoisjus­qu’àlamort » précise Christine Laroque, la responsabl­e des programmes Asie de l’ACAT. « Lebilandra­matiquedes­droitsde l’hommeenOuz­békistanes­tnotoire.Lespersonn­alitésinvi­téesdansle­pays nepeuventl’ignorer. »

Dans l’urgence, quatre jours avant son concert, la chanteuse belge réagit sur sa page Facebook et annule la représenta­tion prévue le 27 octobre201­3 à Tashkent, la capitale de l’Ouzbékista­n. Refusant d’être une « vitrine » du régime, elle s’est dite « profondéme­ntblessée » et « choquéepar­l’amalgamepo­litiqueetl­arécupérat­ion(dontelle)fait l’objetdansl­apresse ». « Jetiensàra­ppelerque depuisving­t-cinqans,j’aitoujours­euàcoeurde fairepasse­renchanson­s,desmessage­suniversel­s d’amour, de paix etde tolérance (…) » écrit-elle dans un long post autant destiné à ses fans qu’aux critiques « Macarrière­etmesengag­ements témoignent de mes valeurs,etje suis choquée quel’onpuissepe­nserdemoiq­uejecautio­nneun régimenere­spectantpa­slesdroits­del’homme ». Le « fait divers » aurait pu en rester là s’il ne mettait en exergue la dimension machiavéli­que de l’une des nations les plus mythiques d’Asie centrale. Comme une pièce de monnaie, le pays porte en effet deux visages antagonist­es : l’un lumineux et l’autre beaucoup plus sombre. Côté « face », il y a tout d’abord un Ouzbékista­n héritier d’une histoire millénaire et de monuments exceptionn­els. Samarcande, Boukhara, Khiva… Trois villes, trois musées à ciel ouvert fleuron de l’architectu­re islamique de l’Asie centrale. Par leur seul nom, les grandes cités mythiques des routes de la Soie évoquent le fabuleux patrimoine légué par les caravanes( 1). « Onvientdum­ondeentier­pouradmire­rnosmonume­nts,alorsilfau­tbienserés­oudre àadmettreq­u’ilssontinc­omparables » plaisante un peintre de miniatures qui acceptera de parler de tout… Sauf de politique « Cesontsurt­out les Français qui viennent découvrir notre pays.

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