« LA VILLE DES PRODIGES », COMME L’A SURNOMMÉE EDUARDO MENDOZA, RECÈLE MILLE MERVEILLES D’ART ET D’ARCHITECTURE
Véritable musée à ciel ouvert, le passeig de Gràcia campe parmi les plus belles avenues du monde. Entre les boutiques de luxe qui en font un haut lieu du shopping, on y admire des édifices modernistes remarquables, signalés par des pavés de couleur rouge au sol. Centre névralgique : le pâté des maisons n° 41 à 43, surnommé « manzana de la discordia », car trois architectes y rivalisèrent d’ingéniosité : Josep Puig i Cadafalch avec la casa Amatller, Antoni Gaudi avec la casa Batllo et Domènech i Muntaner avec la casa Lleo Morera. La casa Batllo incarne toute l’excentricité géniale de Gaudi. Sa façade couverte de céramiques bleu-vert évoque, comme disait Dali, « la surface moutonnante de la mer ». La toiture fait penser aux formes arquées d’un dragon dont les tuiles seraient les écailles. Depuis 2013, tout l’intérieur de l’édifice est accessible au public, à l’exception des étages supérieurs occupés par des bureaux. Le bleu marine, très présent dans la décoration à base de céramiques, donne le sentiment de pénétrer dans un vaisseau sous-marin, tel le Nautilus du capitaine Nemo. Plus haut sur l’avenue, au n° 92, se dresse, ou plutôt pousse, une étrange sculpture géante, dépourvue de ligne droite. La façade de granit de la casa Milà, surnommée aussi la Pedrera (« carrière » en catalan) ondule nonchalamment, comme une vague pétrifiée, avec ses balcons en fer forgé aussi entortillés que des touffes d’algues marines. Sur la terrasse, les cheminées se donnent des airs de fantomatiques guerriers casqués. Passé la vaste place de Catalogne, envahie de pigeons et de badauds, une descente s’impose sur les Ramblas, moelle épinière de Barcelone, toujours animées d’une dense marée humaine.