Un bâtisseur extravagant
Impossible, à Barcelone, d’échapper à l’empreinte de Gaudi (1852-1926) et de son oeuvre à la fantaisie débridée. 14 édifices du maître du modernisme jalonnent la ville, dont 9 classés par l’Unesco. Parmi eux, le palais Güell, au bas de la Rambla, l’un des plus emblématiques. Construit entre 1886 et 1890, cet hôtel particulier est l’un des premiers témoins de son génie novateur et marque l’apparition de l’Art nouveau catalan. Après sept ans de restauration, l’édifice a rouvert au public en 2011. Des écuries à la terrasse, les visiteurs y découvrent l’originalité surprenante de Gaudi dans le traitement de l’espace et de la lumière, mais aussi dans la richesse du travail décoratif (ferronneries à entrelacs, vitraux, colonnes de marbre, mobilier en bois précieux). À l’autre bout de sa vie de bâtisseur, en 1882, Gaudi débute son projet le plus délirant, la Sagrada Família, ode exubérante à la divinité. Il mettra toute sa passion dans cette oeuvre. Laissant libre cours à son génie, il imagine un édifice religieux de 18 tours et de trois façades dédiées à la Nativité, la Gloire et la Passion. En construisant en pierres de taille, Gaudi veut perfectionner l’art gothique des cathédrales. L’utilisation d’arcs paraboliques et de colonnes obliques lui permet de supprimer les arcs-boutants et contreforts, afin de donner plus de verticalité à l’édifice. L’emploi de mosaïques lui confère une polychromie féerique. L’architecture s’inspire de l’observation de la nature, en particulier dans la géométrie des courbes, hyperboloïdes et hélicoïdes. Renversé par un tramway en 1926, Gaudi ne verra jamais l’achèvement de sa cathédrale. Seule la façade de la Nativité était terminée. Sa décoration stupéfiante évoque un magma de formes fantastiques où s’entremêlent personnages bibliques, bestiaire médiéval et plantes entrelacées. De nos jours, le chantier faramineux se poursuit, financé par les dons et les billets d’entrée. L’édifice a triplé de volume depuis Gaudi. La façade de la Passion, réalisée par le sculpteur Josep Maria Subirachs, affiche hélas un style anguleux, kitsch et dissonant. La nef a été achevée en 2008. L’ensemble de la basilique devrait être fini en 2026, pour le centenaire de la mort de l’architecte. Ou peut-être aux alentours de 2030… Comme le disait Gaudi en regardant le ciel : « Mon client n’est pas pressé ».