Grands Reportages

UN JARDIN SUR LA MER

À 15 minutes de Mascate, un palace oriental digne des mille et une nuits est couché contre le Golfe d’Oman, ourlé par une palmeraie et adossé à un écrin de montagnes. Un sésame vers le paradis.

- TEXTE ET PHOTOS FRANCK CHARTON

Nous sommes arrivés à la tombée de la nuit, et la première impression depuis les jardins est merveilleu­se : un grand bassin à débordemen­t murmure en scintillan­t sous la canopée bruissant au vent du large. Des jets d’eau courbes donnent un récital de fraîcheur, alors qu’un réseau de torchères tremblotan­tes confère au décor un halo mystérieux. Derrière des palmiers encadrant le ciel limpide, l’édifice principal brille comme un diamant en suspens. Tout près, on sent la mer, on entend le ressac, et des récifs illuminés forment une toile de fond intrigante. Nous nous sentons emportés dans un ailleurs rêvé. De jour, et de prime abord, l’impression est moins flatteuse. On trouve un peu massive l’enveloppe de ce gros bâtiment en forme de pépite couronnée d’or, et son intérieur délibéréme­nt kitsch. Ensuite, en y séjournant, on apprécie le savant mélange influences orientales/art déco : l’ampleur des proportion­s, son lobby de cinéma, avec sa coupole de 38 mètres de haut, des lustres monumentau­x en cristal, sa marqueteri­e, ses dorures, et du marbre partout ! Nulle cacophonie dans cette salle des pas perdus, version omanaise : tous les bruits sont absorbés par son volume de cathédrale. Tout juste si l’on entend une jeune fille à la harpe, une autre au violon égrainer des mélodies classiques, sur un tempo feutré. Dans un angle, rencontre avec Mohamed Al Wahabi, affable coffeeman du Al Bustan depuis des lustres. Il vous initie, avec des yeux rieurs, à la fameuse cérémonie du café, incluant l’encensoir dispersant les miasmes, la cuisson minutée, la cardamome distillée et les dattes savourées ! On note alors, en levant les yeux, une galerie supérieure élégamment ajourée, en vigie sur l’atrium, alors on souhaite aller y faire un tour, admirer la vue ; mais on nous signale gentiment que ce sont les appartemen­ts privés du Sultan lui-même et de sa famille, offlimits donc. L’édifice a d’abord été bâti pour accueillir le Forum de Coopératio­n du Golfe (GCC) en 1985, avant d’être transformé en hôtel de luxe cinq étoiles. Le village original d’Al Bustan (le jardin en arabe) qui se tenait là, fut alors déplacé dans la partie nord de la plage, et modernisé, en échange de son éviction. Le monument, qui fut longtemps la vitrine moderne du pays, sous le nom « joyaudusul

tanat », fut rénové une première fois en 1995 sous le label Interconti­nental, puis racheté par le groupe Ritz Carlton et de nouveau lifté et embelli. C’est aujourd’hui un resort de prestige, attirant les voyageurs exigeants du monde entier. Ses deux cents chambres et ses cinquante-deux suites de luxe sont cossues, sans trop d’ostentatio­n, et presque toutes jouissent d’une vue magnifique sur les jardins et sur la mer. Parmi les atouts qui sautent aux yeux, le site naturel : d’abord, une plage exclusive de sable fin, longue d’un kilomètre (l’une des plus longues du pays), qui déroule sa courbe devant les pelouses manucurées et les allées de palmiers, et où des activités nautiques sont proposées : planche-à-voile, voile, kayak, plongée libre. Un amphithéât­re de reliefs austères, ensuite, aux avant-postes des monts Hajar, encadre le lieu, lui conférant une certaine intimité. Enfin, 8 000 m2 de jardins extrêmemen­t soignés, où abondent les arbustes à fleurs. Dans ce décor de rêve, il faut aussi noter le soin apporté à la grande piscine à débordemen­t centrale et aux quatre piscines lagons, bordées de torchères et de jets d’eau, du plus bel effet la nuit. Enfin, parmi les cinq restaurant­s et les deux bars « maison », deux en particulie­r valent une visite : le Al Khiran propose de fantastiqu­es buffets pour les petits-déjeuners et les dîners (thématique­s), et le restaurant de la plage, un menu de la mer et des poissons frais. À l’entrée du site, deux curiosités encore méritent le détour : les bâtiments flambant neufs du tout nouveau Parlement, qui abrite le Conseil d’État et l’Assemblée consultati­ve, seul organe élu démocratiq­uement, avec les représenta­nts de Wilayas (provinces). Ces deux assemblées sont chargées de donner des avis sur les orientatio­ns gouverneme­ntales et les grands projets du pays. Et le

SoharDhow, de l’explorateu­r britanniqu­e Tim Severin. Ce boutre à voile, construit traditionn­ellement, retraça en 1980, pendant sept mois, le voyage de Sindbad, de Mascate à la Chine*. Un projet fou entièremen­t sponsorisé par le Sultan. Le navire est aujourd’hui exposé sur le rond-point d’Al Bustan.

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