TANDIS QUE MADRID DEPRIME, BARCELONE SEMBLE IGNORER LA CRISE. LES VACANCIERS Y AFFLUENT EN NOMBRE CROISSANT
Pour saisir la ville, prendre d’abord de la hauteur. Les tours de la Sagrada Familia et le parc Guëll de Gaudi dévoilent un immense panorama urbain ouvert sur la mer. Symbole de Barcelone, la Sagrada Família reste indissociable de ses grues. Même inachevée, la basilique est aujourd’hui le monument le plus visité d’Espagne. L’intérieur est tout simplement renversant. Les colonnes de la nef, en porphyre blanc, se ramifient comme des branches d’arbre vers le ciel, semblant défier les lois de l’équilibre. Le parc Guëll, lui, s’étage à flanc de colline sur les hauteurs du Carmel. Au milieu des pinèdes touffues et des allées de palmiers, Gaudi a composé un jardin tout en courbes et en curiosités. Pavillons bariolés et tordus comme des guimauves, grottes sinueuses, cheminées en forme de champignons, banc serpentiforme et chimères à peau de céramique multicolore : on navigue dans un curieux mélange de jardin de Bagatelle et de Luna Park.
Le promontoire escarpé de Montjuic, accessible en téléphérique depuis le port, offre lui aussi un excellent point de vue sur la ville. Hormis la citadelle, la plupart des édifices y remontent à l’Exposition universelle de 1929. C’est le cas du palais national, qui abrite aujourd’hui les collections historiques du musée d’Art de la Catalogne et, en contrebas, de la colossale place d’Espagne, dont les arènes ont été converties en centre commercial. Le stade olympique date aussi de 1929, mais il a été entièrement remodelé pour les Jeux Olympiques de 1992. Montjuic, c’est aussi la Fondation Miro, l’un des enfants prodiges de Barcelone. Dans un vaste bâtiment baigné de lumière, sont conservées plus de 10 000 oeuvres de l’artiste. L’occasion d’une plongée enivrante dans le « Miromonde », éclatant de couleurs vives et de formes ludiques. À prolonger, un peu plus loin, par un bain de verdure dans le ravissant jardin botanique. Autre poumon vert de Barcelone : le parc de la Ciutadella, à l’est de la vieille ville. L’immense parc abrite deux constructions impressionnantes, élevées à l’occasion de la première Exposition universelle en 1888 : l’arc de triomphe, oeuvre de Josep Vilaseca, et le café-restaurant dit Château des Trois-Dragons, dû à Lluís Domènech i Montaner. Les deux expositions universelles de 1888 et de 1929 ont marqué l’histoire de Barcelone. Au tournant du siècle, la ville connaît en effet un développement fulgurant, très bien retracé par Eduardo Mendoza dans La Ville des prodiges. En 1859, les imposantes murailles d’origine romaine sont abattues. La ville peut enfin se déployer à son aise. Débute alors, au nord, la construction de l’Eixample, l’extension de la ville au quintuple, selon un plan en damier conçu par l’architecte Ildefons Cerdà. C’est le quartier de l’architecture moderniste, l’Art nouveau catalan, où s’affirme le goût ostentatoire de la bourgeoise industrielle en pleine ascension.