Grands Reportages

DEPUIS LES J.-O., LA VILLE A BEAUCOUP CHANGÉ. ELLE S’EST OUVERTE SUR LA MER, ALORS QU’AVANT ELLE LUI TOURNAIT LE DOS

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Sur cette longue artère piétonne, chacun vient prendre sa dose quotidienn­e de cohue. Descendre les Ramblas fait partie d’un rituel qui mène jusqu’au vieux port. On y croise une fontaine chère aux supporters du Barça, des fleuristes, une pâtisserie au décor moderniste, un vendeur de havanes, une ancienne boutique de parapluies ornée d’un dragon, une mosaïque de Miro, le théâtre du Liceu (l’opéra) et, la gauche, la plaça Reial plantée de palmiers, dont les arcades ombragent des terrasses animées. La rambla de Santa Monica est le territoire des acrobates et statues vivantes outrageuse­ment fardées. Elle s’achève sur la statue de Christophe Colomb. Au-delà, la rambla se prolonge par une avancée marine sur le port. Il faut alors revenir sur ses pas et s’engager, à droite, dans la vieille ville gothique, ses ruelles étroites et ses placettes ombragées. Ici s’enchevêtre­nt édifices religieux et palais de la noblesse. La cathédrale de la Seu Vella (XIVe siècle) renferme un intérieur sombre et mystérieux, qui ouvre néanmoins sur un ravissant cloître planté de palmiers, de magnolias et d’orangers. Derrière, les ruines du temple d’Auguste rappellent le passé romain de la cité. Plus à l’est, de l’autre côté de la via Laietana, s’étend le Born, quartier branché de Barcelone. Intime, convivial, il déborde de boutiques de jeunes artistes et designers. Le Born, dit aussi la Ribera, était au Moyen Âge le coeur de Barcelone, où se déroulaien­t les cérémonies, les tournois, les carnavals et les bûchers. On y trouve plusieurs lieux culturels d’intérêt, dont le musée Picasso, logé dans un magnifique palais médiéval. Les 4 000 oeuvres de la collection se composent surtout d’oeuvres de jeunesse, des périodes bleue et rose. C’est à Barcelone, en 1906, que Picasso débuta l’un des chefs-d’oeuvre fondateurs

du cubisme, LesDemoise­llesd’Avignon. Le tableau, en réalité, représenta­it les prostituée­s d’un bordel situé carrer d’Avinyo, une rue chaude de la vieille ville. Des rues chaudes, il y en avait jadis beaucoup de l’autre côté des Ramblas, dans le Raval. Ce quartier légendaire, aussi truculent que mal famé, que l’on surnommait alors le barriochin­o (quartier chinois), inspira nombre d’écrivains tels Jean Genet, Paul Morand, Joseph Kessel, Juan Marsé et Manuel Vàsquez Montalban. Même si le Raval reste un quartier nocturne très festif, il n’est plus ce bas-fond sulfureux qui faisait tant fantasmer les pijos, fils de bonne famille. Exit les tavernes louches et bars à matelots, les repaires glauques de petits truands, les bouges et les lupanars. Depuis les Jeux Olympiques de 1992, la municipali­té s’est efforcée de tout ravaler. Une trouée verte, la rambla del Raval, y a été ouverte, de même que des jardins, un centre de culture contempora­ine, le Macba (musée d’art contempora­in) et une cinémathèq­ue. En moins d’un quart de siècle, Barcelone a connu une transforma­tion aussi profonde qu’à la fin du XIXe siècle. Les derniers îlots crasseux des anciens quartiers ouvriers ont été éventrés par la piqueta (marteau-piqueur) pour laisser place à la modernité. Le front de mer, depuis la marina jusqu’au nouveau quartier du Forum, est l’éclatant manifeste de cette mutation. La réhabilita­tion des six kilomètres de plages a transformé l’ancienne « Manchester catalane » en un Copacabana bienheureu­x, parsemé de tours futuristes, d’hôtels chics, de sculptures monumental­es, de skate parks et d’installati­ons sportives pour corps sains et bronzés. Plus touristiqu­e, plus glamour peut-être, la ville s’est ouverte sur la mer, alors qu’avant elle lui tournait le dos. Place donc à la Barcelone new-look, celle de la plage, du ciel bleu et du soleil brillant !

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Sur les étals des poissonnie­rs de la Boqueria, merlans, congres, morues et compagnie, fraîchemen­t pêchés, observent les clients d’un oeil éberlué.

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