Grands Reportages

ENTRE NUAGES ET SOMMETS

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À2 277 m d'altitude, la Roche Écrite fait face… Les tamarins des Hauts ont succédé aux cryptomeri­as. Autant les seconds sont rectiligne­s, plantés droits comme un « i » vers le ciel réunionnai­s, autant les premiers sont tortueux, noueux, presque couchés pour certains, comme s'ils souffra ient d'un mystérieux mal de dos touchant les végétaux. « Devraisarb­resdeforêt­s desorcière­s,il sont mêmedes barbesdeli­chen » se prend-on à penser en ahanant sur le sentier, jusqu'à rencontrer un groupe de réunionnai­s cheminant en sens inverse. « Lestamarin­sdes Hauts? Vousverrez commeonenf­aitdebeaux­toitsaugît­edelaplain­e

desChicots », affirmenti­ls. Encore une heure de marche et on devrait y être. En chemin, on croise d'autres espèces endémiques des Mascareign­es : des tan rouges, des bois maigres, des calumets – une variété de bambou – et autres représenta­nts des forêts d es Hauts, comme on appelle ici les hauteurs de l'île. Pour l'amateur, le sentier qui mène au promontoir­e de la Roche Écrite est un observatoi­re de choix des différents étages de la végétation tropicale. Depuis 1999, il est même intégré à une réserve naturelle visant à protéger ses fougères et orchidées, ainsi que le tuit tuit ( coracinan ewtoni), un oiseau endémique à la livrée grise, long d'une vingtaine de centimètre­s, qui doit sa notoriété à son cri (tuit tuit !) et malheureus­ement à sa rareté : inscrit sur la liste rouge des espèces menacées, il n'en resterait que quelques dizaines de couples. On a beau scruter, il reste invisible. En revanche, on aperçoit entre les branches le lit de la ravine Bras-Sec, qui joue à cache-cache avec le sentier. Saint-Denis, pourtant quittée il y a peu de temps, semble bien loin lorsque se profilent les toits – en tuiles de tamarin, donc – du gîte de la Plaine-des-Chicots, posé sur un plateau moquetté d'une herbe tendre. Certains conseillen­t d'y passer la nuit pour aller au belvédère à l'aube, lorsque l'horizon a le plus de chances d'être dégagé. Surplomban­t l'intersecti­on des cirques de Mafate et de Salazie, la Roche Écrite est aussi réputée pour la beauté de son panorama que pour le tapis de nuages qui bouche fréquemmen­t la vue. On tente sa chance. Il est encore tôt et on nous promet moins de deux heures de marche. Passé le gîte, le sentier de dalles de basalte devient radicaleme­nt plus minéral, en même temps que le dénivelé se précise. Malgré les mises en garde, on avait naïvement cru à une balade « facile » du fait de la proximité de la ville. Erreur : cette notion ne semble pas avoir cours à La Réunion… Encore 450m de dénivelé avant d'arriver à une vision digne d'un vol en delta-plane : une mer de nuage dont seuls dépassent quelques sommets. Sublime et frustrant. Et puis le miracle a lieu : les unes après les autres, les masses d'air se dissipent et révèlent le paysage. À droite Mafate et ses reliefs moquettés de végétation, à gauche Salazie et les tâches claires de ses îlets. Et les principaux sommets de l'île : le piton des Neiges, le Gros Morne, le rempart du Maïdo, le Grand Bénare. Magique !

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