Grands Reportages

LA VOIE ROYALE

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Aucune route ne mène dans le plus sauvage des trois cirques de l'île. Un paradis pour les randonneur­s, sillonné de dizaines de sentiers.

On nous avait prévenus. « C'est beau,c'est grand,c'est

sauvage.C'estLEcirqu­eànepasrat­erpourletr­ekkeur ». Mais on est quand même saisi par le spectacle. La vision qu'offre Mafate depuis les 2 081 m du col du Taïbit, la porte d'entrée du cirque en venant de Cilaos, est à la hauteur de sa réputation : un chaos de roche et de verdure à la beauté brute, dans lequel les toits des cases semblent minuscules et l'homme plus petit encore. En regardant la carte, on ne savait pas par quel bout prendre le cirque le plus sauvage de l'île, celui où la voiture n'a encore jamais posé la roue. Le col du Taïbit et ses 750 m de dénivelé ? La descente depuis le col des Boeufs ? Le piton Maïdo et son rempart de 900 m ? Le lit de pierraille de la rivière des Galets ? On a finalement opté pour la voie de Cilaos et un itinéraire de 6 jours, via Marla, La Nouvelle, îlet-à-Bourse, Cayenne, Roche-Plate et le piton Maïdo. Un circuit physique, mais qui offre l'avantage de passer à la fois par le haut et le bas Mafate. Deux visages d'un cirque qui doit trouver sa voie entre la protection de son mode de vie et de son environnem­ent – principale motivation des 100 000 visiteurs annuels qui assurent une large part des revenus des 800 Mafatais –, et le désir de modernité de ces derniers. « Vivre ici n'estpas facile tous les jours,résume un habitantde­LaNouvelle,quidoitàse­s200habita­nts d'êtreconsid­érécommela­capitaledu­cirque.Maisles

progrèstec­hnologique­s–leportable,lesolaire–etle

tourismeon­tdonnéunno­uvelavenir­àl'îlet ». Relativeme­nt facile d'accès en comparaiso­n avec de nombreux autres, le village offre un relatif confort, alors que certains hameaux du Haut-Mafate, moins fréquentés, vivent davantage en autarcie et se battent au quotidien avec des problèmes d'alimentati­on en énergie et d'adduction d'eau. Certains voudraient voir Mafate évoluer vers davantage de modernité. D'autres, en faire un sanctuaire de la vie traditionn­elle des Hauts de l'île. Mais tous partagent une même volonté : préserver la beauté du site. Le randonneur ne s'en plaindra pas. À Marla, on peut oublier l'heure en regardant les nuages dessiner des ombres sur le massif, rempart ouest du cirque. Sur les hauteurs de la Nouvelle, on ne se lasse pas de contempler les replis de basalte de la Rivièredes-Galets. Tout comme on laisse filer le temps en détaillant les îlets depuis Roche-Plate ou en contemplan­t le piton Diable depuis les environs d'Îlet-à-Bourse… Et puis il y a cette ambiance particuliè­re du cirque, les carris au feu de bois, les conversati­ons au gîte, les soirées à regarder les étoiles. Après six jours dans le cirque, on se retrouve un matin à gravir les 900 m de sentier abrupt qui monte sans états d'âme vers le piton Maïdo, espérant y arriver avant que le soleil ne passe au-dessus des sommets et chauffe le basalte. En peinant dans la montée, on se rappelle ce qu'on nous avait dit. « C'est

beau,c'estgrand,c'estsauvage ». C'est vrai !

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