Grands Reportages

AU-DESSUS DE L'OCÉAN

PITON DES NEIGES

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Les trois cirques réunionnai­s s'ouvrent autour de lui comme les pétales d'un trèfle, comme pour rappeler que la création de l'île a commencé avec cet ancien volcan. À 3 071 m d'altitude, le piton des Neiges est un must.

Le gîte s'est couché tôt. Vers 21heures, le kari avalé et le verre de rhum arrangé étanché, on compte sur les doigts de la main ceux qui sont encore debouts. Il faut dire que le réveil sonnera tôt et que l'enjeu est de taille. Pour beaucoup, Réunionnai­s comme visiteurs de passage, c'est un must, un passage quasi-obligé : monter jusqu'au gîte de la caverne Dufour, y passer la nuit et reprendre la progressio­n dès l'aube jusqu'au toit de l'océan Indien. À 3 071 m au dessus du niveau de l'océan Indien, le piton des Neiges n'a que très rarement vu la neige – de très rares fois de mémoire humaine – mais est incontesta­blement la star de l'île pour les amateurs de trek. La première journée a été rude. Depuis Le Bloc, à quelques kilomètres de Cilaos, le sentier a entamé sa montée continue sous l'ombre des cryptomeri­as, avec de hautes marches, taillées dans la roche et la terre, qui cassent les genoux. Il fut un temps où l'on pouvait s'y faire doubler par le gardien du gîte, le sourire aux lèvres et la bouteille de gaz sur l'épaule, qui gambadait les pieds dans ses tongs, coupant les lacets du sentier, pour aller préparer le repas du soir. Le gîte, aujourd'hui, est ravitaillé par l'hélicoptèr­e, qui bourdonne au-dessus des frondaison­s. Il lui faut quelques minutes pour faire l'aller-retour quand le randonneur sue et peine trois heures durant. Mais en se retournant on a la récompense du panorama, la satisfacti­on de voir les toits de Cilaos rapetisser à mesure que l'on progresse. Le plateau du Petit Matarum a marqué un moment de répit puis les courbes de niveaux ont repris leur succession implacable et on a fini par atteindre le gîte. Après le dîner, on fait comme les autres : on prépare son sac pour le lendemain, on s'installe sur son lit et on s'enfonce dans son duvet. Extinction des feux. Cinq heures et demie. Le jour n'est pas encore levé mais déjà une colonne de lucioles s'étire dans le froid piquant. La frontale sur la tête, engoncé dans la polaire, on suit la chenille des trekkeurs en route vers le sommet. Le souffle est un peu plus court que la veille – est-ce l'altitude ou les petits verres de rhum ? –, la progressio­n rendue malaisée par le chemin de pierre et de scories, qui se défilent parfois sous le pied en un roulement mat. Des marques de peinture blanche guident dans un univers volcanique jusqu'à la cime, que l'on atteint dans la lumière hésitante du jour neuf. Debout dans le vent, on admire alors le paysage, à 360° : la Fournaise, le sommet de l'Entre-Deux et le coteau Kerveguen, le Grand Bénare et ses 2 898 mètres, la silhouette caractéris­tique du col du Taïbit, les dents de pierre des Trois Salazes et la mer, au loin, frangée d'une ligne d'écume. Le plus beau panorama sur l'île ? Pas forcément (la concurrenc­e est rude). Mais assurément le plus gratifiant.

 ??  ?? On aura beau scruter : impossible de voir plus haut sommet à des milliers de kilomètres alentour. Hormis certains volcans indonésien­s, le piton des Neiges est le toit de l'océan Indien. © Franck Guiziou/Hemis.fr
Le soleil éclaire les 3 071 m du piton...
On aura beau scruter : impossible de voir plus haut sommet à des milliers de kilomètres alentour. Hormis certains volcans indonésien­s, le piton des Neiges est le toit de l'océan Indien. © Franck Guiziou/Hemis.fr Le soleil éclaire les 3 071 m du piton...

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