Grands Reportages

L'EXPLORATIO­N DES TUBES DE LAVE PERMETTENT UNE DÉCOUVERTE UNIQUE AU COEUR DU VOLCAN

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sur le lait : pendant l'éruption, une croûte se forme au contact de l'air. Elle durcit tandis que, dessous, la lave continue sa fuite. Quand enfin le flot tarit, il laisse une mystérieus­e cavité. Les guides avertis vous emmèneront les explorer : avec parfois deux kilomètres de long, c'est déjà de la spéléo. Tout ce monde dangereux est à peine moins impression­nant une fois solidifié. La Fournaise elle-même se visite. Tout commence par l'Enclos, fer à cheval basaltique de 11 km sur 6. Ce n'est autre que l'immense caldeira (le cratère principal) dans laquelle pointent des cônes secondaire­s. Vu d'en haut s'étale le sublime désordre qui fuit vers le lointain, jusqu'au piton proprement dit, et au-delà, sur la pente qui bascule vers la mer. Les bons marcheurs pourront randonner jusque-là. Depuis le Pas de Bellecombe, on atteint le fond de l'Enclos au bout de longues rambardes de bois odorant, suivant un zigzag en pente douce jonché de pierres instables. Les chaussures s'éraflent. Les pieds souffrent déjà. Voici le fond du chaudron. La températur­e et l'hygrométri­e sont différente­s. Il fait plus frais. Parfois, il pleut quand là-haut le soleil darde. À présent, vous foulez les nattes, les torsades râpeuses ou lissées de la lave. Devant s'étale une mer goudronneu­se, avec des plages de grattons brique ou anthracite. Vous poursuivez, dans un son clair de poterie, comme si le halètement bestial du volcan s'était glacé en cri ululant d'oiseau blessé. Des mousses ont retouché la roche austère. Des arbustes maigres ont percé la chape. À votre gauche, pointe le cratère de Formica Leo - baptisé ainsi parce qu'on y trouve des fourmis-lions. Au sommet du piton, le cratère Dolomieu brandit le nom du géologue dauphinois Déodat de Dolomieu. Il s'est effondré lors de l'éruption de 2007, fusionnant avec celui de Bory, « trou

volkan » plus petit. Cette année-là, comme suicidaire­s, les coulées ont filé jusqu'aux vagues de la côte est. Cela arrive parfois : dans un panache de loco à vapeur, les flux noirs et vermillon se figent alors, formant dans l'eau salée des paquets cylindriqu­es, usine à boudin devenue folle, que demain les plongeurs exploreron­t à loisir. Et chaque fois, ce bon 974 (numéro départemen­tal de l’île) y gagne quelques centaines de mètres carrés. Le flanc oriental reste le plus exposé, qui ne s'appelle pas pour rien Grand Brûlé, désert alternant bosquets j e u n es, coulées sombres, et champs charbonneu­x où perce et verdoie le végétal. Maintes fois liquéfié, le bitume de la route N2 passe au travers, et malgré leurs bulldozers, les Ponts et Chaussées doivent négocier avec des bas-côtés qui fument encore. Certes, La Réunion n'a pas son Pompéi, mais les villages, les ponts, les cultures sont parfois rognés par les laves. Chaque fois, les nappes phréatique­s sont empoisonné­es au dioxyde de soufre, tout comme les poissons qui remontent tristement. Vicieux ou sublimes, tous les volcans sont pareils : ils ne se domptent pas, ils se calculent un peu, mais se prennent surtout avec philosophi­e.

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