DES MILLIERS D’ADEPTES DU NÉO-DRUIDISME SE RASSEMBLENT POUR CÉLÉBRER LE JOUR LE PLUS LONG DE L’ANNÉE
flûtiaux et guitares s’y sont donné rendez-vous, dans une cacophonie symphonique. Des grappes de fêtards juchés sur les blocs sacrés trépignent, se prennent en selfie, s’embrassent ou chantent, extatiques, les yeux aux nues. Vers minuit, le tempo des tambours se fait plus pressant ; scansion obsédante qui finit par battre dans nos veines comme une pulsation vitale. Une délégation d’hommes et de femmes dans des tuniques blanches à capuchons, bourdons customisés à la main, s’avance dans le saint des saints. Miracle : comme les eaux de la Mer Morte, le mur humain s’ouvre devant eux. Entourés d’ovates (initiés aux fonctions manuelles et artistiques), de bardes (degré supérieur d’enseignement philosophique), les druides (grade ultime, accès aux fonctions sacrées, aux savoirs phytothérapiques et ésotériques) forment un cercle, en se tenant les mains. Les points cardinaux sont salués un à un, au nom du pouvoir de la terre, du ciel, de la mer, des étoiles. Les pierres sont consacrées par le feu et bénies par l’eau. La prière collective invoque en boucle les valeurs primordiales -force, savoir, justice, amour- Après les offrandes liquides, végétales et métaphoriques (épée, calice, pierres encore), vient enfin l’awen, sorte de ôm néodruidique, qui projette vers le cosmos les forces de vie chargées de maintenir l’équilibre du monde, dans un long soupir extatique.
Près de la pierre levée, servant de cadran solaire, la confrérie de l’officiel Roi Arthur Pendragon, baptisée LAW (Loyal Arthurian Warband) donne des interviews, racontant ses décennies de lutte devant les tribunaux pour obtenir le droit d’officier sur le site, de porter épée et oriflamme. Leur blason : un dragon ailé, écarlate et en érection, portant épée et couronne ! Vers 4 h 30, l’horizon rougeoie. Un frisson parcourt la foule compacte. À l’heure dite, au moment où l’astre solaire fait son apparition en majesté, une immense clameur secoue des milliers de poitrines. Horizon, pierres et coeurs s’embrasent de concert dans un élan à la fois fraternel et tellurique. Dévotion, ferveur, exultation, c’est un grand moment de communion avec la Terre-Mère, que vient féconder le soleil immuable. Des gens tom-
Les tambours ont repris.
bent en transe. Une rave-party géante s’improvise sur la pierre des sacrifices. Chacun vit le moment à sa façon, dans l’intériorisation ou le lâcher-prise. Pendant deux heures, règne un sentiment ineffable, qui gagne même les esprits les plus rationnels. Dans la lumière dorée, un souffle impalpable caresse l’assistance, qu’elle soit en salutation yogique, en prosternation ou en pogo endiablé. Woodstock revisité, Tro Breizh (pèlerinage celtique), ou répétition du Burning Man (festival new age du Nevada) ? Quelle que soit sa motivation, une expérience à vivre !