DES CHEMINS OÙ LE VENT ET LES NUAGES TRANSFIGURENT LA BEAUTÉ DES PAYSAGES
Ils sont tombés du ciel juste après le col, comme une bande bruyante de mauvais garçons embusqués. Pas moins d’une dizaine de membres, oeil tatoué de jaune sur frou-frou de vert émeraude. Un vrai gang, juste sous le sommet du mont Luxmore. Si vous n’avez jamais été « inspecté » par des kéas sur un sentier de montagne néo-zélandais, vous n’avez aucune idée de ce que le mot culot veut dire pour un oiseau : les seuls perroquets au monde à vivre en altitude sont des stars des montagnes de l’île du sud. Mieux que les gigantesques moas disparus ? Très intelligente et totalement extravertie, cette espèce endémique, décrite en 1856 et longtemps pourchassée est capable d’inspecter sans crainte votre sac à dos, vos gants, vos chaussures, histoire de voir s’il n’y a pas quelque chose à grignoter… Trois minutes d’observation les yeux dans les yeux, comme pour vérifier si vous allez respecter les consignes très strictes du Department Of Conservation (« Ne nourrir en aucun cas les animaux »). Puis envol collectif. Le silence retombe. La rencontre express est digne d’une époustouflante journée entre crêtes et ciel sur la Kepler Track, le dernierné des Great Walks de Nouvelle-Zélande, dans le parc national des Fiordlands. La Nouvelle-Zélande est une terre de Nature ? Les Fiordlands en sont la quintessence sauvage. L’opposition est classique : si les terres de l’île du nord, et notamment ses zones volcaniques, sont des sanctuaires de beauté, tous les Néo-Zélandais considèrent que l’île du sud (un million d’habitants sur une terre grande comme le Népal), est un réservoir de son essence brute. Et notamment ses côtes occidentales balayées par les vents d’ouest, là où s’élèvent les Southern Alps, le coeur blanc, vert et bleu de la Nouvelle-Zélande. C’est dans cet enchevêtrement de sommets et d’anciennes vallées glaciaires profondément creusées, entre lacs étroits et forêts primaires que le Mont Cook (ou Aoraki, 3754 mètres d’altitude), point culminant du pays, survole les glaciers de Tasman à moins de 40 kilomètres de la côte. L’ouverture de la route délicate reliant Te Anao à Milford Sound, le sublime fjord le plus visité de la région, date de 1953. Sous la silhouette esthétique du Mont Apsiring, le Cervin de la Nouvelle-Zélande, la piste (bitumée en 1995) reliant Wanaka à la côte ouest ( via le Haast Pass) fut inaugurée, elle, en 1965. Des mondes isolés, dur à vivre ? La région frôle l’inhabité : 50 résidents permanents recensés en 2006. 7 mètres d’eau par an. 300 jours de pluie sur les côtes. La neige en altitude l’hiver. Le parc national lui-même, le plus vaste de Nouvelle-Zélande (12 500 km2), est intégré dans les 1 725 437 hectares du grand Te Wahipounamu, un gros quart de l’île classé au patrimoine mondial de l’Unesco. On vient du monde entier dans les Fiordlands. En voiture, en bus, beaucoup en hélicoptère et en petit avion.