FASTES VESTIMENTAIRES ET CACOPHONIES MUSICALES CARACTÉRISENT LES FÊTES DU NOUVEL AN CHINOIS
L’architecture reste traditionnelle : maisons massives et trapues en bois, pignons en encorbellement et toits de tuiles. Mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que nombre de ces belles maisons cossues sont en réalité en béton, grimé et peint couleur pin ! Exception pour Langde, charmant village ancien aux maisons de bois patiné, placettes pavées et maïs accroché en guirlandes sous les toits. La paille de riz forme d’insolites meules en quenouilles plantées au bord des champs, telles des vigiles de foin gardant les cultures. Des femmes, une serviette éponge enroulée sur la tête en guise de coiffe, se pressent gentiment autour de nous, proposant petits bijoux ou tissus brodés. À cause du froid polaire, la fête des Miaos Noirs, ou Miaos à longue jupe, est reportée sine die. Premier contretemps. Après quelques coups de fil, nous reprenons la route. Retour à Kaili, capitale du Guizhou oriental et villechampignon en plein chambardement : gentrification du centre, quartiers neufs, percement de nouveaux boulevards, dessertes modifiées, le chauffeur lui- même est décontenancé. La sortie de la ville n’est qu’un chaos de noeuds autoroutiers, viaducs, carrières et chantiers où s’activent des dizaines de grues et d’engins. Direction, le canton de Da Feng Dong. Au bord des routes, d’innombrables abribus surmontés de coiffes d’argent, ponts à toits multiples, portiquespagodes, totems sculptés ou panneaux d’information. La symbolique miao, gejia, dong, yi ou zhuang se niche dorénavant partout, comme pour faire oublier que ces « minorités » furent ignorées ou méprisées pendant des décennies. En dix ou quinze ans, on est passé d’une ethnicité embarrassante, confidentielle, à la marge, à son marketing décomplexé et son exhibition tous azimuts. Les anciens barbares, citoyens de seconde classe, sont devenus à la mode, donc chouchoutés, car bankables, artisans précieux d’un développement touristique exponentiel, à défaut d’être durable.