AU- DELÀ DU SIMPLE DÉPAYSEMENT CULTUREL, LA RADICALITÉ DU DÉCALAGE SPATIO- TEMPOREL
Un décor résolument urbain, une estrade bordée de bâtiments gris et tristes. Le thermomètre est calé dans le négatif, une bruine verglaçante tombe sans discontinuer. Mais l’ambiance est gaie, une foule locale se presse entre les stands. Des gargotes sous parasols servent des soupes de nouilles épicées et des abats en sauce. Une troupe Gejia répète, un cercle se forme. Les garçons, résolument entre deux mondes, arborent pantalons de cuir et bananes capillaires yéyé mais, tout en se dandinant, soufflent avec conviction dans leurs lusheng, ces orgues à bouche en bambou, indissociables des fêtes communautaires. Les filles arborent de scintillants costumes brodés, de larges colliers d’argent et des coiffes colorées. Enfants morveux, anciens en parkas militaires et casquettes Mao, femmes en blouses brodées ou batikées, bleues, mauves ou noires, qui sont autant de variations des teintures indigo, forment un parterre bon enfant. Un tambour
Place centrale de Huangping.
cyclopéen, appelé mugu, similaire à ceux qui marquent l’entrée des villages balinais, résonne puissamment, frappé en cadence par un couple en pagne : entrée en scène des Miaos Shidong. Les hommes s’époumonent dans des lusheng géants, alors que les danseuses, en mini- jupes et bras nus, paradent sous des globes d’argent parsemés de fleurs. Efficace ! Alternance de danses traditionnelles au son syncopé mais monocorde des pipeaux géants, et de chorégraphies modernes sur une sono chinoise, rythment le spectacle. Les filles grelottantes courent se rhabiller entre chaque numéro. Un jury note les prestations des troupes venues de différents villages, les résultats étant annoncés au micro, avec un prix de 1 500 Yuans ( 180 euros) à la clé. Contrairement aux fêtes plus « jolies » organisées pour les visiteurs sur les placettes des villages par les opérateurs locaux, ce type de rassemblement urbain ou péri- urbain n’a rien de touristique. Seul étranger ici, je suis