DEPUIS QUATRE SIÈCLES ET DEMI, LA PLAZA DE ARMAS SYMBOLISE LE COEUR VIBRANT DE LA CITÉ
angle de la Plaza. Fontaine dédiée à Simon Bolivar, le grand « libertador » , dizaines de joueurs d’échecs disputant leurs parties à l’ombre des palmiers, artistes de rue en représentation, au centre des cercles de spectateurs, retraités regardant défiler la marée des badauds et vendeurs à la sauvette, composent un tableau familier. En fin d’après midi, les danseurs de cuenca, la danse nationale d’inspiration créole, prennent parfois possession de l’esplanade : il faut les voir sautiller et agiter leur foulard, imitant la cour du coq, sous les vivats d’aficionados passionnés.
Entre la Plaza de Armas et la Plaza de la Moneda,
siège du palais présidentiel bordé de bassins et ex- hôtel de la monnaie, un maillage de grandes rues piétonnes, notamment les Paseo Huerfanos, Ahumada et Estado, dessinent un centre très animé, vibrant de multiples saynètes : artistes, musiciens, mimes, bonimenteurs ou cireurs de chaussure. On y déambule dans une cacophonie bon enfant, en dégustant le traditionnel mote con huesillos, une boisson rafraîchissante et nutritive, à base de blé cuit et de sirop de pêches déshydratées. Visite incontournable à la cathédrale, du XVIIIesiècle, qui fait face à d’immenses tours de verre bleu. Très peu de patrimoine colonial a survécu aux séismes récurrents. Tout près, le musée précolombien, une merveille du « nouveau Santiago » , a réouvert en 2013. Ses collections exhibent notamment un remarquable échantillon de poteries anthropomorphes issues des cultures pré- incas, une splendide frise maya, des momies chinchorros, d’antiques sculptures et un exceptionnel ensemble de chemamuls, les totems de bois mapuche. Moins stimulants, mais tout aussi édifiants, les lieux de mémoire de la dictature militaire ( 1973- 1989) sont là pour se souvenir de son cortège d’atrocités : des milliers de prisonniers politiques, de morts et de disparus. À voir : « Londres 38 » , l’un des centres de torture sous Pinochet, l’émouvant musée de la Mémoire et des Droits humains, enfin le parc pour la Paix de la villa Grimaldi, l’ancien quartier général de la Dina, la police politique. Pour conclure, halte, Plaza Constitución, au pied du buste de Salvador Allende, président martyr, première victime du coup d’État. Antidotes au spleen, les barrios, ces quartiers historiques ou populaires, souvent très animés le soir et les week- ends. Parmi les plus attachants, citons Brazil et Yungay pour leurs graphes omniprésents et leur vie de quartier cosmopolite, Bellas Artes et Lastarria pour leur côté bohême et branché, Bellavista et Recoleta pour expérimenter la fameuse institution de la carrete, ou « vie nocturne » . C’est là aussi que l’on peut s’immerger dans la vie et l’oeuvre de Pablo Neruda, en visitant sa charmante retraite, la Chascona. Enfin, les nouveaux quartiers de Providencia et Las Condes, surnommés « Sanhattan » , donnent la pleine mesure de la gentrification de Santiago : villas et terrasses chics, gratte- ciel rutilants, derniers centres commerciaux, fast- food à l’américaine et pâtisseries françaises… La Torre Costanera, flambant neuve, symbolise le clou de cette renaissance urbaine. Toisant les grands boulevards de ses trois cents mètres de verre fumé et de béton, elle est devenue le plus haut édifice d’Amérique latine, à l’image d’un pays en pleine mutation.